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EAN : 9782370550484
549 pages
Le Tripode (09/04/2015)
4.14/5   87 notes
Résumé :
Odyssée tragique et rocambolesque d'un paysan arménien émigré aux Etats-Unis et accusé à son retour en 1914 de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo ; saga familiale foisonnante de destins heureux, cruels ou cocasses ; épopée tentaculaire du peuple arménien condamné à mort par le pouvoir turc lors du « grand massacre » de 1915 : tout se mêle et se répond dans ce roman prodigieux, envoûtant à la manière des contes orientaux, tour à tour truculent, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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"Le premier droit de l'homme est le droit à la vie" pourtant "l'homme est un animal qui tue". J'aime ces
deux citations de Robert Badinter s'appliquant à tous les temps mais particulièrement au XX -ème siècle qui a connu quatre grands génocides dont celui des Arméniens.

Printemps 1915 débute l'holocauste en Anatolie. Auparavant,
Abdul Hamid avait massacré 300 000 arméniens mais l'arrivée au pouvoir du Comité Union et Progrès accélère le processus d'éradication.
Cette population qui était une force vive en Turquie que représentaient artisans, commerçants ou paysans est devenue la bête immonde à tuer.
C'est à travers la vie du pauvre Wartan Khatisian que le lecteur suit la tragédie d'un innocent manipulé par les mensonges d'Etat.
Accusé de complotiste, Wartan subit tortures morales et physiques afin d'avouer sa complicité avec une conspiration mondiale arménienne.
"Les ficelles de cette guerre, ce sont les Arméniens qui les tirent. Leur but est l'anéantissement de l'humanité. Mais d'abord, ils veulent nous nuire à nous les Turcs."
La vie de Wartan défile grâce à Meddah, le conteur qui s'adresse au moribond Thovmas, fils de Wartan.
Cette forme de narration voulu par Hilsenrath permet de calquer la tradition arménienne des contes et de garder ainsi une distance face aux atrocités commises par les Kurdes, Tchettes, et zaptiehs.

L'auteur allemand de confession juive emploie ici ironie et sarcasme et décrit crûment la boucherie notamment dans la gorge de Kemach au nord de l'Euphrate.
J'ai dû maintes fois arrêter ma lecture heurtée par les actes barbares infligés aux Arméniens et aux Arméniennes.
Toutefois Meddah n'oublie pas de décrire des temps plus doux où ce peuple vivait en harmonie près de la chaleur du tonir.

Ce génocide programmée non reconnu par la Turquie engendre un profond sentiment d'injustice auprès des descendants. D'ailleurs ce livre est venu entre mes mains grâce à un ami d'origine arménienne qui voulait m'éclairer sur le sort de ses aïeuls.
Je n'ai pu m'empêcher de faire une corrélation avec "La zone d'intérêt " livre irrévérencieux de Martin Amis caricaturant la shoah des juifs.
"Rire de la mort, je veux qu'elle reste dans la gorge", voilà la mission de l'auteur qui a connu lui aussi l'exil.
Un livre mémoriel et bouleversant qui atteint sa cible en plein coeur. Mission accomplie Monsieur Hilsenrath.
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Dans la tradition des vieux contes orientaux telle que la conçoivent en tout cas les lecteurs occidentaux, le Conte de la Pensée Dernière se fait récit à plusieurs niveaux. En effet, qu'est-ce que cette pensée dernière, sinon elle-même un conte englobé dans le conte plus moderne de la tradition « orale » ? Edgar Hilsenrath, sang-mêlé aux influences et aux origines diverses –fils d'une famille juive d'origine polonaise, déporté dans un camp nazi avant de vivre en Israël puis aux Etats-Unis- est d'un cosmopolitisme dont il joue avec subtilité.


Pourrait-on comparer son Conte de la Pensée dernière avec un autre conte choisi tout à fait par hasard, lui-même issu de la vieille tradition orientale ? par exemple les Contes des Milles et une nuits ? On retrouverait là de belles similitudes, ainsi ce rythme caractéristique de la narration, répétitif et mécanique à la manière d'une chanson –donc également musical- et primaire dans les structures grammaticales. On retrouverait également des thèmes similaires dans la perversité, la cruauté et l'érotisme déployés par les personnages, que tout semble rassembler autour des problématiques de l'union amoureuse, de la famille et des castes –et donc du pouvoir. Edgar Hilsenrath ne se contente cependant pas d'un récit à lire au premier degré. Espiègle et ludique, il prend du recul et s'éloigne de la tradition ancestrale du conte oriental pour instiller un brin du cynisme post-historique qui échoit à ceux qui ont vécu et connu les tumultes de la première moitié du 20e siècle, et une dose d'ironie à la fois accusatrice –lorsqu'il s'agit de décrire les comportements absurdes des grands hommes- mais aussi libératrice –car l'ironie est un signe d'espoir lorsqu'elle devient parole du survivant. Edgar Hilsenrath corse les règles du jeu du conte oriental en brouillant les pistes chronologiques, nous faisant passer d'une époque à l'autre sans crier gare et en nous laissant nous débrouiller quant à l'identité des voix qui s'expriment tour à tour. Sans chercher à compliquer notre pauvre existence de lecteur, Edgar Hilsenrath parvient ainsi à donner de l'épaisseur à son conte qui ne se montre jamais linéaire.


Là où l'écrivain se montre résolument moderne, c'est dans le sujet que choisit d'évoquer la petite voix de la Pensée dernière. A travers un défilé de légendes, de rumeurs, d'époques et de personnages, Edgar Hilsenrath se propose de nous présenter une région partagée entre Turcs, Kurdes et Arméniens –or, on sait que les plus grands ennemis et que les plus cruels conflits éclatent entre ceux qui sont le plus proches et qui se ressemblent le plus, car les seules différences existant entre eux prennent alors des proportions hors-du-commun. Une conjonction d'évènements locaux mais aussi internationaux, à laquelle participent les états européens dans un jeu de conflits d'intérêts, précipitera le pogrom arménien de 1915 qui aboutit au génocide bien connu. En suivant le Conte de la Pensée Dernière, nous passons donc progressivement d'une histoire locale à une histoire dont le périmètre d'influence s'élargit sans cesse jusqu'à englober la Terre entière, car tel est le projet d'Edgar Hilsenrath : donner une voix à toutes les victimes silencieuses, obligées de souffrir et de se taire tout à la fois.


Pour éviter un excès de tragique qui aurait rendu ce conte plombant, l'écrivain n'hésite pas à ridiculiser les principaux acteurs de ce crime. Pas d'intelligence ni de perspicacité à l'oeuvre dans les grandes décisions politiques : ici comme ailleurs, le pouvoir tyrannique permet tout et sert aux intérêts individuels.


« - Et les maisons des Arméniens, qu'est-ce qu'elles vont devenir ? Et le mobilier ? Et les vêtements et tout le reste ? Et l'argent et l'or et les bijoux ? Qu'est-ce qu'on en fera ?
- Les objets de valeur devront être remis aux autorités. Et cela sous peine de mort. Les bagages des Arméniens devront se limiter à ce qu'ils peuvent porter eux-mêmes ou ce qu'ils pourront entasser sur les chars à boeufs. Nous ferons proclamer que les biens immobiliers seront restitués aux déportés à la fin de la guerre, lorsqu'ils rentreront chez eux.
- Il y en aura donc qui rentreront chez eux ?
- Nous ferons en sorte que personne ne rentre.
- Dans ce cas, il n'y aura pas de restitution, je veux dire : de ces biens immobiliers ?
- Je ne vous le fais pas dire. »


Mais les petits acteurs de ce conte –paysans, mères de famille, enfants…- n'échappent pas à la même causticité verbale d'Edgar Hilsenrath. Leurs défauts sont eux aussi mis en avant et leur exubérance éclate à travers les légendes métaphoriques transmises de génération en génération :


« Et soudain les gros sacs de lait de sa mère éclatèrent. Et ce furent des torrents de lait qui dévalèrent la montagne et se répandirent dans les vallées anatoliennes. Et les torrents devinrent des fleuves. Et les fleuves devinrent des mers. le lait de sa mère coulait de par le monde à grands flots, seul le petit Wartan, couché sous la vigne, en demeurait privé. Et le petit Wartan hurlait, hurlait, avide du lait de sa mère qui coulait partout, sauf dans sa bouche. »


Ainsi, si Edgar Hilsenrath évite au lecteur de revivre trop pleinement le tragique d'un génocide en nous tenant à distance de ses personnages, il ne lui permet pas non plus d'éprouver le moindre sentiment de compassion pour eux. Les victimes redeviennent ce qu'elles ont toujours été : une masse informe qui disparaît dans l'anonymat, tandis que les responsables en premier lieu continuent de porter le costume bouffon des petits enfants égoïstes qui ont grandi trop vite. Si Edgar Hilsenrath parvient à transcender son propos avec une légèreté toute musicale, il n'ose toutefois pas approcher son lecteur et ne parvient pas à lui transmettre ce qui était peut-être son objectif premier : le sentiment de persécution et de rejet de tout un peuple.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Thovma Khatissian va mourir, il vit ses dernières heures.C'est le moment où toute sa vie défile, où ses dernières pensées conscientes lui viennent à l'esprit. Cette conscience qui s'échappe de son corps est le conteur, personnage irréel qui va nous parler pendant tout ce roman. Une forme de double qui le confronte à son passé et surtout à celui de sa famille, à ses origines. Un double qui au fil des pages sera tantôt "le conteur", tantôt "Meddah", ce double, cette conscience l'interrogera.
La construction est originale et plaisante
Thovma est né en 1915, pendant ce génocide arménien, si peu évoqué en littérature...il est l'un des derniers contemporains de cette horreur...Une horreur que sa famille a vécu.
Ne sortez pas les mouchoirs...préparez-vous à vivre une aventure dans laquelle le burlesque, la farce, côtoient L Histoire, la vraie, la farce, l'horreur.
Cette haine que portent les Turcs et Kurdes aux Arméniens est une haine ancestrale, viscérale.
La mère de Thovma était enceinte de lui quand Wartan Khatissian, son père, personnage principal, fut arrêté et torturé... A son retour des Etats-Unis où il avait émigré, il passa par Sarajevo, le 28 juin 1914, jour de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'Empire austro-hongrois, et de son épouse...Alors pourquoi pas, contre toutes les évidences, lui faire avouer ce meurtre au nom d'une internationale arménienne voulant déstabiliser la Turquie ! On trouverait ainsi un bon prétexte pour entrer en guerre cnntre eux. Tous les moyens sont bons pour le faire avouer...Hilsenrath alterne horreur et sourire quand il évoque le scénario invraisemblable imaginé pour les Turcs, conseillés par leurs alliés - des officiers allemands - pour démontrer au monde la malveillance des Arméniens. L'imbécillité instaurée comme mode de gouvernance d'un peuple ! le rôle de l'Allemagne !
Une manipulation, une machination qui en préfigurent d'autres aussi dramatiques. La grande Histoire nous le confirmera.
Depuis des années les Arméniens vivent sur un territoire à cheval sur l'est de la Turquie et la Russie. Depuis toujours les Turcs et le Kurdes les rejettent, les emprisonnent, les tuent. Depuis des années ils sont pendus et restent accrochés aux arbres aux yeux de tous. La religion oppose ces communautés, les Arméniens sont chrétiens au sein d'un monde musulman. Ils sont là depuis 4000 ans, mais sont toujours considérés comme des intrus. Hilsenrath nous permet de découvrir leurs conditions vie en ce début de siècle et leur histoire. Oh non ! ils ne vivent pas dans l'opulence, ils ont des doigts d'or et sont souvent artisans, bottiers, orfèvres. de ce fait ils sont indispensables. Indispensables mais haïs. C'est certain, ils sont très riches ! On les soupçonne de cacher leur or dans la chevelure des femmes, dans les talons de leurs bottes...ça ne vous rappelle rien ces a priori, cette haine contre une communauté, contre une religion ? contre d'autres qui ont leur propre langue qu'on ne comprend pas ?
En nous faisant sourire et pleurer, en mêlant les époques, L Histoire et le roman, le burlesque et le tragique Hilsenrath démonte le mécanisme de ce génocide, le premier de ce XXème siècle, le mécanisme en fait de tous les génocides, de toutes ces haines entre communautés, Rwanda, Tibet, Darfour, Turcs et Kurdes, Moyen-Orient également...Et bien sûr, la Shoah dont il souffrit dans son âme et qui vit disparaître des proches en fumée, les moteurs restent identiques : différences, haine, mensonge, manipulation des masses, communautarisme , et surtout le silence... le silence de la communauté internationale.
Edgar Hilsenrath est au sommet de son art ! Sans doute le meilleur de ses ouvrages, celui en tout cas qui m'a donné le plus de plaisir, celui qui m'a le plus dérangé. J'aime cet homme qui dans chacun de ses livres m'a bousculé. Il mêle habilement à plusieurs reprises le tragique, le burlesque, la farce, sans jamais choquer le lecteur pour évoquer des faits graves afin que notre conscience reste en éveil, là où d'autres auteurs restent graves et éplorés.
Son message n'en est que plus fort.
Il est bon de rappeler, que suite à la reconnaissance comme génocide, par le Parlement allemand, du massacre des Arméniens sous l'Empire ottoman en 1915, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a déclaré, que cette reconnaissance « n'a aucune valeur » . Lors d'un discours à la télévision, le 4 juin 2016, il a mentionné que les accusations de génocide arménien constituaient un « chantage » et que son pays ne les « accepterait jamais ». (Source le Monde)
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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On retrouve avec ce "Conte de la dernière pensée" la principale caractéristique des récits d'Edgar Hilsenrath, cette capacité à mêler horreur et burlesque, cette façon de dénoncer la barbarie et l'obscurantisme avec une distanciation amusée et pourtant cynique.

Cette dernière pensée est celle d'un moribond, Thovma Khatisian, emmenée, depuis son lit d'hôpital, quelques soixante-dix décennies en arrière, par la voix du meddah (sorte d'ectoplasme qui fait office de conteur) vers le passé de sa famille. C'est ainsi que nous sommes transportés en Turquie, à l'aube du génocide arménien, et plus précisément dans le village de Yedi Sou, près de Bakir, terre de ses ancêtres qui y cohabitèrent tant bien que mal avec les Turcs au pouvoir et les Kurdes sanguinaires vivant au fin fond des montagnes.

Avec férocité et cocasserie, l'auteur détaille les prémisses puis l'exécution de cet holocauste du début du XXème siècle, en insistant notamment sur la mauvaise foi avec laquelle les autorités turques cherchent des prétextes pour justifier le futur massacre. Leur atterrante rhétorique du bouc-émissaire a des relents nauséabonds mais familiers, de la théorie du complot -le pays seraient envahis pas les arméniens qui, détenant tous les commerces, prendraient insidieusement le pouvoir- aux caractéristiques physiques dont les futures victimes sont soi-disant affublées, démontrant à elles seules leur propension au mal... de même, il fustige l'immobilisme des nations européennes, pourtant en guerre -hormis l'Allemagne- contre la Turquie lors du génocide (en 1915).

Mais il brosse aussi, avec l'histoire du clan Khatisian, une truculente saga, nourrie de mythologie populaire et de superstitions ancestrales. Il a une manière tout à fait réjouissante de doter ses personnages d'une dimension théâtrale, d'autant plus qu'il le fait sans manichéisme, distribuant avec équité bêtise et préjugés...

Certes, nous sommes bien ici en présence d'un conte. A l'instar de la Shéhérazade des 1001 nuits, le meddah Edgar Hilsenrath prend son temps, multiplie les circonvolutions, répète tel un leitmotiv certaines formules destinées à aiguiser l'intérêt et entretenir la patience de son lecteur. Et pourtant, c'est un message bien tragique qu'il délivre, en même temps qu'une exhortation à la mémoire, sous couvert de cet humour cruel et politiquement incorrect qui lui est propre.

Sans remettre en cause le talent de conteur de l'auteur, j'avoue avoir toutefois un peu peiné dans le deuxième tiers de ce roman très dense, qui présente à certains moments un aspect quelque peu décousu (l'histoire oscille entre plusieurs aïeux). Puis, le récit se concentre principalement sur la figure du père de Thovma, Wartan, adoptant une dynamique à mon sens plus soutenue, qui nous emmène sans peine jusqu'au point final !
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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J'aime Edgar Hilsenrath. J'aime son cynisme, j'aime son humour, son don si particulier de mêler la dérision au tragique, ses personnages loufoques et malins, perdus et cruels...
J'ai adoré Fuck America, puis la trame absurde dans le Nazi et le Barbier. J'ai été déboussolée avec le Conte de la dernière pensée. le style tranche d'avec les précédents ouvrages, il s'agit d'un conte, assurément, raconté comme un grand-père pourrait le raconter à son petit-fils, son petit agneau. Mais un grand-père un peu fou alors, car il faut être fou pour décrire comme un conte les atrocités subies par le peuple arménien.
Le conte est indéniable, la magie et la malice se mêlent aux horreurs pourtant bien réelles, conférant parfois une certaine distance, comme si tout cela n'était qu'imaginaire. Hilsenrath ne perd pourtant pas son écriture terre à terre et acerbe et la réalité reste présente, étouffante, parfois difficilement soutenable, jusqu'à se retrouver de nouveau, pour plusieurs pages, emporté dans une nouvelle envolée aux tonalités fantastiques. On croit rêver, entre la douceur des paroles d'un grand-père et les horreurs illimitées que les hommes parviennent à s'infliger.
Il faut être fou pour décrire comme un conte les atrocités d'un génocide, mais cette histoire-là est superbement racontée.
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critiques presse (1)
LesEchos
22 avril 2015
Hinderath sait que l'humour est la meilleure arme contre la barbarie. Il en distille à toutes les pages de ce roman à tiroirs aux allures de conte des mille et une nuits noires.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (72) Voir plus Ajouter une citation
- Les poèmes ne sont pas faits pour être publiés.
- Et pourquoi Effendi ?
- Est-ce que vous vous feriez un trou dans votre poitrine pour que les curieux puissent voir au fond de votre cœur ?
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Je suis le conteur dans ta tête. Appelle-moi Meddah. Et maintenant tiens-toi tranquille Thovma Khatisian. Absolument tranquille. Car tu n'en as plus pour longtemps. Bientôt ce sera fini. Et alors...quand tes lumières commenceront à s'éteindre...Je te dirai un conte.
(Incipit)
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Ces deux grandes armées –les Turcs d’un côté et les Rouges de l’autre –allaient tout bonnement écraser le faible Etat arménien. Et parce que les paysans ne voulaient pas les croire –le fait étant qu’ils manquaient d’imagination au point d’être incapables de se représenter comment un Etat pouvait être écrasé-, l’un des commerçants saisit de sa grosse main avide l’œuf d’une jeune poule et l’écrabouilla lentement et voluptueusement. Comme ça, dit le commerçant. Tout simplement comme ça.
- Dommage pour l’œuf, dirent les paysans. Ils comprenaient maintenant ce que les commerçants avaient voulu dire, mais ils n’étaient pas contents du tout car ils y perdaient un bon œuf d’une jeune poule, et cet acte du commerçant, c’était du gaspillage pur et simple, une offense à Allah.
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Sept journées et sept nuits s’écoulèrent avant que Wartan réussît enfin à connaître sa femme.
- Elle a un puits desséché entre les cuisses, avait-il dit à son père.
Et son père avait dit : Son puits n’est pas desséché. C’est à toi, mon fils, qu’il appartient de le sonder adroitement, patiemment et avec beaucoup de tendresse, et tu verras alors comment la source vive ne demandait qu’à jaillir
- Mais je n’y arrive pas, dit Wartan.
- Dans ce cas, il te faut employer de la graisse de mouton, mon fils. La bonne graisse aplanit le terrain et facilite l’accès.
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- Ces conspirateurs arméniens sont incroyablement prévoyant, dit le vali.
- Oui, dit ton père.
- Mais pourquoi ces Arméniens tenaient-ils tellement à ce qu’il y ait la guerre mondiale ?
- Pour eux, il s’agissait surtout d’entraîner la Turquie dans une guerre contre la Russie. Or, il était clair que cela se produirait automatiquement et infailliblement dès l’instant où les Turcs se rangeraient du côté des Allemands et des Autrichiens.
- C’est clair, en effet, dit le vali.
- Et pour les Arméniens, une guerre russo-turque représente le moyen de se libérer du joug turc.
- Que voulez-vous dire par le joug turc, Effendi ?
- Je ne veux rien dire du tout, Vali Bey, dit ton père. Je cherche simplement à expliquer comment les Arméniens de Sarajevo voyaient les choses.
- Et comment les voyaient-ils ?
- Comment ils les voyaient ? Ils voyaient en premier lieu le front du Caucase. Personne, pensaient-ils, ne pourrait arrêter le rouleau compresseur russe. Les Russes franchiraient le Caucase, entreraient en Turquie et libéreraient les millions d’Arméniens vivant en territoire turc.
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Videos de Edgar Hilsenrath (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edgar Hilsenrath
Edgar Hilsenrath : Entretien avec Antoine Spire (1994 - Mémoires du siècle / France Culture). Par Antoine Spire. Réalisation : Isabelle Mezil. Diffusion sur France Culture le 1er septembre 1994. Edgar Hilsenrath, né le 2 avril 1926 à Leipzig (Saxe, Allemagne) et mort le 30 décembre 2018 à Wittlich (Rhénanie-Palatinat, Allemagne), est un écrivain allemand, connu avant tout pour ses romans "Nuit" ("Nacht", 1964), "Le Nazi et le Barbier" ("Der Nazi & der Friseur", 1977) et "Le Conte de la pensée dernière" ("Das Märchen vom letzten Gedanken", 1989). Depuis son premier roman "Nuit", dans lequel Edgar Hilsenrath relate avec un réalisme cruel son expérience en tant que survivant du ghetto, il prend l'Holocauste comme thème central sans jamais porter une seule accusation directe ni dépeindre les criminels et les victimes en noir et blanc, le but de son œuvre entière étant d'écrire contre l'oubli. En revanche, dans le reste de son œuvre, il est passé à des formes d'expression plus vigoureuses, qui tiennent le lecteur à distance, comme la satire, le grotesque ou le conte. À propos de son roman "Le Nazi et le Barbier", le magazine "Der Spiegel" écrit: « ... une satire sur les juifs et les SS. Un roman picaresque, grotesque, étrange et parfois d'une cruelle sobriété qui évoque avec humour noir une sombre époque. » L'histoire met en scène un Allemand dénommé Max Schulz qui participe allègrement à la furie meurtrière de ses compatriotes après avoir rejoint la SS puis, après la défaite, usurpe l'identité de son ami d'enfance, Itzig Filkenstein, se rend en Israël et devient un sioniste fanatique... Le livre, écrit en 1968-1969, n'est publié en Allemagne qu'après avoir été publié en 1971 avec succès aux États-Unis dans la traduction anglaise sous le titre "The Nazi and the Barber. A Tale of Vengeance". Après que le manuscrit a été refusé par plus de 60 maisons d'édition allemandes, il paraît enfin dans les derniers jours d'août 1977 chez un petit éditeur de Cologne, Helmut Braun. La première édition (10 000 exemplaires) est vite épuisée, deux autres suivirent rapidement. Dans le roman "Le Conte de la dernière pensée", paru en 1989 et pour lequel Hilsenrath reçoit le Prix Alfred Döblin, l'auteur s'attaque au problème du souvenir et du récit historique. En décrivant le génocide arménien et en le comparant à la Shoah, il s'élève contre toute forme de violence faite à un peuple et met en garde contre l'oubli. La forme du conte, choisie par l'auteur pour s'attaquer au mensonge, signifie également que l'histoire racontée n'a plus de témoins. Dans beaucoup de livres d'Hilsenrath, émergent nettement des traits autobiographiques, qui sont cependant habituellement repris sous forme de fiction. Son ouvrage autobiographique le moins romancé est paru en 1997 sous le titre "Les Aventures de Ruben Jablonski" ("Die Abenteuer des Ruben Jablonski").
Sources : France Culture et Wikipédia
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