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Xavier Gorce (Autre)
EAN : 9782321016106
160 pages
Le Robert (29/10/2020)
4.33/5   15 notes
Résumé :
Des chroniques jubilatoires et instructives par deux amoureux de la langue française qui remettent en cause nos certitudes grammaticales et orthographiques

Saviez-vous que dire "au coiffeur" n'est plus vraiment une faute, que l'Académie française, c'est du flan, que Villers-Cotterêts est un mythe, que, jusqu'au XIXe siècle, le français est la langue de seulement quinze départements, que Brassens et Gainsbourg n'accordaient pas toujours les participes... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Le français n'existe pas ... Voilà bien un titre qui, compris au sens littéral, est surprenant. Mais dans le fond des choses, ce livre cherche à remettre en question l'aspect normatif du langage. Les auteurs dénoncent en effet les "ça se dit pas", "ça ne s'écrit pas", "c'est pas beau", etc. Et ils le font de manière caustique (il y a de l'humour noir et des gros mots là-dedans, alors que c'est édité par le Robert !)
Comme disait Serge Gainsbourg dans un entretien avec Bernard Pivot (d'ailleurs, les deux personnages figurent dans le livre), il faut "secouer les gens [...] pour qu'il y ait quelque chose qui se passe".

Ce livre est très intéressant, déjà parce qu'en s'appuyant sur des professionnels de la linguistique, il redéfinit les aspects de la langue pour y redonner du sens.

En ce qui concerne le langage lui-même : les auteurs citent en exemple en pages 56/57 le "nous, on" : la norme ordonne de ne pas formuler cette expression, alors que dans certains implicites liés à une situation, elle est inévitable. Par ailleurs, les auteurs ne manqueront pas de piquer à vif l'académie française tout au long de l'ouvrage. Plus d'une citation est poilante à leur sujet, à titre d'exemple (qui résume à la fois l'ambiance du livre et l'image phallocrate de l'académie) : "demander à l'académie française son avis sur la féminisation, c'est un peu comme demander à Philip Morris son avis sur les traitements du cancer du poumon" (page 36). Si cette institution est hautement remise en question dans le livre, c'est surtout à cause de son décalage avec le monde réel du langage. Quand on lit en page 75 que les académiciens ont le fâcheux snob de remplacer "punchline" par "chute brillante", on ne va pas aller plus loin pour énumérer leurs exaspérations ! Ils veulent préserver un je-ne-sais-quoi de poésie, d'innocence ou d'élitisme à notre langue ? Les auteurs ont rappelé à un autre endroit que notre français est né dans les bordels. Moralité : le premier enjeu du langage sert à se faire comprendre. Or, l'autorité (académicienne ou non) n'est même pas foutue de considérer cet adage. Elle crée ainsi un déséquilibre dans le fait d'encourager une prétendue norme et de rejeter celle qui existe.

A ce propos, un saillant sujet qu'est l'orthographe. Parce que cela ne manque pas dans ce livre. Quand on pense d'abord que l'accord du participe passé est oublié la plupart du temps (à l'oral comme à l'écrit) et que, de plus, il est délétère pour comprendre les fondements de l'orthographe, à savoir les natures grammaticales (le participe passé peut être sous forme verbale et adjectivale, mais depuis quand un verbe s'accorde-t-il en genre ?) Bref, au vu des omissions et des incohérences, c'est déjà assez compliqué comme ça. Quid des dyslexiques. Quand une étude montre que les langues transparentes amoindrissent ce trouble, le français continue à faire montre de ses fallacieux ph, th, y, pluriels en -x, le tout ne servant à rien, les auteurs le démontrent en prenant grand soin d'abattre tout argument étymologique ou esthétique prouvant le bien-fondé de ces signes. Non, là-dessus, il devrait y avoir une bonne fois pour toutes une grande réforme rendant facultatives ces règles citées là-dessus. Facultatives, pas éradiquées. Car à la manière des auteurs, on va être modérés.

Toujours à propos d'orthographe, il y aura sans cesse des grammarnazis ou des tamèrebescherelle pour passer au grill notre faillibilité. Et c'est pas de leur faute à eux, il faut prendre l'arbre par la racine : la manière d'enseigner l'orthographe a voulu, au fil de l'histoire nous transmettre des règles ânonnées mais mal comprises. Résultat : bêtes et disciplinés, on argue que quand il y a "tu", on met un -s parce que c'est au pluriel ! Confusion des fonctions grammaticales, qui est à ce propos très récurrente en primaire ... On nous infantilise, c'est pourquoi la page 79 en particulier, dénonce cette orthographe dépourvue (sinon exsangue) d'esprit critique. C'est pourquoi cette sous-discipline devenue "ADN de l'école" côtoie dans cette page le mot "militariste". le chapitre suivant, intitulé "glottophobie" met au grand jour le phénomène de stigmatisation et de réduction au silence de ceux qui auront transgressé l'orthographe ou qui ont une peur bleue de commettre des erreurs, ou "fautes" (vous avez pêché, Don Camillo). En orthographe, entre ceux qui manquent d'esprit critique, ceux qui raillent (ils se croient dans le rail !), reprochent ou qui, inversement, font des erreurs ou appréhendent d'en faire, nous sommes tous pêcheurs, ou moutons de panurge, au choix.

La solution dans tout cela ? Les auteurs, qui dispensent grande attention à redéfinir les notions, qualifient la linguistique comme quelque chose qui libère l'envie de la langue. Ils ajoutent qu'il faut l'expérimenter et la comprendre. C'est la clé. On peut envisager qu'un.e professeur.e puisse être passionné de langue, utilisant du vocabulaire varié, peu importe les anglicismes, le verlan, le patois ou les émoticônes (qui ne sont que des variantes finalement), pour faire prendre conscience du côté artistique du langage, puisqu'on fait émerger la subjectivité de chacun (tout le monde est différent du point de vue de la langue). On peut aussi considérer la copie d'un élève dont l'écrit est profond, saisissant, quoique bourré d'erreurs : l'important, c'est le fond, pas la forme, n'en déplaise aux puristes. Il est également fort recommandable de travailler la compréhension (orale ou écrite), vu que la langue est implicite, et puis zut ! pour jouer des coudes avec les 45 minutes de dictée obligatoire, où l'on apprend essentiellement à s'insérer dans les rails de la norme qui n'existe pas (la prétendue norme), car non-représentative de la réalité.

Mais attention ! Si les auteurs se veulent modérés, c'est justement parce que dans la réalité, il existera toujours une norme inévitable. Donc, l'important est de transposer les leçons de français sur la part des choses entre ce qui est formel et ce qui ne l'est pas (donc "il faut dire/il ne faut pas dire" ont lieu d'exister). Mais il faut être explicite avec les élèves, notamment en leur expliquant qu'ils peuvent avoir l'air bête selon qu'ils disent "veux-tu sortir avec moi présentement ?" ou "y a un mec qu'a chourravé ma mob" (ces exemples sont pris à l'arrache) à un interlocuteur différent. Cela, afin d'éviter les dérives. Pareil pour les anglicismes. Autant les auteurs prennent la défense de ce phénomène, mais beaucoup de gens ont l'habitude d'insérer les mots anglais dans leurs discours. Pour faire le lien avec la discussion sur l'ouzo page 49, ce genre de locuteur veut passer pour moderne, cool, jeune. Sauf que (il y a un Mais !), pour leurs interlocuteurs qui ne comprennent pas, ou alors ceux qui sont éventuellement aigris, cela peut passer pour relou. Une langue sert à se faire comprendre. Ou tout du moins, les variantes/emprunts sont allègrement utilisés si le locuteur se met à la place de son destinataire. Il est bon aussi de centrer des perspectives didactiques là-dessus.

D'ailleurs, si ce livre exprime de grandes idées, il lui manque les applications concrètes, en ce qui concerne l'éducation, que ce soit pour des mises en oeuvre pédagogiques ou, plus généralement, des réformes. Autrement dit, il a développé le pourquoi, faute du comment. Parce que, vu que c'est l'école qui est en grande partie responsable de la transmission des normes sociales, au final, on espèrerait arriver à une réforme du programme scolaire. D'ailleurs, celui-ci devrait s'écarter des caprices des politiques qui, eux aussi sont sur une autre planète. Il y a d'un côté Blanquer qui tente à tort de politiser la linguistique page 59, et d'un autre côté les présupposés de notre langue qui va se faire bouffer car elle est en concurrence avec l'anglais. de là, on comprend que la politique devrait un peu moins se la ramener. C'est aux gens de terrain, aux linguistes (d'autres domaines scientifiques sont aussi les bienvenus) de changer les programmes. Rendons à César ce qui est à César, chacun son boulot et puis c'est tout ! La politique doit un peu moins de se mêler de l'école (du moins, elle aurait bon de laisser une certaine proportion aux sciences de tous azimuts). Parce qu'en faisant de l'horlogerie avec les programmes, des petits changements, ils pondent un coucou et titillent les enseignants, c'est tout ce qu'ils savent faire ! Non, mais !

Somme toute, c'est un livre susceptible d'ouvrir la curiosité à qui veut bien s'y intéresser. Les auteurs tentent à chaque coup d'argumenter, souvent avec des analogies, qui sont elles-mêmes chargées d'humour. le livre tente d'aborder tous les sujets liés à la linguistique (body-language, implicites, biais des réseaux sociaux). L'ouvrage est conscient, éclairé. Il devrait à son tour être davantage mis en lumière.
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J'ai découvert ces auteurs grâce à leur premier livre "La faute de l'orthographe" tiré de leur spectacle: "la convivialité". J'avais aimé lire des arguments pour la réforme de l'orthographe que tous mes contacts (et moi-même) estimaient qu'elle simplifiait à outrance une langue riche et complexe. Je n'avais pas été convaincu par leur revendication phare (supprimer l'accord du participe passé employé avec l'auxiliaire avoir) mais bien par d'autres remarques qui m'ont ahuri: les pluriels en X (choux, poux mais aussi cheveux et vieux ou bateaux et chevaux) sont à l'origine TOUS fautifs!!! Je trouvais simple et logique de les remplacer tous par le "s" qui en serait la forme correcte... Mais ici, avec des exemples que je trouve percutants et une bonne analyse des contre-exemples, ils ont réussi à me convaincre. Je trouve qu'ils ont réussi à s'améliorer dans la vulgarisation tout en étant hyperdocumentés! Un ouvrage que j'admire et que je recommande! Pour tous les puristes un peu rigides comme moi (même si ce livre m'a soigné en partie) j'ai ri en découvrant que le "n" de nombril est aussi illégitime que celui du "navion" dont parlerait un jeune enfant. En effet, nombril a la même racine qu'ombilical... J'ai aussi trouvé amusant qu'un anglais utilise la formule "Excuse my french" pour excuser une formulation... Grossière!
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Un petit livre indispensable à tou.tes les amoureux.ses de la langue, et de manière générale à tout locuteur.trice du français !

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron remportent le pari d'écrire un ouvrage de linguistique à la fois accessible, drôle, enrichissant et nuancé. Comment ? En multipliant les supports, les modes de communication, les intervenants et les techniques de mise en page.

Un fond scientifique est garanti par de solides recherches, une bibliographie fournie, ainsi que l'intervention des experts à la fin de chaque petite chronique (ces textes sont adaptés des chroniques réalisées par les auteurs sur France Inter : "Tu parles !"). J'ai eu la chance d'avoir eu certain.es intervenant.es comme professeurs. J'aurais aimé pouvoir suivre l'enseignement des autres !

Quant à l'accessibilité, elle est permise par un excellent travail de vulgarisation de la part de ces passionnés de linguistique, par la brièveté des chroniques (pas besoin de tout lire à la fois : vous avez le temps de digérer l'information !) et par les nombreux exemples. Loin d'être fastidieuse, la lecture en devient divertissante grâce aux nombreuses citations connues utilisées comme exemple ou moquées, grâce aux illustrations à caractère parodique de Xavier Gorce et grâce à l'humour de l'écriture-même.

Véritable ode à la linguistique, une discipline qui m'est chère, ce roman permet son accessibilité au plus grand nombre. Ce n'est pas plus mal car, comme disent les auteurs : " les linguistes, ça n'appelle rien comme tout le monde." (ayant moi-même étudié la linguistique, je me permets d'approuver cette pique taquine xD ).

Je conseille ce livre à tou'tes celles et ceux qui chercheraient à étendre et à approfondir leur savoir sur le français. S'il ne peut rassasier toutes les curiosités, il met au moins à disposition une liste de références utile à consulter !
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J'ai adoré ! Et oui, n'en déplaise aux puristes, le français a de tous temps évolué avec des ajouts provenant du langage familier... du coup je l'ai passé à ma mère qui reproche souvent aux autres leurs "libertés" avec la langue française et surtout le langage sms !
On verra si cela changera son regard ou pas...
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Alors, bien sûr, c'est dur pour la correctrice que je suis de voir à quel point les auteurs ont raison sur certains aspects de révision/remise en cause de notre langue... Ayant beaucoup aimé le spectacle La Convivialité, j'étais curieuse de ces chroniques, parfois un peu trop techniques, j'y ai appris encore énormément de choses, j'y ai trouvé matière à réflexion beaucoup...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce lien entre langue et Nation ne remonte pourtant qu'à la Terreur.Au début, la Révolution respecte encore le multilinguisme. On traduit les lois et les décrets dans les langues régionales. La Révolution est aussi un lieu de renouveau linguistique. On change le calendrier, on s'appelle « citoyen », En 1791, le grammairien François-Urbain Domergue propose de remplacer « royaume » par « loyaume » pour désigner un pays où « la loi seule commande ». Mais, à partir de 1794, tout ba- messcule et on passe à l'idéologie de l'unilinguisme national radical. Le multilinguisme est même considéré comme contre-révolutionnaire. Cette idéologie est réactivée à la fin du XIXe siècle avec la montée des nationalismes. Pourtant, ce n'est qu'en 1992 que le Rassemblement pour la République va réussir à la faire inscrire dans l'article 2 de la Constitution : « Le français est la langue de la République. » A ce titre, il est intéressant de rappeler que la Belgique est une monarchie constitutionnelle, que la Suisse, une confédération, et que le Québec appartient toujours à la couronne d'Angleterre. On comprend donc que ça ait un peu gueulé à l'époque. La France a dès lors judicieusement rectifié cet article et noté : « La langue de la République est le français. »
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La culture de la Renaissance, c'est l'italien. Aujourd'hui, que ça nous plaise ou non, c'est la culture anglo-saxonne. Si on veut plus de vocabulaire français dans la culture, il faut développer plus de culture française. Ou plutôt francophone, parce que la culture française, ça ne doit pas forcément venir de France. (75)
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Est-ce opportun de dire trois fois "putain" dans une chronique éditées chez Le Robert ?
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"demander à l'académie française son avis sur la féminisation, c'est un peu comme demander à Philip Morris son avis sur les traitements du cancer du poumon" (page 36)
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