![]() |
" Moi un homme moi Nâzim Hikmet poète turc moi ferveur des pieds à la tête des pieds à la tête combat rien qu'espoir, moi." Ainsi se définissait le poète en 1934, alors qu'il vient d'être condamné à 5 ans de prison par le gouvernement turc, en tant que communiste militant.Comme Claude Roy nous l'explique , dans sa très intéressante préface, il aura passé de nombreuses années en prison, notamment 10 ans continus entre 1940 et 1950. Ce sera ensuite l'exil, de pays en pays. Je ne connaissais que quelques poèmes de lui, les plus emblématiques, comme " La plus étrange des créatures ": " Tu es comme le scorpion, mon frère, Tu es comme le scorpion Dans une nuit d'épouvante"... Dans ce recueil très complet et chronologique, j'ai découvert un homme courageux et fort de ses convictions, plein d'humanité, libre dans sa tête malgré la captivité , amoureux des mots, de la vie, des pays traversés pendant l'exil. Tendu aussi vers les femmes aimées, au-delà des murs de sa prison. Ses poèmes m'ont fort émue, transportée, car ils sont puissants, sincères, ils creusent en eux tout l'élan douloureux d'un homme que l'on veut briser et qui résiste, en peignant, en écrivant, refusant de céder au désespoir. Certains d'entre eux sont particulièrement ancrés en moi, comme ce touchant hymne à la vie, "Dimanche": " Aujourd'hui c'est dimanche. Pour la première fois aujourd'hui ils m'ont laissé sortir au soleil, et moi, pour la première fois de ma vie, m'étonnant qu'il soit si loin de moi, qu'il soit si bleu qu'il soit si vaste j'ai regardé le ciel sans bouger. Puis je me suis assis à même la terre, avec respect, je me suis adossé au mur blanc. En cet instant, pas question de gamberger. En cet instant, ni combat, ni liberté, ni femme. La terre, le soleil et moi. Je suis heureux." J'ai été très sensible aussi aux poèmes écrits durant ses voyages, notamment en Pologne, en Russie.Et à Prague, une ville dont il sait bien rendre tout le charme: "Dans Prague tandis que blanchit l'aube La neige tombe, mouillée, d'un gris de plomb. Dans Prague doucement s'éclaire le baroque tourmenté, lointain; Dans ses dorures une tristesse noircie. Sur le pont Charles les statues sont des oiseaux venus d'une étoile morte." Son univers riche, fourmillant, il est difficile pour moi de le transcrire, je préfère vous laisser le découvrir, l'aimer, en palper toutes les nuances, les éclats, au fil des pages.Vous en imprégner, et garder en vous l'image d'un homme mis à l'épreuve du monde , un homme magnifique qui écrit : " Je regarde la nuit à travers les barreaux et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine, Mon coeur bat avec l'étoile la plus lointaine." ... + Lire la suite |
Nâzim Hikmet : Hommage à Nâzim Hikmet (2019 - La compagnie des poètes / France Culture). Par Manou Farine. Réalisation de François Caunac. Avec la collaboration de Thierry Beauchamp. Diffusion sur France Culture le 6 décembre 2019. Avec, en archive sonore, la voix de Nâzim Hikmet. « Je puis dire que j’ai vécu comme un homme / mais le temps qu’il me reste à vivre, / et ce qui pourra m’arriver / qui le sait ? » Nâzim Hikmet, "Autobiographie". Grand rénovateur de la poésie contemporaine, Nâzim Hikmet (1901-1963) a connu la chape de plomb du pouvoir en Turquie. Quinze années de prison, la perte de sa nationalité et un exil de douze ans en Union soviétique. Lorsqu'il décède à Moscou en 1963, « le Turc errant » est devenu une figure majeure de la poésie mondiale. Avec Emmanuelle Collas, éditrice, et Timour Muhidine, écrivain et traducteur, pour "Taranta-Babu" (Editions Emmanuelle Collas) : cet ouvrage paru en 1935, dont seuls quelques extraits ont été publiés en 1936 dans la revue littéraire "Commune" dirigée par Aragon, était resté inédit en France. Prenant la forme de treize lettres adressées de Rome à Addis-Abeba par un jeune Éthiopien à sa femme, Taranta-Babu, au moment où Mussolini s'apprête à fondre sur l'Afrique, ce texte en vers libres se lit comme un roman d'amour. Le poète y dénonce les défis de l'Histoire et affirme sa vision internationaliste et déjà tiers-mondiste. Plus universel que jamais, il construit ici un lien puissant, instantané, entre les époques. Et Nedim Gürsel, écrivain et poète, pour "L’Ange rouge" (Seuil, 2012 ; Points, 2016) ; "Nâzïm Hikmet et la littérature populaire turque" (éd. L'Harmattan, 2000) ; et "Quarante poèmes courts pour une longue séparation" (Nouvelles éditions Place, 2019).
Intervenants :
Nedim Gürsel, écrivain, enseignant à l’INALCO et directeur de recherche au CNRS
Timour Muhidine, écrivain et traducteur
Emmanuelle Collas, directrice des éditions "Galaade"
Source : France Culture