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Années 50, New York lors d'un chaud, alcoolisé et long week-end. Une femme blanche qui, parce qu'on ne la respecte pas, ne se respecte plus. Un homme noir, écrivain qui peine à faire publier son troisième roman et dont les deux premiers ne lui ont pas ouvert la reconnaissance attendue de la profession. Voilà en gros (très très gros) pour la règle des trois unités. Parce que si ce n'est pas à proprement parler une pièce de théâtre qu'a écrit Chester Himes avec La Fin d'un primitif, ça y ressemble tout de même furieusement. Pour ce livre et comme à son habitude, il s'attache à nous dépeindre la misérable existence de ceux qui, dans une société dogmatique et formatée, ont beau y aller à coups de bélier, jamais ils n'y seront invités, acceptés ni même tolérés et Himes choisit pour nous démontrer cette règle immuable deux protagonistes qu'au départ tout semble séparer : un africain-américain qui subit la ségrégation de plein fouet (quelques petites scènes bien senties viennent illustrer le propos) et une femme caucasienne, presque la quarantaine, quasi alcoolique, pas mariée et qui (non mais on croit rêver) couche avec des Noirs ! le combo gagnant pour la mettre elle aussi et sans égard à sa couleur de peau au ban d'une collectivité qui préfèrerait avaler un bol de glaires tièdes tous les matins plutôt que d'accepter une telle déviante dans ses rangs. Une fois ces deux laissés pour compte présentés, il ne restait plus pour Chester Himes que de les faire se rapprocher, le temps d'un week-end crucial dans la vie de ces deux parias. Authentique ouvrage tragi-comique dont, quand il ne nous narre pas les délirantes histoires de Cercueil et Fossoyeur, Chester Himes s'est fait une spécialité, à l'instar de la Troisième Génération, La Croisade de Lee Gordon et autre S'il braille, lâche-le... La Fin d'un Primitif est une admirable peinture sociologique et historique exécutée par ce génial écrivain dont la plume trempée dans l'encre Noire et corrosive n'en finit plus de me le faire admirer. + Lire la suite |
“Cercle Polar” est confiné, mais il en faudrait plus à nos deux critiques pour les empêcher de vous présenter le meilleur des romans noirs du moment. Au programme : "Temps noirs" de Thomas Mullen qui nous emmène sur les traces de flics noirs à Atlanta en 1950.
"Temps noirs" de Thomas Mullen. Formidable série en devenir. La vie mouvementée des premiers policiers noirs à Atlanta dans les années 1950. Chronique à la fois policière, quotidienne et politique, subtilement incarnée. Après Darktown qui reparaît en poche, voici Temps noirs. Mêmes personnages, mêmes qualités, sens du détail, humanité du regard. Et l'occasion de lire ou de relire les grands prédécesseurs de Thomas Mullen, à commencer par Chester Himes. Les livres sont le meilleur remède au confinement !
Traduit de l'américain par Anne-Marie Carrière, éd. Rivages/Noir.
Disponible en version numérique : https://vitrine.edenlivres.fr/resources/9782743649890