Guy Hocquenghem, mort à 42 ans, était un militant homosexuel, qui participa activement aux évènements de mai 1968 . Il fut une des figures de proue du courant libertaire de la décennie 70. C'est un peu dans ce contexte et dans cet esprit que se situe ce roman.
Amar, est un très jeune éphèbe tunisien de l'île de Kerkenna. ( au large de Sfax.)
Désoeuvré, pauvre, homosexuel, Il vient à fréquenter une bande de français, hippies , composée de garçons, gays et d'une fille Andréa, à la dérive, qui a quitté ses quartiers habituels, ceux de l'hôpital psychiatrique. Ils ont loué une bicoque sur l'île.
Un soir, l'un d'entre eux le raccompagne en scooter et c'est l'accident fatal, le nerf optique est irrémédiablement perdu, il restera aveugle. Toute l'île se cotise pour qu'il puisse aller consulter un spécialiste en Italie. Là, il va rencontrer Mrs Halloween, très vieille et richissime américaine, qui le prend sous son aile et dans son lit, le ramène avec elle aux Etats Unis et lui donne, grâce à sa fortune, les moyens de s'adapter à son handicap.
Mais elle meurt et voilà Amar, qui n'est pas encore majeur, contraint de devenir pensionnaire dans un institut pour handicapés de la vue. Amar poursuivra sa « carrière » de gigolo.
Andréa revient sur le devant de la scène, et tout se complexifie un peu plus …
Beaucoup de choses à décrypter, à analyser, à voir aux côtés de celui qui a perdu la vue mais qui dans le noir de son existence a renforcé son intelligence, son sens du raisonnement, sa lucidité (de lucidus a um lumineux, clair, évident ) …
Ce roman est une boite à Pandore , un sac à malice- , une satire douloureuse , qui s'achève avec une pochette surprise dans laquelle on découvre un ticket gagnant ou perdant, selon les effets de la lecture pour retourner ou pas dans les chausse- trappes d'un hôpital psychiatrique !
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Je passerais, désormais, ma vie à ce bureau, dans ce creux accueillant de la bibliothèque, au milieu du murmure de la ville. J’avais redécouvert les caractères arabes ; j’avais menti en affirmant au conservateur que je savais très bien lire. Rien que de les toucher, les évoquer, les reconnaître, avec le cortège de sentiments, d’images du passé qui les accompagne, est merveilleux. Je parcours des traités de logiques, des falâsifa, les invocations mystiques des soufis, et surtout les poètes : la vraie littérature, les œuvres calligraphiées. Ces écrivains avaient pris la poésie au pied de la lettre, dans ce qu’elle a de rare ; Abou Nawas, Al Moutanabbi, et, pour moi, le maître des maître, Aboul Al’Al Maari, l’aveugle, le rude qui a écrit sa propre tombe, parlant de sa propre naissance : « ci-gît le produit de la faute imputée à mon père que moi je n’ai jamais commise envers personne… »
Les seuls gens avec qui j' échange des regards d' égalité sont ceux qui veulent mon corps, non mon bien.
Guy Hocquenghem s'exprime.