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Une affaire de viol (Rive noire, André Dimanche éditeur). On voit tout de suite la thématique raciale, et si le thème n'était pas si grave (la réalité américaine s'en ressent encore !), on s'amuserait des commentaires des journaux : Citation : La presse américaine fit remarquer que cette affaire devrait servir de leçon aux noirs américains qui allaient vivre en Europe ; elle leur conseillait de rentrer aux Etats-Unis, où se trouvaient leurs véritables amis. La presse soviétique stigmatisa le procès, comme un exemple frappant de la façon dont on violait les droits de l'homme dans la société capitaliste […].etc. Vient ensuite un écrivain noir américain qui entreprend une enquête personnelle : Après la sentence, l'enquête est reprise à titre personnel par un romancier Noir américain, marié à une Blanche, et sa stratégie est originale : Citation : « Roger Garrison espérait prouver que le destin personnel de tous les Noirs vivant dans une société régie par les Blancs était favorisé (ou contrecarré) dans le dessein délibéré de maintenir et de renforcer la thèse de l'infériorité de la race noire. On ne pouvait juger de l'importance réelle des noirs, quelles que fussent leurs activités, par ce qu'ils avaient accompli, mais seulement par ce qu'on leur avait permis d'accomplir. Dans tous les cas, l'importance que l'on voulait bien leur reconnaître accréditait toujours la thèse de l'infériorité raciale. Les vertus des Noirs n'étaient jamais déterminées par la nature réelle des mobiles de leurs actes mais par l'interprétation donnée à leurs mobiles pour les besoins de la cause raciste. Enfin leurs vices n'étaient jamais situés dans la perspective du Bien et du Mal, mais seulement perçus comme une illustration du jugement que les Blancs portaient sur les Noirs. » On voit dans cet enquêteur, le romancier noir Roger Garrison, un double de Chester Himes, mais ce dernier regarde par-dessus l'épaule de l‘enquêteur, ce qui donne de la profondeur à la perspective du roman. - D'où un regard nouveau et pertinent sur chacun des accusés, son itinéraire et sa personnalité, - un autre regard sur les différentes récupérations dont Roger Garrison est l'objet, - et l'établissement de cette vérité : Citation : « le poids des préjugés raciaux américains écrase également l'homme noir et la femme blanche. » Bilan pour Chester Himes : on admire l'acuité du regard de l'analyste, mais aussi l'attitude intellectuelle capable de saisir le racisme dans sa complexité ; Chester Himes frappe fort avec ce court récit, tant au niveau de l'ingéniosité d'une histoire policière, que dans le démontage des préjugés admis tous azimuts ! + Lire la suite |
“Cercle Polar” est confiné, mais il en faudrait plus à nos deux critiques pour les empêcher de vous présenter le meilleur des romans noirs du moment. Au programme : "Temps noirs" de Thomas Mullen qui nous emmène sur les traces de flics noirs à Atlanta en 1950.
"Temps noirs" de Thomas Mullen. Formidable série en devenir. La vie mouvementée des premiers policiers noirs à Atlanta dans les années 1950. Chronique à la fois policière, quotidienne et politique, subtilement incarnée. Après Darktown qui reparaît en poche, voici Temps noirs. Mêmes personnages, mêmes qualités, sens du détail, humanité du regard. Et l'occasion de lire ou de relire les grands prédécesseurs de Thomas Mullen, à commencer par Chester Himes. Les livres sont le meilleur remède au confinement !
Traduit de l'américain par Anne-Marie Carrière, éd. Rivages/Noir.
Disponible en version numérique : https://vitrine.edenlivres.fr/resources/9782743649890