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Satoko Fujimoto (Traducteur)Éric Cordier (Traducteur)
EAN : 9782915517026
185 pages
IMHO (15/10/2004)
3.78/5   16 notes
Résumé :

Si votre grand-mère se prend pour une poule et essaie tous les jours de pondre un uf, il y a de fortes chances pour que vous partagiez le même destin du petit dernier de la famille. Et face aux m urs si étranges de ses congénères (le père adore décapiter les poulets, la s ur, embrasser les vers de terre), le jeune garçon n a qu une seule envie : s enfuir de cette gigantesque demeure. Seul problème, la maison es... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Après Panorama de l'enfer et L'Enfant insecte (et quelques embrouilles de datation, aheum…), troisième virée dans l'univers malsain de Hino Hideshi, avec Serpent rouge – qui date a priori (je dis bien a priori…) de 1983, ce qui en ferait a priori (je dis bien a priori…) une BD contemporaine de Panorama de l'enfer. Cela se tiendrait, j'imagine, parce que le style est très proche, graphiquement comme dans certains des thèmes illustrés.



Nous adoptons le point de vue d'un petit garçon – pas exactement un héros –, qui vit dans une bien étrange demeure aux dimensions palatiales, cernée par une forêt impénétrable et menaçante. À l'intérieur comme à l'extérieur, c'est un labyrinthe – comme dans ces cauchemars éprouvants dans lesquels on erre en boucle, sans jamais de possibilité de s'échapper. le petit garçon déteste cette maison d'aspect autrement traditionnel, qui lui fait peur ; il aimerait la fuir, mais toutes ses tentatives s'avèrent tristement vaines…



Il a ses raisons. Mais les plus fortes d'entre elles ne tiennent pas tant à la maison en elle-même qu'à ceux qui l'habitent – la propre famille du petit garçon. Une bande de malades ! Et comme un écho de la famille du peintre narrateur de Panorama de l'enfer. Trois générations sous un même toit, et, là encore, une allure très traditionnelle... Façade respectueuse qui ne dissimule absolument rien de l'ignominie sous-jacente. Ici, le grand-père incarne l'autorité – hideux vieux bonhomme défiguré par un répugnant furoncle, que « soigne » quotidiennement sa belle-fille, avec des oeufs et avec ses pieds. La grand-mère a complètement pété les plombs, et se prend pour une poule : couver « ses » oeufs, voila la seule chose qui compte pour la vieille peau, qui caquette en permanence. le père ? Une brute stupide et cruelle – son domaine est le poulailler, son régal la décapitation des poules « ingrates », celles qui ne pondent pas. Son épouse s'en tire mieux – mais elle s'insère parfaitement dans l'ambiance délétère de la maison, en accompagnant, d'une certaine manière, la folie des autres ; sa relation avec son beau-père est quasi sexuelle. le petit garçon, enfin, a une grande soeur – qu'il épie par un trou dans la cloison, le vilain voyeur ; la jeune fille tournant à la jeune femme raffole des vers, et s'emploie bientôt à explorer les prémices d'une sexualité torturée, ce qui en fait l'héritière toute désignée de ces deux générations de branques.



Mais les choses vont mal tourner – oui, encore plus mal. Un mauvais rêve rituel détraque ce système, qui était fonctionnel même en étant fou, et la famille entière va sombrer dans la plus hallucinée des catastrophes…



L'effet est assez proche de celui produit par Panorama de l'enfer : c'est incroyablement malsain. Il y a, dans chaque page, de quoi se sentir très mal à l'aise. le virage grand-guignol de la BD, et même outrancièrement gore, n'y change rien – les traits d'humour noir déglingué y participent, et de même le style graphique caractéristique de Hino Hideshi, avec ses dimensions humoristiques et/ou « super-deformed », qui donnent tout d'abord une trompeuse impression de naïveté enfantine, et au premier chef ces grands yeux tout ronds qui sont sa marque de fabrique. C'est proprement (non, salement) fascinant, et très, très dérangeant.



Mais, en comparaison avec les deux autres titres de l'auteur que j'ai lus, Serpent rouge appuie peut-être plus encore ces sensations désagréables en y associant de manière assez franche un contenu charnel, sexuel même, moins frappant (sinon absent ?) dans L'Enfant insecte et Panorama de l'enfer. Rien de pornographique au sens fort, mais c'est tout de même saisissant. Ce sont les personnages féminins qui introduisent ce thème : en mettant de côté la grand-mère (mais en relevant qu'elle est obsédée par la procréation, à sa manière volaille – mais cette obsession traverse en fait toute la BD), la mère et la soeur se distinguent d'emblée par leurs traits – elles n'ont rien à voir avec les caricatures que sont tous les autres personnages ; ce sont des femmes encore belles (mais pas à jamais…) ou qui le deviennent ; elles sont associées au désir sexuel passablement pervers, passant par un fétichisme glauque ou le voyeurisme. La mère massant de son pied le furoncle du grand-père pour en faire quotidiennement jaillir le pus noie ainsi la BD dans les sécrétions corporelles toujours renouvelées, et les gémissements orgasmiques du vieil homme soumis à cette délicieuse torture ne laissent guère de doute quant au sens exact de cette relation. La soeur, quant à elle, évoque, d'abord avec ses vers adorés, ensuite avec le très phallique serpent rouge du titre, qui sème le chaos dans la demeure, une obsession masturbatoire typique d'une sexualité qui est en train de dépasser le stade de l'éveil (et elle-même génératrice de chaos, plus que tout autre chose), mais qui en retour en favorise l'éveil chez le petit garçon voyeur, répugné mais fasciné. Tous ces aspects se mêlent à des tableaux très gores, avec une cohérence marquée qui tire la BD du côté du registre ero-guro.



Cet aspect frontal, on s'en doute, n'enlève en tant que tel rien au contenu allégorique ou symbolique du récit comme de ses séquences. La maison est un labyrinthe de chair en même temps qu'un abattoir, et la retranscription matérielle de l'inconscient torturé du petit garçon, avec pour habitants autant de fantasmes obscènes. Elle relève du cauchemar halluciné – un délicieux cauchemar, car l'enfant si terrorisé par la folie ambiante y participe, avec son désir de ne pas en manquer une miette ; dimension au moins aussi importante que ses pulsions destructrices, et sans doute plus inconsciemment charnelles : Eros et Thanatos sont dans un bateau, et tous deux tombent à l'eau.



(L'eau ?)



Mais le malaise est bien la force de Serpent rouge. Cette BD ne m'a certes pas surpris (le mot est faible !) comme l'avait fait en son temps l'incroyable Panorama de l'enfer, qui reste celle que je préfère, mais son effet demeure saisissant. le dessin de Hino Hideshi est absolument parfait, et d'un à-propos constant. Si regret il doit y avoir (?), c'est peut-être dans la relative précipitation de l'intrigue (et de la chute qui n'en est pas vraiment une tant elle est attendue), passé la longue et géniale mise en place consistant en la présentation de la famille de dingues – ce ne sont alors plus que hurlements et giclées de fluides visqueux, sang et autres, dans une ronde folle et outrancière, qui en rajoute toujours davantage dans l'horreur glauque. Ces pages dont le texte a largement fui (onomatopées mises à part), on les tourne peut-être un peu trop vite, aussi la lecture de la BD ne prend-elle guère de temps – une erreur sans doute, car il vaudrait mieux s'attarder sur ces planches, avec tout ce qu'elles ont de répugnant ; l'amalgame de fascination et de dégoût est après tout une clef du travail de Hino Hideshi.



Une réussite, donc – et qui noue le bide avec un brio rare. J'ai préféré Panorama de l'enfer, plus fou encore et en même temps infusé d'éléments autobiographiques qui parviennent à insinuer dans l'horreur gore quelque chose de douloureusement poignant, mais Serpent rouge m'a bien davantage parlé que L'Enfant insecte, très bonne BD sans doute, et qui présage de la suite, mais qui demeure, au moins visuellement, plutôt sage. Serpent rouge est du côté de la folie pure, charnelle, suintante, et ne manque pas de produire son effet ambigu…
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
- quelle horreur ! je me suis réveillé sur une montagne de squelettes et puis au milieu de cet ossuaire... s'élevait sinistrement... la porte de la chambre close identique à celle de mes rêves
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- quelle histoire inquiétante ! tout cela n'était donc qu'un sinistre cauchemar envoyé par le démon ? ou le miroir m'avait-il fait voir autre chose ?
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