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Critique de Luniver


Il y a deux raisons qui m'ont poussé à entamer la lecture de Mein Kampf. La première, c'est un sondage paru il y a quelques mois qui disait à peu près que si beaucoup de gens jugeaient négativement le nazisme, il y avait de moins en moins de monde qui savait exactement pourquoi. Après mûre réflexion, j'ai bien dû m'avouer que si j'en connaissais les effets, il y avait encore beaucoup de zones d'ombre sur ce qu'était le nazisme à l'époque. La seconde, c'est que le livre tombe dans le domaine public dans peu de temps, et beaucoup de voix s'élèvent contre sa libre circulation. Ayant toujours été assez sceptique sur la capacité d'un livre à retourner la cervelle d'une personne, et confiant dans la mienne, je voulais me faire une opinion sur la capacité de nuisance du livre.

Mein Kampf se divise en deux parties : la première partie est autobiographique, et raconte la vie d'Hitler de jeune étudiant en art à la création du parti national-socialiste. La seconde partie est le manifeste dudit parti, et ses opinions sur un certain nombre de sujets.

Le premier sentiment qui transparaît dès les premiers chapitres est l'extrême détermination d'Hitler : sur ces études d'abord, où il choisit sa voie contre l'avis de ses parents. Dans ses premiers boulots ensuite, où il tient tête, seul contre tous, contre les opinions marxistes qui sont très répandues et qu'il a en horreur, jusqu'à se faire expulser des chantiers par les autres ouvriers. On sent que pour lui, un obstacle, on ne le contourne pas, mais on le pulvérise par sa volonté. Autre point marquant, son obsession de la grandeur allemande qui constitue l'essentiel de ses réflexions pendant son passage à Vienne, jusqu'à tomber à genoux et remercier le ciel quand survient la première guerre mondiale, qui devait redonner à la nation allemande son lustre.

Chose surprennante, il déclare être arrivé à Vienne en étant démocrate et anti-antisémite, et avoir changé de positions par l'étude et la lecture : c'est la vision du Parlement, avec les politiques qui se disputent comme des chiffoniers et obligés de s'exprimer sur une multitude de sujets qui leur sont étrangers, qui lui donne la conviction que seul un chef suprême, qui maîtrise son sujet et qui prend toute la responsabilité des décisions, peut rendre l'État véritablement efficace. de même, ça serait par la lecture des journaux qu'il en arrive à la conclusion qu'«il n'y a pas une saleté quelconque à laquelle un Juif au moins n'ait participé».

Les théories racistes occupent évidemment une place centrale dans sa pensée. Au sommet, l'Aryen, «Prométhée de l'humanité», seul capable de créer et d'inventer, qui a façonné tout ce qu'il y a de bon sur Terre : l'art, la science, la technique. Toutes les autres civilisations ne font que copier ce qu'il a découvert : les Aryens soumettent un peuple, l'enrichissent avec leur culture, puis disparaissent en mêlant leur sang à celui des «races inférieures» présentes sur le territoire conquis. À l'extrême opposé, le Juif, «singe imitateur» et «sangsue», qui s'inflitre sournoisement dans les civilisations brillantes, prend le contrôle de l'économie, puis du pays tout entier qu'il réduit finalement en esclavage. Hitler s'intéresse également beaucoup au «renforcement de la race», notamment en ne mettant aucune barrière à la surpopulation, qui permettra d'éliminer naturellement les éléments les plus faibles et de donner des générations de plus en plus fortes.

Dernier point à souligner, sa lucidité sur le pouvoir de la propagande. Non seulement il se rend compte à quel point elle peut mobiliser les foules en cas de guerre, mais il est tout à fait conscient de son propre charisme et de sa capacité à enflammer les foules.

La première partie s'achève sur son entrée dans le petit groupe de six personnes (!) qui deviendra quelques années plus tard le parti national-socialiste. le personnage d'Hitler est tout à fait terrifiant : jusqu'au-boutiste, persuadé de la justesse de ses idées, justification de la force pour arriver à ses fins, «race supérieure» qui a tous les droits sur le reste de l'humanité,... Il est fort probable qu'il ait embelli certains passages et certaines analyses dans son ouvrage, mais le portrait dressé fait frissonner.

La seconde partie décrit les principes de base du parti national-socialiste. Un des points principaux est l'Etat, vu comme instrument de sauvegarde de la race supérieure. le mariage entre Aryen en non-Aryen est évidemment prohibé, pour ne pas dégrader le sang. L'eugénisme est également mis en avant : tout individu «notoirement malade» ou «atteint de tare héréditaire» n'aura pas le droit de se reproduire. Il est tout à fait autorisé d'utiliser la médecine pour l'y contraindre. L'individu stérilisé ne doit pas voir ça comme une punition, mais comme une modeste contribution de sa part à la création d'une race plus forte. L'instruction sera également modifiée : suppression des matières inutiles commes les langues étrangères, compression du reste aux «principes généraux», pour concentrer les jeunes sur les exercices physiques, qui leur apprendront la discipline et l'ordre. Dans le même ordre d'idée, les hommes obtiendront leur permis de mariage quand ils auront terminé leur service militaire et prouvé ainsi leurs aptitudes. Les femmes seront préparées à leur rôle de mère, et n'obtiendront la nationalité allemande qu'on se mariant.

Hitler présente également l'évolution du parti : on sent qu'il prend une place de plus en plus importante dans les décisions et que ses supérieurs ne font que le suivre. Il décide parfois lui-même d'organiser des conférences à l'encontre de sa direction. Il met en place rapidement des «services de sécurité», qu'il fanatise rapidement pour lutter contre les perturbateurs communistes. Ces services de sécurité sont les embryons des sections d'assaut qui défileront plus tard dans les rues pour «libérer les villes de la menace rouge.»


Difficile de résumer tout le livre. La lecture a été plutôt pénible : d'une part par les idées professées, qui écoeurent rapidement, et aussi par le style, plein de suffisance, qui est lourd et indigeste. Mais enfin, à coups de dix pages de temps en temps, je suis arrivé au bout, et je ne regrette pas de l'avoir entamé. Ajouté aux leçons d'histoire et aux romans qui traitent du sujet, je pense qu'il m'a aidé à comprendre les fondements de la doctrine nazie, et on combat toujours mieux quelque chose qu'on connait. Je pense aussi que le livre ne séduira que ceux qui sont déjà convaincus par les idées qu'il contient. J'ai du mal à croire que quelqu'un puisse être converti sans que le terrain ait été préparé avant. J'espère ne pas me tromper.
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