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sur 431 notes
« Il est vingt heures, le soleil se couche sur Tunis. Dans la voiture, un flic me met en garde : là où je vais, ça ne va pas être facile, il va falloir rester sur mes gardes et me méfier de tout le monde. (...) Il y a des tueuses. Il faut faire attention. Il ne faut pas leur faire confiance. Elles te dépouilleront, elles te frapperont, ou même pire. Il y a des folles là-bas ».

Là-bas, c'est la Manouba, la plus grande prison de femmes de Tunisie. Là où est conduite la narratrice, une jeune Française. Pavillon D, une cellule à partager avec vingt-sept co-détenues, un seul trésor, un livre, Les Contemplations de Victor Hugo.

Les Contemplées est largement autobiographique. Pauline Hillier a été incarcérée à la Manouba en 2013 suite à une action Femen pour faire libérer la militante féministe tunisienne Amina Sboui. Pour témoigner de cette expérience carcérale, elle aurait pu choisir d'écrire un récit journalistique voire un essai ouvertement militant. Elle a opté pour la forme romanesque au militantisme subtilement impactant.

Evidemment, les descriptions des conditions de vie sont très réalistes . le lecteur est totalement immergé dans la violence et le quotidien sordide très factuel de la prison : promiscuité, repas infâmes servis à même le seau, saleté de la cellule grouillante de cafards, souffrance des corps abimés par le manque d'activité physique et la malnutrition, humiliations en tout genre de la part des représentants de l'autorité. On suit la narratrice au plus près dans son apprentissage des codes et rudiments de la prison. Mais le récit ne se résume pas à un simple compte-rendu.

Le factuel est rehaussé par les choix proprement romanesques de l'autrice. Les Contemplées n'est jamais l'histoire individuelle un peu nombriliste d'une Occidentale et de ses quelques mois en prison qui ne seraient qu'une parenthèse, certes dure, marquante, avant la reprise d'une vie privilégiée en France. Pauline Hillier écarte ainsi fermement la présence de ses deux consoeurs Femen ( une Française et une Allemande ), pourtant incarcérée avec elle, pour braquer le projecteur sur les détenues tunisiennes, déplacer notre regard vers elles et leur rendre hommage. Ce sont elles, les contemplées.

Ce sont elles les héroïnes du roman, ces parias, ces femmes de rien que personne ne veut voir et que Pauline Hillier peut rendre indélébiles par la force de ses mots. Difficile d'oublier ces femmes qui lui tendent la main pour une séance de chiromancie dont la Française maitrise quelques codes. La galerie de portraits qui nait lors des scènes de lectures de ligne de la main est formidable et permet de dresser un panorama complet de la condition féminine en Tunisie avec toute la palette des violences faites au femme dans le cadre d'un patriarcat redoutable.

Boutheina, Fuite, Hafida, Warda, Fazia, Samira, la Cabrane ... oui il y a des meurtrières, des infanticides, mais aussi des femmes battues qui ont tué en état de légitime défense, des femmes adultères que la voix olympienne de leur mari a suffit à faire condamner sans preuves, des prostituées, des femmes à mauvaise réputation. Quel que soit le personnage, quel que soit leur sortie de rail, jamais l'autrice ne les juge et se défait humblement de ses certitudes et ses préjugés moraux sur le Bien, le Mal, la culpabilité et l'innocence. Elle les écoute et on voit sa pensée en mouvement, les doutes qui l'assaillent.

Le roman n'est jamais mortifère, au contraire il est animé d'une pulsion de vie, d'humour même. Pauline Hillier fait surgir du cachot lumière et résilience sans idéaliser ni édulcorer. Ces détenues donnent une leçon d'humanité marquante et universelle qui montre que la sororité collective est possible, même dans les pires situations.

Un roman poignant, vibrant de chair, trempé à l'urgence de parler de notre monde actuel, poing levé.


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Le 29 mai 2013, Pauline Hillier fait partie du groupe féministe Femen qui manifeste seins-nus devant le palais de justice de Tunis en soutien à Amina Sbouï. En revendiquant la libération de la militante tunisienne, la jeune bordelaise terminera à la Manouba, privée de sa propre liberté dans la plus grande prison de femmes de Tunisie. Pavillon D, une cellule nauséabonde à partager avec vingt-huit co-détenues, accompagnée d'un livre qu'elle a miraculeusement pu garder, « Les contemplations » de Victor Hugo, qui sera à l'origine du titre de cet ouvrage et dans lequel elle prendra les notes qui serviront de base à ce témoignage.

« Les Contemplées » est donc tout d'abord un récit carcéral qui immerge le lecteur dans un environnement insalubre, grouillant de cafards et de rats, où les prisonnières doivent survivre dans des conditions d'hygiène totalement rudimentaires et profondément dégradantes. Un huis clos où l'on souffre de malnutrition, d'humiliations en tout genre, de promiscuité, de fouilles à nu outrageuses et de violences régulières de la part des gardiennes.

« Les Contemplées » aurait donc pu se limiter à un témoignage autobiographique visant à dénoncer les conditions d'emprisonnement au coeur d'une société patriarcale bafouant les droits fondamentaux des femmes, mais Pauline Hillier a cependant choisi d'occulter la présence de ses deux consoeurs Femen, pourtant incarcérées avec elle, pour nous parler des femmes tunisiennes qui ont partagé son quotidien.

Ayant quelques notions de chiromancie, la narratrice va progressivement se faire une petite place parmi ses co-détenues en leur lisant les lignes de la main. Une main ouverte et tendue vers le partage du peu de biens qu'elles détiennes, mais surtout des histoires qu'elles ont en commun. La plupart ont beau être innocentes (comme c'est souvent le cas en prison, surtout celles-là), elles sont néanmoins toutes coupables du même crime : être née femme dans un monde dirigée par les hommes !

Grâce à la plume Pauline Hillier, Boutheina, Fuite, Hafida, Warda, Fazia, Samira, la Cabrane et les autres prisonnières se transforment en héroïnes de roman, illuminant cet environnement inhumain de leur humanité, traversant notre ligne de vie pour se graver à jamais dans notre esprit. Là, dans ce pénitencier où les femmes rebelles doivent être oubliées, voire même effacées de la société, des portraits foncièrement attachants sont brossés, tout en dénonçant la condition féminine en Tunisie et en rendant hommage à la merveilleuse sororité qui naît parmi ces femmes victimes du pire…

Finalement, « Les Contemplées » est un récit de transmission, d'histoires de femmes qu'il ne faut pas oublier…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Les contemplées - Pauline Hillier - Roman autobiographique - Éditions La Manufacture des livres - Lu en février 2024.

Pauline Hillier est française, elle écrit depuis son adolescence, elle est membre du Mouvement International Femen.

2013 Tunis - A la suite d'une manifestation à laquelle Pauline Hillier participait, elle est arrêtée. A Tunis, ça ne rigole pas là-bas quand on est femme et qu'on a le culot de manifester pour la liberté.

Pauline se retrouve donc dans la plus grande prison pour femmes de Tunisie, la Manouba, dans le pavillon D, le moins pire de tous disent les détenues.

Pauline découvre l'univers carcéral avec tout ce qu'il comporte d'horreurs, les fouilles à nu, les gardiennes, les mauvaises plus nombreuses que les gentilles, la promiscuité, 27 femmes dans 25 m2, la puanteur, la chaleur, les cafards, le manque d'hygiène. le manque de tout d'ailleurs. La méfiance, la jalousie, les règlements officiels à respecter mais aussi les officieux entre détenues.
Son seul trésor, un livre de Victor Hugo, Les Contemplations qu'on lui a autorisé à garder.

Comment Pauline va-t-elle gérer cet univers impitoyable ?

Pauline, surnommée Bolona par les détenues, va découvrir au fil des jours le parcours de ces femmes enfermées pour diverses raisons, certaines vont se confier à Pauline, les échanges sont compliqués, Pauline ne parle pas l'Arabe.
En lisant les confessions de ces femmes, je me suis dit que même les pires ont souvent agi juste pour survivre ou ne pas être tuées, j'ai fini tout comme Pauline par éprouver une certaine tendresse pour elles.

De ces rencontres et échanges, Pauline Hillier va tirer la force de se tenir droite, des amitiés sont nées, certes éphémères, car elle sortira de prison un mois plus tard, mais elle ne les oubliera jamais ces prisonnières qui lui ont tendu la main, qui lui ont apporté un peu de réconfort dans la longue et angoissante monotonie des heures qui n'en finissent pas de durer.

Cinq années plus tard, Pauline y pense toujours :
"Les savoir encore coincées dans cette boucle infernale (les horaires) tandis que je pouvais de nouveau me promener, dîner avec des amis, rendre visite à ma famille, aller au cinéma ou me baigner dans la mer, me procurait une douleur aigüe à la poitrine"

Lors d'une soirée, Pauline rencontre Nour, une Tunisienne, journaliste reporter de terrain, le courant passe entre les deux femmes, elles se racontent et découvrent qu'elles ont toutes deux été incarcérées dans les geôles de la Manouba, que Nour a connu les mêmes prisonnières :
"Nour, c'est l'histoire d'une jeune femme rebelle et libre à qui l'on a voulu briser les ailes"

Par le biais de son livre, Pauline Hillier veut leur dire qu'elles ne sont pas oubliées, que "quelqu'un est là quelque part qui pense à elles et qui s'en va raconter au monde leur histoire, l'histoire des Contemplées de la Manouba".

Ce fut une belle et riche lecture que Les Contemplées, une lecture qui m'a serré le coeur mais qui m'apprend que même dans les pires endroits comme les geôles de la Manouba, on peut y trouver de l'amitié et de la solidarité.

Un livre à lire, un livre qui laisse des traces, un livre qui interpelle.

Voici un lien d'un entretien de l'autrice dans l'émission La Grande Librairie
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=Pauline+Hillier#fpstate=ive&vld=cid:92748524,vid:2ypxpLIsr1w,st:0
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Femen mémorial
Un témoignage sensible, intense et poignant. le ton est juste, sincère, sans complaisance, la fin chargée d'émotion.
Le récit autobiographique vibrant d'humanité de Pauline Hillier militante de Femen, relate son incarcération dans une geôle tunisienne suite à une manifestation féministe à Tunis.
Elle raconte comment elle se retrouve jetée sans ménagement ni possibilité de s'exprimer dans l'enfer carcéral du pavillon d'de la Manouba traitée comme une criminelle au milieu d'une trentaine de codétenues.
D'abord terrifiée par les autres prisonnières : des délinquantes qu'on lui dépeint comme dangereuses, son regard sur elles change peu à peu. L'autrice ne possède pour seul refuge que « Les Contemplations» de Victor Hugo qu'elle utilise aussi comme journal emplissant de ses notes tous les espaces blancs. Sachant lire les lignes de la main elle offre aux détenues ses talents de chiromancienne. En tailleur sur sa couchette, paume dans la main, elle se transforme en diseuse de bonne aventure. le contact tactile permet de la rapprocher de toutes ces femmes que la machine carcérale a brisées et qui se mettent à lui confier des récits bouleversants.
Au sein de sa cellule crade aux odeurs pestilentielles, dans des conditions de détentions lamentables, l'écrivaine rencontre une bienveillance et une solidarité auxquelles elle ne s'attendait pas. «D'une bande de tueuses, de voleuses et de petites délinquantes j'ai reçu la plus magistrale des leçons d'humanité. » Cette sororité « immense et pure » l'aide à survivre.
Hafifa, Warda, Fuite, la Cabrane, Chafia, La Cristal, la vieille Boutheina…, autant de noms, surnoms et trajectoires de femmes lumineuses et attachantes qui résonnent encore en elle (et en nous).
Condamnées à de lourdes peines souvent disproportionnées, leurs actes délictueux sont couramment la conséquence de la violence patriarcale. Hantée par ses soeurs d'infortune depuis sa libération, elle écrit pour éterniser leur mémoire.
Ce livre est le mémorial de toutes ces « moins que rien » qui par leur chaleur humaine ont permis à Pauline Hillier de garder foi en l'humanité.
Une leçon magistrale, pour le lecteur aussi.
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En mai 2013, Pauline Hillier fait partie de ces femmes qui manifestent en soutien à Amina Sbouï, une activiste tunisienne. Malheureusement, avec deux autres femmes, elle se fait arrêter par la police. Si elle ne comprend pas ce qui lui arrive, en voyant passer devant elle des officiers, une avocate tout affolée, un flic, dans la voiture, la prévient que ça ne va pas être facile et qu'il va lui falloir être sur ses gardes. Après un trajet qui lui semble interminable, peinant à reconnaître les lieux, il la conduit à la Geôle. Après avoir été malmenée, menottée, trimballée, fouillée, elle atterrit finalement dans une cellule de 30m², où se tiennent déjà pas moins de 27 femmes, au sein du Pavillon d'de la Manouba. Si elle décide aussitôt de s'isoler, d'éviter tout contact avec ces femmes (des criminelles ? des tueuses ? des voleuses ?) dont elle se méfie, son regard envers elles va pourtant très vite changer...

C'est par le biais d'une rencontre hasardeuse, des années plus tard, que Pauline Hillier décidera de raconter l'histoire des Contemplées de la Manouba. À partir de ses notes et dessins, dans le recueil des Contemplations de Victor Hugo qu'elle aura pu garder avec elle dans sa cellule, de ses souvenirs, que l'on devine intacts, la jeune femme raconte non seulement ses conditions insalubres d'emprisonnement (rats, cafards, rationnement) ou le comportement violent des gardiennes mais surtout elle nous raconte ses codétenues. Aussi bien les raisons (parfois insensées qui les ont amenées là) que ce qu'elles sont, ce qu'elles dégagent de terriblement humain, de générosité, de bienveillance, d'entraide. Parce qu'elle lit les lignes des mains, ces moments de partage deviennent des moments de confidence. L'on est saisi alors par ces portraits de femmes fortes et courageuses, soumises aux dures lois du patriarcat. Sans jamais les juger, Pauline Hillier leur porte, au contraire, un regard empreint de tendresse et de respect. Par le biais de ce témoignage bouleversant, mettant en lumière ces femmes mises à l'ombre, Pauline Hillier leur rend ainsi un vibrant hommage...
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En ouvrant ce livre, je n'avais pas trop idée du style auquel m'attendre, je craignais un peu les écrits d'une Femen qui éructe sur sa période de détention en Tunisie en 2013. Je m'attendais à un style à la Despentes, un brulot un brin outrancier, une posture revendicatrice et revancharde. Je me suis trompée, et j'en suis ravie.
J'ai découvert la très jolie plume et surtout l'humilité de Pauline Hillier qui m'a touchée en plein coeur. C'est tremblante et fragile que Pauline Hillier se retrouve dans le système carcéral tunisien, complètement désarmée, comme si elle n'avait pas envisagé une minute ce qui l'attendait après avoir protesté poitrine dénudée devant le palais de justice dans Tunis contre l'emprisonnement d'une tunisienne qui voulait défendre la liberté des femmes. D'ailleurs, ce fait est à peine mentionné dans le roman.
Car ce n'est pas Pauline Hillier le centre de l'histoire, les tribulations d'une petite occidentale, européenne, parisienne de surcroît, au coeur de la Manouba, la prison des femmes de Tunis. Non, le centre ou plutôt les centres (car ici pas de cellule de deux ou trois détenues et encore moins de cellule individuelle), ce sont vingt-sept codétenues qui s'entassent dans une pièce de 30 m2 sans la moindre intimité. Ce sont elles les Contemplées, ces femmes magnifiques dont Pauline Hillier va si bien brosser le portrait.
L'auteure se garde bien d'être dans un quelconque jugement, elle recueille avec douceur leurs témoignages, les laisse venir à elles et les caresse comme des petits chats blessés. Ces femmes ont tant besoin d'une oreille attentive, d'être crues, considérées comme vivantes, humaines, elles qui sont mises au rebut, délaissées par leurs familles, un pied déjà en dehors de notre monde.
L'autrice leur donne à toutes la parole avec une grande intensité, et pour beaucoup, je garderai leur histoire en mémoire.
Merci à Pauline Hillier pour cette transmission de témoignages sur la vie en prison, les destins brisés. Pas d'angélisme non plus, toutes ne sont pas des saintes échouées là à la faveur d'une erreur judiciaire, si c'est clairement le cas pour certaines, d'autres ont tué, et seraient prêtes à le refaire sans hésiter.
En creux, se dessine le visage de la vie des femmes tunisiennes de tous âges, de leurs relations avec les hommes qui conditionnent en grande partie leur destin, leur absence de liberté.
Un témoignage dans sa vérité nue, simple et poignant, j'ai juste regretté que passée la porte de la prison Pauline Hillier ait perdu tout contact avec ces femmes si bien contemplées, j'aurais tant aimé savoir ce qu'elles sont devenues plus de dix ans après…
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Me voilà bien embêtée. C'est mon copain Berni qui avait attiré mon attention sur ce livre, et puis il y a eu Kirzy, YvanT, Babounette, Bichette, Marina, … une avalanche de billets positifs et de babel- copains complètement sous le charme. Et me voilà avec mes gros sabots, comme un cheveu sur la soupe, pour vous dire avec une petite voix « euh… psst, les copains, ben en fait, il se trouve que peut être qu'il se pourrait que je sois un petit peu passée à côté et que j'ai un petit peu beaucoup pas trop aimé au final ». Je l'ai pas fait exprès promis.

Bon là je sens que j'ai intérêt à argumenter sérieusement et à plaider ma cause avec le plus grand sérieux si je ne veux pas me retrouver privée de chocolat !

Le premier frein a été visuel : des lignes et des lignes s'étalant sur des pages noircies toutes de manière uniforme, ce livre est un long monologue dans lequel l'autrice nous raconte son expérience dans une prison Tunisienne. Elle nous raconte les journées interminables presque minute par minute et l'histoire de ses codétenues, 27 au total, avec lesquelles elle vit dans la promiscuité. Mais voilà le texte est dense, sans dialogues et sans respirations. Ajouté au huis clos dans lequel évolue l'histoire cela aurait pu, et c'est peut être d'ailleurs la volonté de l'autrice, donner au lecteur un sentiment d'enfermement, de claustrophobie. Sur moi cela n'a pas eu cet effet, pour être honnête je me suis ennuyée et j'ai lu ce livre comme il m'a semblé avoir été écrit : au kilomètre.

Si Pauline HILLIER décrit bien son ressenti, ses sentiments, et l'impact psychologique de la prison sur elle même, le style, ou plutôt l'absence de style, et la plume ne m'ont pas embarqués. Les personnages sont restés des êtres de papier. Ce qui est un comble quand on sait que tout ceci est en grande partie autobiographique et que ces femmes existent. Pourtant je n'ai pas réussi à éprouver de l'empathie pour ces femmes. L'histoire bien qu'intéressante et par certains aspects révoltante n'a pas éveillée en moi la colère et l'indignation qu'elle aurait dû faire naître. Je suis restée loin de Manouba et de ces femmes, tenue à l'écart par cette plume qui m'a parlé de très loin sans m'atteindre vraiment. C'est étonnant mais c'est comme ça. La rencontre n'a pas eu lieu. Je me suis noyée dans la forme, les descriptions sans fin, les redondances, les phrases interminables et le manque d'émotion. C'est d'autant plus dommage que le sujet m'intéressait vraiment.

Un livre qui m'a laissé de marbre malgré la gravité du sujet.
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Arrêtée à Tunis parce qu'elle manifestait comme « femen », Pauline Hillier est arrêtée et conduite à la Manouba, la prison pour femmes.
Pendant plusieurs semaines, elle va subir le sort des détenues tunisiennes, partager les 30 m2 de la cellule avec 27 autres femmes, supporter la saleté, les odeurs, la mauvaise nourriture, les humiliations...

L'expérience l'anéantit tout d'abord, malgré son courage et sa volonté, et elle se recroqueville sur son lit superposé avec vue sur les toilettes.
Mais peu à peu les autres détenues lui parlent, lui apprennent les mots arabes du quotidien et l'initient aux règles de la prison.
Et surtout, quand elle propose de leur lire les lignes de la main (elle avait appris, il y a longtemps...), la glace se rompt et les confidences commencent...
L'une est là car elle a tué son mari qui se montrait violent envers elle et ses enfants depuis des années, l'autre, enceinte, a dépensé l'argent du ménage, une autre a été accusée à tort d'un meurtre.

Pauline, militante féministe, découvre le quotidien de ces tunisiennes, malmenées par la loi, par leur mari et par leur famille, et qui paient de leur liberté, parfois de leur vie, leur situation de femme.

Sa vie en sera profondément marquée et ce n'est que plusieurs années après qu'elle pourra écrire sur cette incarcération (qu'elle qualifiera de roman car elle a aussi puisé dans les souvenirs d'autres Femen emprisonnées)
Le style, oppressant, presque sans respiration, restitue la violence de cette expérience, il témoigne de l'urgence de se battre contre l'oppression des femmes dans les pays arables et pour une justice digne de ce nom.

Merci à la sélection du Prix Cezam 2024 qui m'a permis de découvrir ce texte.
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« Bolona c'est mon histoire. L'histoire d'une jeune féministe française à la poursuite de ses rêves de justice et d'égalité pour toutes, partout, tout le temps. Cette année-là j'ai poussé mes idéaux à leur paroxysme. Estimant qu'aucune frontière ni aucune loi ne devaient empêcher la solidarité entre les femmes, j'ai bravé les interdits pour en faire moi-même la manifestation. Émue par le sort d'une Tunisienne emprisonnée pour avoir défendu la liberté des femmes, j'ai été à mon tour enfermée pour avoir défendu la sienne. J'appartenais à l'époque à un célèbre groupe féministe d'origine ukrainienne dont l'impertinence et les coups de poing agitaient l'opinion publique et les médias du monde entier. C'est donc seins nus, le poing levé et les cheveux sertis de fleurs que j'ai manifesté mon soutien à la jeune prisonnière, en pleine heure de pointe devant le palais de justice de Tunis. Je connaissais les risques, je les ai acceptés, et j'en ai payé le prix, en passant un mois derrière les grilles de la Manouba. »

C'est à la toute fin du récit que Pauline Hillier, ancienne Femen, porte ce témoignage, cette ultime et généreuse parole par laquelle j'ai voulu introduire mon billet.
Je suis donc entré dans les pas de la narratrice, j'ai poussé les portes de la Manouba, une prison pour femmes dans le coeur de Tunis. Je suis entré dans cet enfermement, la crasse, la puanteur, les fouilles au corps, les humiliations dès les premiers instants, l'horreur de la réclusion, la promiscuité, l'étouffement, c'est un nouvel ordre du monde qui siège entre ces murs épais avec des règles autant édictées par les gardiennes féroces comme des hyènes que par les codétenues qui ne sont prêtes à faire de cadeaux à personne, et surtout pas à une étrangère…
Sans sas de décompression, la narratrice se retrouve du jour au lendemain plongée en immersion dans une cellule où elles sont
vingt-huit codétenues.
Elle va partager durant un mois leur quotidien et leurs secrets.
Dès les premières heures, cette prison ressemble aux entrailles d'un monde intemporel, hors du réel.
Pourtant, pourtant, quelque chose va se passer, une histoire née de l'injustice et de l'inacceptable. Les Contemplées est une histoire de sororité et d'apprivoisement.
Un jour, la narratrice saisit la main d'une de ses voisines de cellule et commence à lui lire ses lignes de vie. Mais à quoi ressemble la ligne de vie d'un destin brisé, cassé par des lois plus fortes que celle de la vie ? Des lois faites par les hommes et pour les hommes, où des femmes ont si peu de place pour ne pas dire aucune place. Je ne vous parle pas ici d'une Tunisie médiévale, mais bien contemporaine puisque cela se passe en 2013.
Elles sont tueuses, voleuses, prostituées, victimes le plus souvent d'erreurs judiciaires… Être tueuse, c'est parfois aussi se délivrer du joug d'un prédateur, c'est parfois l'ultime geste pour protéger un enfant, c'est se dire plus jamais ça, c'est saisir un couteau dans la cuisine un soir et éventrer celui qui fait mal, le tortionnaire autorisé à le faire, c'est se dire que l'on va finir sa vie dans une prison comme la Manouba, c'est le savoir par avance ou peut-être pas du tout, mais qu'importe ! C'est toujours mieux que de subir les sempiternels coups d'un geôlier, d'un tortionnaire à domicile. D'autres sont prostituées et n'ont pas d'autres choix pour tenir debout, tandis que les policiers et les juges préfèrent les incriminer, elles plutôt que les hommes bien-pensants de cette société tunisienne qui vont leur rendre visite pour distraire la monotonie de leur vie conjugale.
Plus qu'un roman autobiographique, Les Contemplées est une ode aux soeurs emmurées. Elles s'appellent Hafida, Fuite, Saïda, Fazia, La Cabrane, Boutheina la doyenne, Chafia qui vit sa vie de chat…
Elle la narratrice, on la nomme désormais Bolona…
Leurs vies ont basculé de l'autre côté du paysage, elles n'ont peut-être plus désormais l'espace pour déployer leurs ailes, ici elles ne reçoivent plus les coups d'un homme qui a le droit de battre sa femme sans qu'on lui en tienne grief. Elles appartiennent pourtant à jamais à l'espace du dehors qu'elles réinventent dans des chants, dans des rêves, dans des caresses, elles sont enfermées, sont dedans contre-nature.
Alors la narratrice accueille chacune de leurs histoires comme une confidence, comme une offrande, une caresse, un poids qui peut délivrer un coeur.
Parfois certaines d'entre elles accumulent tout comme un zèle effréné du destin : l'erreur judiciaire, le délit de faciès, le coup monté, l'incompétence d'un policier ou d'un juge, le machisme, le racisme, le mépris de classe ou l'abus de pouvoir… On pourrait résumer cela en un seul mot : la fatalité. Non, j'ironise bien sûr, mais hélas c'est bien la vérité, c'est ce qui se passe dans la vraie vie là-bas.
Dans ces amitiés qui se nouent, il y a malgré tout de la joie, de la tendresse, de l'humour aussi quand l'une d'entre elles évoque comme seule justification de sa présence ici la magie noire dirigée contre elle…
Il y a une lumière qui porte ce récit, se faufile dans ses pages, nous prend par la main.
Quelque chose d'une portée universelle se terre dans les mots de ce livre d'une formidable et vibrante humanité. Ce livre est une déflagration qui m'a secoué, chaviré. Qui plus est, l'écriture de Pauline Hillier est magnifique, éblouissante, d'une formidable vibration.
Si le féminisme est un combat, il devrait ressembler, selon moi, à ce côté guerrier que porte en elle Pauline Hillier, dans ses actes et dans sa manière d'écrire.
Ce qui force ici le respect, c'est cette solidarité en prison plus forte que tout, qui emporte tout, cette solidarité de ces femmes qui survivent et luttent pour garder intacte leur dignité bafouée.
Ce sont des femmes qui ont pour seul reproche d'avoir trébuché, rêvant un seul instant d'échapper à la trajectoire inexorable écrite par avance pour elles.
Les Contemplations de Victor Hugo est le seul livre que la narratrice a pu faire entrer dans la prison. Elle n'a rien pour écrire à part un crayon et ce recueil de poèmes de Victor Hugo, alors elle va écrire ce qu'elle vit, ce qu'elle ressent, dans les marges de ce livre, des mots les siens, adossés à ceux du grand écrivain, qu'elle lisait pour elle, aux autres aussi, pour tenir debout et survivre parmi la crasse, la puanteur, l'enfermement.
Un mois c'est peu, c'est long, écrit-elle plus tard. C'est un grain de sable parmi celles qu'elle a quittées, ses soeurs à jamais, celles qui ont vingt ans et qui finiront leur vie entre ces quatre murs. C'est insupportable de le savoir, de l'imaginer un seul instant. Pour les plus âgées, le constat est aussi effroyable. Elles mourront ici.
De ce mois d'incarcération, je suis prêt à croire que Pauline Hillier n'en est pas ressortie indemne.
Alors je comprends les rêves guerriers de cette rebelle que celle-ci est, j'ai compris ce rêve qui palpite en elle comme un coeur dans les douleurs sourdes, étouffées et d'où peut-être jaillira la révolte flamboyante qui renversera le monde, où des femmes, à Kaboul, à Téhéran, ici ou ailleurs, pourront enlever effrontément leur tchador et faire un doigt d'honneur bien profond à leurs geôliers légitimes sans qu'on les poursuive pour les lapider en place publique…
Pauline Hillier a mis dix ans avant d'écrire ce récit.
Ce soir je pense aux femmes de la Manouba, aux prisonnières, à toutes les prisonnières des autres prisons de la terre qui ressemblent à cette prison-ci, aux rejetées, aux effacées, qu'elles soient innocentes ou coupables de leurs crimes je m'en fous, peu importe puisqu'elles n'auront jamais droit à la justice, ce soir je pense à elles.
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Voici un « Roman autobiographique » sur les pas d'une jeune féministe à la poursuite de ses rêves de justice et d'égalité pour toutes. Pauline, au cours d'une action des Femen réclamant la libération d'une tunisienne emprisonnée, s'expose seins nus avec une couronne de fleurs dans les cheveux, devant le tribunal de Tunis. Immédiatement arrêtée, menottée, elle est incarcérée à La Manouba. Plusieurs années après les évènements, elle nous livre un récit fiévreux de ces semaines où elle a subi les humiliations du personnel de la prison, mais aussi goûté à la solidarité et tissé des liens avec ces femmes – petites délinquantes, voleuses, criminelles – qu'elle a côtoyées.

J'aime les récits où l'auteur est infiltré dans un milieu pour mieux l'étudier et le comprendre. Je pense à Günter Wallraff, à son livre Tête de turc où il se fait passer pour un travailleur immigré turc sans carte de travail, à Florence Aubenas et son Quai de Ouistreham, fruit d'une immersion dans la condition des travailleuses les plus précaires. le cas de Pauline Hillier est un peu différent, elle n'a pas vraiment prévu d'être incarcérée dans la sinistre prison pour femmes de la Manouba en Tunisie. Elle connaissait les risques de son action mais a visiblement été surprise par la violence des conditions de détention. Amenée à partager le terrible quotidien de ces femmes emprisonnées, elle va observer celles à qui on ne donne jamais la paroles, comme une opportunité et une prolongation à son combat féministe.

Rien n'est fourni par la prison, même pas une cuillère ou une assiette qu'il faut demander à la famille quand on en a une. La nourriture est mauvaise, insuffisante. Ses anciens vêtements, jean et débardeurs, sont interdits. Pauline, bientôt surnommée Bolona, se retrouve en pantoufles, avec un pantalon trop grand retenu par une pince à linge, cadeaux de ses codétenues car, heureusement, au pavillon D, la solidarité est réelle, organisant « la survie » à vingt huit dans une trentaine de mètres carrés. Elle a seulement réussi à conserver un livre « Les contemplations » de Victor Hugo, utile pour écrire ses notes dans les marges et qui lui fournira un beau titre pour son livre.

Pauline a vaguement appris à lire dans les lignes de la main, sans y croire, par jeu. Elle va s'en servir afin d'établir le contact et pour s'occuper. C'est ainsi qu'elle prend la main d' Hafida, par gratitude envers celle qui est venue lui parler, la rassurer. Très vite la magie opère et en retour Hafida lui raconte son histoire. La Bolona devient alors, pour l'ensemble du pavillon D, « la voyante », celle que l'on interroge pour rendre le présent moins sombre et l'avenir moins incertain. Elles vivent dans la promiscuité et l'ennui, les sorties sont rares – un quart d'heure, deux fois par semaine environ… Elles se nomment : Lina mais tout le monde l'appelle « Fuite » , Chafia l'insomniaque, La Cabrane redoutée au début mais utile pour « cantiner » et pour le marché noir, Boutheina, criminelle et grand-mère de substitution, et bien d'autres, troublantes, inquiétantes, fragiles, attachantes.

Ce pourrait être un témoignage très intéressant. C'est bien plus que cela, une sorte de magie opère en permanence nous faisant vivre les évènements et éprouver les sentiments de ces prisonnières. La force de l'écriture est là, dans les détails, dans la crudité des situations, sans misérabilisme. Conservant la distance avec ce qui lui est raconté, inventant ce que sa mémoire a oublié et ce que réclame la littérature, Pauline Hillier sait utiliser l'humour pour rendre cocasse les absurdités de la domination patriarcale et celles de la complexité humaine qui n'a pas de sexe. L'histoire de Boutheina, meurtrière suite à une altercation entre voisines qui tourne au drame, devient aussi pathétique que drôle.

Dans ce court récit mais particulièrement intense, domine la réflexion sur l'emprisonnement de ces femmes souvent victimes d'une société qui ne les écoute pas, les rejette au moindre faux pas. Condamnée à un an au départ, Pauline Hillier aura passé un mois à La Manouba. Un mois cela peut paraître court mais vous pouvez me croire, quand vous aurez lu ce livre, vous trouverez que c'est très très long. Lisez-le, il en vaut la peine (selon moi évidemment), il déborde de qualités morales et littéraires ! L'image que je garderai : la lecture et les confessions recueillies dans la paume de la main des détenues ainsi que le tatouage au henné en retour dans la paume de Pauline.

Pauline Hillier est née en Vendée en 1986. Elle écrit depuis l'adolescence. Son premier roman, A vivre couché, est paru en 2014. Membre du mouvement international Femen de 2012 à 2018, elle a participé à de nombreuses actions, en France comme à l'étranger. Les Contemplées lui a été inspiré par son séjour en prison en 2013. « Une révélation ! Un magnifique roman, puissant, incandescent et d'une folle liberté » selon Augustin Trapenard qui l'a invitée à la Grande Librairie pour une séquence que je recommande.

La Manufacture de livres a été créée en 2010. Cette maison d'édition indépendante, fondée et dirigée par Pierre Fourniaud, a fait connaître des auteurs comme Franck Bouysse, Benoît Séverac ou Laurent Petitmangin... Les Trophées de l'édition organisés par Livres Hebdo lui ont décerné le prix du meilleur éditeur de l'année. Un éditeur « dégagé de la pression des grands groupes ». Précieux et prometteur d'autres découvertes. Cela me plaît vraiment !
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