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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Magistral et exigeant.

Je découvre avec cette Affaire Sparsholt, grâce aux sélections de la Rentrée littéraire 2018, un auteur britannique dont je sais déjà que je vais m'empresser de dévorer les autres titres. 

Le roman débute dans les années 1940, aux premières heures de la seconde guerre et des mobilisations, sur le feutré campus d'Oxford. Les membres du très sélect club de lecture sont chahutés - intimement et dans la certitude de leurs relations amicales et sociales - par l'arrivée de l'intriguant David Sparsholt, étudiant réservé mais sûr de lui, d'une beauté à couper le souffle. de l'observation de ses entraînements physiques dans la cour du dortoir au partage des nuits de veille - où le feu inconnu qui l'anime est plus recherché que celui de l'attaque au loin - des étudiants érudits, souvent issus de familles d'artistes ou fortunées, vont tenter de percer à jour le mystère de celui qui ne restera que quelques semaines, avant de rejoindre le front. Peter Coyle, dessinateur invétéré, veut le croquer tant et plus ; Evert Dax, fils d'un éminent écrivain gardien d'une esthétique inaccessible, pressent le bouleversement que David peut provoquer.

Voici comment Alan Hollinghurst installe un récit qui aurait aussi bien pu être ainsi déroulé, sur quelques semaines dans cette université hors du monde. Mais le roman, découpé en cinq parties qui, chaque fois, nous font bondir d'une ou deux décennies en avant, brossera en réalité soixante années, jusqu'à nos jours.

Quelle construction efficace et déroutante ! L'auteur ne s'encombre pas tant du fil du récit entre les parties, que de celui tissé très serré au sein de chacune. Ainsi, à chaque rebond décennal, nous retrouvons des personnages - et toujours de nouveaux - à l'instant présent. Les ellipses temporelles sont également celles du récit : peu importe ce qui s'est passé dans ce silence, parce que l'événement fût certainement assourdissant. Ce n'est pas la péripétie qui compte mais la manière dont les personnages s'en relèvent - ou non - et font avec - ou plutôt sans, parfois. Comme cinq romans successifs en un seul. L'ensemble fait sens, évidemment, à travers sentiments et sensations ; grâce, avant tout, à la permanence de la question de l'héritage - des faits, des histoires et des hommes. 

C'est donc une impressionnante fresque qui est construite sur près de six cents pages, ciselée dans une langue d'une rare poésie, assumant une certaine esthétique sophistiquée mais jamais prétentieuse. le plaisir immense de s'interroger à chaque chapitre ou partie sur la réalité profonde de l'événement qui a tout renversé, sans que l'auteur n'accepte d'y attacher d'autre importance que celle des conséquences, est délicieusement frustrant. le roman nous contraint, lorsque l'auteur lance violemment une pierre au beau milieu d'un lac d'huile, de fermer les yeux sur le point d'impact pour n'observer que les ondes s'endormir lascivement sur les berges.

Alors on cherche à comprendre David ; on s'attendrit profondément pour son fils Johnny ; on sourit malicieusement à chaque retrouvaille avec Evert. Et tant d'autres portraits croustillants, touchants dans leur vanité, tendres dans leur solitude, mordants dans leur grandiloquence. C'est aussi une fresque de l'homosexualité en Angleterre, de l'Oxford compassée des années 1940 à l'ère de Grindr, encore une fois tout en délicatesse mais dépeinte avec une acuité redoutable.

Un roman magistral, certes exigeant dans sa construction et sa densité, mais d'une poésie incroyable, à lire absolument !
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The Sparsholt Affair, évoque les relations intimes d'un groupe d'amis unis par l'art, la littérature et l'amour à travers trois générations. Il explore les révolutions sociales et sexuelles des années les plus cruciales du siècle dernier, dont les conséquences bouleversantes se déroulent encore à ce jour. L'histoire s'ouvre en 1940 au début de la Seconde Guerre mondiale et se termine en 2013. Alan Hollinghurst, l'un des romanciers les plus justement appréciés de Grande-Bretagne, lauréat du Man Booker Prize en 2004 avec "La ligne de beauté" - un roman d'amour gay se déroulant dans l'Angleterre de Margaret Thatcher retrac cette fois ci dans "The Sparsholt Affair" les complexités de la sexualité gay dans le contexte d'une Angleterre en mutation où l'homosexualité a été criminalisée jusqu'en 1960. Mais Hollinghurst n'est pas seulement un romancier qui explore le monde de la beauté masculine et de l'homosexualité comme aucun autre. Sa magie réside dans son talent de romancier social avec une compréhension magistrale des processus psychologiques de ses personnages qui le rapproche beaucoup du maître Henry James.
L'affaire Sparsholt prend pour point de départ l'arrivée à Oxford d'un mystérieux et beau jeune homme : David Sparsholt. On va suivre sa vie enchevêtrée celle de ses ses amis de jeunesse rencontrés juste avant la guerre et de sa famille pendant plus de soixante ans alors que ses personnages vivent selon les changements dans les goûts, la morale et la vie privée de Londres dans une séquence d'épisodes remarquables.
En ce qui concerne la première partie, on se demande si Alan Hollinghurst n'est pas le E. M. Forster que mérite la littérature britannique du XXIe siècle ! Ce n'est pas qu'il ait laissé derrière lui l'influence d'Henry James, mais, dans le premier chapitre, le seul écrit à la première personne, on ne peut s'empêcher de percevoir l'arôme clandestin de 'Maurice', dans un Oxford, en pleine Seconde Guerre mondiale, reconverti en une grande back room du désir refoulé ou livres aux tranches dorées, thé fumant et fauteuils en cuir bordeaux se côtoient dans une prose élaborée, débordante de doubles lectures, évoquant l'atmosphère de ces « drames patrimoniaux »si bien rendus dans les films de James Ivory qui firent des vagues à l'époque de Thatcher.
C'est dans cette première partie que l' image -celle de David Sparsholt, d'un séduisant jeune homme en chemise empire faisant de la gymnastique dans sa chambre, à peine aperçu par une fenêtre que le roman commence à déployer ses indéniables charmes. Une image, vue de loin, par un voyeur privilégié : un personnage-énigme dont on saura peu de choses, au-delà d'une attitude pragmatique qui cache des plaisirs cachés. Il sera l'objet de désir et de fascination pour un groupe d'amis, et aussi le protagoniste du "cas" du titre, qui représente symboliquement un avant et un après dans la manière dont la société britannique a appris à intégrer l'homosexualité dans son imaginaire rigide et moralisateur.
En ce sens, il est logique (et audacieux) que cette "affaire" apparaisse de manière oblique, à travers les commentaires collatéraux et les allusions voilées au véritable protagoniste du roman, qui n'est autre que Johnny Sparsholt, le fils unique de David. À ce moment-là, le point de vue narratif a changé et les ellipses séparant les cinq chapitres de l'histoire sont suffisamment abruptes pour que le lecteur doive repositionner l'histoire à chaque fois dans son nouveau contexte. Ce scandale hors de porté est comme un souvenir à demi effacé dans une identité en transit, et le fait que le lecteur le perçoive comme une rumeur, ou comme une certitude qui aspire à devenir incertitude, fait que ce « cas » parle finalement peu de ce père père mystérieux et beaucoup de son fils et de son adaptation à un monde en métamorphose.
C'est donc le fils, Johnny qui est le véritable « cas » du roman, car Hollinghurst nous parle aussi du transfert du désir, ou de sa survie dans ses gènes et dans la mémoire des autres. Johnny aura connu son premier amour, sous la forme d'un adolescent français arrogant, et sera prêt à devenir portraitiste et à entrer dans la scène gay londonienne puis plus tard à avoir une fille avec un couple de lesbiennes puis il arrivera à l'époque des« applications » pour flirter et contacter des sites Web pour tomber amoureux peut-être une dernière fois peu après son veuvage... La prose du roman se sera progressivement affranchie des obscurcissements et des secrets, et respirera aussi un air plus informel, plus direct, moins étouffant. Dans son rôle de chroniqueur "gay", Hollinghurst ne souligne jamais les changements historiques, il les fusionne habilement avec le portrait psychologique de Johnny dans un texte où les grands conflits ne sont pas ratés, qui coule avec la fluidité d'une vie pleine ou un fils apprend à aimer son père lorsqu'il comprend qu'il n'y a rien de plus prosaïque qu'une énigme qu'on ignore.
Du grand art.
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