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EAN : 9782201015755
211 pages
Messidor Scandéditions (13/05/1982)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Oscillant entre tempêtes et temps variables, l’œuvre de Nazim Hikmet est toujours le baromètre le plus fiable de la vie politique et sociale en Turquie. Chaque fois que la démocratie gagne du terrain dans son pays (cela arrive parfois), les recueils de poèmes signés Nazim Hikmet réapparaissent au grand jour et sont vendus par milliers. Cependant, chaque fois que la démocratie régresse ou disparaît (cela est arrivé plus d'une fois), ses livres passent à la clandestin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ahmet, militant communiste ayant fui Istanbul et la traque de la police, trouve refuge chez Ismail, dans une baraque misérable des environs d'Izmir. Au cours d'une brève promenade, il se fait mordre par un chien et, comme des cas de rage ont été signalés, il se demande si le virus n'est pas en train de faire lentement son chemin dans son organisme. Se faire soigner ? le seul institut capable de le vacciner se trouve à Istanbul où il est sûr de se faire arrêter. Quarante jours, il lui faut attendre quarante jours pour savoir s'il a été contaminé ; il a déjà confié son revolver à Ismail avec pour consigne de l'abattre si la maladie se développe. Reclus, Ahmet commence alors un long décompte des jours et ses souvenirs affluent dans la pièce où il attend chaque soir le retour d'Ismail et des nouvelles des camarades.
Dans un récit déconstruit où la narration impersonnelle passe tout à coup à la narration directe, le passé repousse sans cesse l'espace clos, étouffant de la masure. Les fragments d'une vie dispersée s'échappent du cerveau tourmenté d'Ahmet. Des bribes d'une enfance choyée auprès d'un grand-père haut dignitaire de l'empire ottoman, la résistance entamée auprès des forces kémalistes qui l'amène à découvrir l'Anatolie et la misère de ses paysans, la fraternité des jeunes communistes qui affluent vers Moscou dans les années 20 et l'amour sourcilleux éprouvé pour Anouchka... Ahmet, submergé par l'angoisse, s'échappe par ses souvenirs, trouées dans le rempart de sa solitude. Il se remémore encore et encore le visage de ses compagnons de lutte, les journaux vendus à la sauvette dans les quartiers ouvriers d'Istanbul, le bolchevisme empirique pratiqué par une sorte de comité de salut public chargé de juger les notables, l'étau qui se resserre peu à peu sur les militants communistes traqués par les alliés d'hier et jugés par des tribunaux d'exception. Ahmet s'efface devant ses compagnons de lutte, Ismail, Ziya et Kerim, leurs séjours en prison, leur liberté en pointillés, les épreuves qu'ils ont endurées : la promiscuité, la torture, les privations. Nazım Hikmet a pris le relais et fondu sa voix dans celle d'Ahmet avec une touchante détresse. « La vie est belle, mon vieux. » a murmuré un jour la fiancée d'Ismail, coeur pur et fidèle. Cette touchante Nérimane, courant de prison en prison, d'abord seule, puis avec son enfant pour visiter un époux à jamais voué à sa cause.
La vie est belle, mon vieux... – à l'origine le vrai titre du livre – cette abdication définitive en faveur de l'espoir rend compte de toute la tendresse humaniste du poète Nazım Hikmet. Ces quelques mots empreints d'humour et de courage témoignent d'une foi inébranlable en la vie, en l'amour, signes de reconnaissance universelle, et qui congédient toute forme d'apitoiement sur les existences brisées.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Une fois que j'ai quitté l'internat – les prières, le jeûne y étaient obligatoires – j'ai tout lâché, prières et jeûne. Et le Coran, je n'ai jamais pu le lire correctement. L'accent tonique, et les signes, tout ça m'embrouillait encore plus, au lieu de m'être de quelque secours. Mais j'étais croyant. Ou plutôt, il ne m'était pas venu à l'idée que Dieu pouvait ne pas être. Et puis un jour – ce n'est pas que j'ai réfléchi sur l'existence ou la non-existence de Dieu, non – , mais je me suis dit que le croyant faisait le bien parce qu'il attendait une récompense divine, pour aller au paradis, pour s'assurer une vie éternelle, qu'il évitait le péché parce qu'il avait peur du châtiment, peur de l'enfer. Cette dépendance du croyant, cet égotisme, me stupéfièrent, comme si je n'avais jamais été croyant moi-même. Et depuis ce jour-là, Ahmet s'efforça de faire tout ce qu'il faisait au-delà de tout souci de récompense, au-delà de toute crainte de châtiment.
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J'ai traduit le poème en russe pour Anouchka et Maroussa.
Ismail allume sa cigarette au feu de la mienne.
- Un beau poème, me dit-il, puis il se lève, il ouvre la fenêtre, le soleil pénètre dans la pièce :
- La vie est belle, mon vieux, dit-il.
La main d'Ahmet est dans la main d'Anouchka, une main blanche, potelée, aux doigts longs.
- La vie est belle, mon vieux, répète Nérimane de sa voix grave.
Mes hôtes n'ont pas vieilli. Ils ont l'âge que j'avais quand je les ai vus pour la dernière fois. Mais moi, j'ai soixante ans. Si je pouvais vivre cinq ans encore...
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- Mon vieux, les salauds sont bien décidés à tous nous exterminer...
- Tu t'imaginais le contraire ? Il y a longtemps que les dirigeants, dans notre pays, ont perdu leur caractère réformateur... quatre-vingts pour cent de ce caractère, tout au moins... Il s'agit de bien le comprendre, bon Dieu de bon Dieu...
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Videos de Nâzim Hikmet (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nâzim Hikmet
Nâzim Hikmet : Hommage à Nâzim Hikmet (2019 - La compagnie des poètes / France Culture). Par Manou Farine. Réalisation de François Caunac. Avec la collaboration de Thierry Beauchamp. Diffusion sur France Culture le 6 décembre 2019. Avec, en archive sonore, la voix de Nâzim Hikmet. « Je puis dire que j’ai vécu comme un homme / mais le temps qu’il me reste à vivre, / et ce qui pourra m’arriver / qui le sait ? » Nâzim Hikmet, "Autobiographie". Grand rénovateur de la poésie contemporaine, Nâzim Hikmet (1901-1963) a connu la chape de plomb du pouvoir en Turquie. Quinze années de prison, la perte de sa nationalité et un exil de douze ans en Union soviétique. Lorsqu'il décède à Moscou en 1963, « le Turc errant » est devenu une figure majeure de la poésie mondiale. Avec Emmanuelle Collas, éditrice, et Timour Muhidine, écrivain et traducteur, pour "Taranta-Babu" (Editions Emmanuelle Collas) : cet ouvrage paru en 1935, dont seuls quelques extraits ont été publiés en 1936 dans la revue littéraire "Commune" dirigée par Aragon, était resté inédit en France. Prenant la forme de treize lettres adressées de Rome à Addis-Abeba par un jeune Éthiopien à sa femme, Taranta-Babu, au moment où Mussolini s'apprête à fondre sur l'Afrique, ce texte en vers libres se lit comme un roman d'amour. Le poète y dénonce les défis de l'Histoire et affirme sa vision internationaliste et déjà tiers-mondiste. Plus universel que jamais, il construit ici un lien puissant, instantané, entre les époques. Et Nedim Gürsel, écrivain et poète, pour "L’Ange rouge" (Seuil, 2012 ; Points, 2016) ; "Nâzïm Hikmet et la littérature populaire turque" (éd. L'Harmattan, 2000) ; et "Quarante poèmes courts pour une longue séparation" (Nouvelles éditions Place, 2019).
Intervenants :
Nedim Gürsel, écrivain, enseignant à l’INALCO et directeur de recherche au CNRS Timour Muhidine, écrivain et traducteur Emmanuelle Collas, directrice des éditions "Galaade"
Source : France Culture
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