Le "maître du suspense" est une narrateur né, mêlant habilement humour et tension. On ne peut que l'admirer tandis qu'il empêtre ses personnages dans des intrigues infernales, suspendant avec drôlerie et perversité le fin de mot de l'histoire. La mise en scène, au service de scénarios très élaborés, est soignée, fixant d'emblée une ambiance de toile d'araignée, sur laquelle les personnages évoluent comme autant de marionnettes.
Ce recueil de nouvelles, comme les intrigues du maître qui les "présente", n'ont rien de romancées ; elles sont des scénarios, proches de piécettes théâtrales. Comme le disait
Hitchcock , "'c'est le romancier qui a le meilleur casting, puisqu'il n'a pas à composer avec les acteurs et tout le reste." Ce recueil alterne donc différents univers, où chaque nouvelliste déploie son casting idéal.
Autre lointain rapport entre ce recueil et les créations du maître : le fait de ne pas jouer sur le choc de l'horreur, mais sur un climat d'anxiété qui va crescendo. Les intrigues sont construites autour d'un point d'interrogation qui n'est souvent que prétexte à l'observation de personnages agissant sans savoir. le lecteur ou spectateur, qui en sait juste un peu plus pour s'identifier au personnage et à ses émotions, regarde les fourmis humaines se débattre sur leur toile.
Hélas ! N'est pas
Hitchcock qui veut, et ces nouvelles inégales ne constituent qu'un pâle reflet de l'art du maître dans la création de ce climat d'angoisse. On passe donc à les lire un moment de détente, mais sans plus. Sans doute faut-il y voir d'une part l'importance de cette "patte" reconnaissable quand on lit un auteur majeur, que l'exercice du recueil interdit, et d'autre part le génie visuel d'
Hitchcock, qui s'exprime dans la qualité du scénario, mais aussi derrière la caméra.
Ces
Histoires déroutantes sélectionnées par l'Alfred Hitchcock's Magazine sans qu'
Hitchcock n'ait rien à y voir, si ce n'est un édito de temps à autre, comme la suite de la série, sont à mon sens une quasi escroquerie commerciale !!! le jeune lecteur français que j'étais s'y est en son temps laissé prendre...
Néanmoins, cette sélection de nouvelles de Mike Brett, William Bunce, Hugh B. Cave,
Jonathan Craig, Hall Ellion, Kenneth Gavrell,
C B Gilford, Brady J Hannah, Edwad d'Hoch,
John Lutz, V. McConnor, Carroll Mayers,
Helen Nielsen, al Nussbaum, Patrick O'Keefe, P. Spurlark Parker, Jeffry Scott, F
J Smith... auront au moins permis à certains d'entre eux de se faire connaitre hors des USA après les grandes heures de la pulp littérature de la 1ère moitié du XXème siècle.
Pour ma part, n'étant ni spécialiste ni grand amateur du genre, je n'ai pas été très marqué par cette lecture, ayant découvert depuis d'autres créateurs . Il est vrai que le thriller psychologique s'est beaucoup développé et enrichi depuis la publication de ces
Histoires Déroutantes à l'orée des années 80, marqué par une belle symbiose du cinéma et de la littérature du genre.
Hitchcock ,sur ce point, avait déjà tout compris...