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Critique de yack


yack
28 décembre 2012


sous la direction de Grégoire Holtz et Thibaut Maus de Rolley

Un livre surprenant, tant par le caractère déroutant et peu banal du sujet, la singularité de la période historique choisie (médiévale et post-médiévale) que l'approche large et polysémique du propos : voyages réels, voyages imaginaires et discours démonologiques (XVe- XVIIe siècles). Voyager avec le Diable ouvre un authentique champ d'investigation où le point nodal s'abîme dans le figure du démon, boîte de Pandore d'une incroyable luxuriance d'où jaillissent, pêle-mêle, dès le XVe siècle, textes, récits, visions, conceptions et perceptions parfois discordantes du Malin. Approcher le diable, son territoire, ses habitudes, voire ses manies et ses obsessions, 18 universitaires, tous professeurs de littérature et contributeurs avertis nous y convient et s'y attardent avec patience, érudition, excellence et passion.
Un constat en constitue le prélude : le Diable vole. Il circule dans les airs pour se saisir, après les avoir tenté, des âmes faibles ou malignes. Il dispose à sa guise de cette faculté, propension réelle, symbolique, métaphorique ou fantasmée.
Poussés par le même souci d'investigation et une méthodologie ouverte à la spéculation, nos chercheurs investissent et arpentent les deux dimensions de ce voyage diabolique : le voyage au sens physique, à travers l'azur, les cieux, l'espace, et son pendant imaginaire, intérieur, inventé ou rêvé. Souvent, ces 2 lignes se croisent, s'entremêlent et parfois se confondent, particulièrement dans les récits de voyage. Où nous conduisent donc les sinistres et tapageuses chevauchées crépusculaires du démon ? Comment s'inscrivent-elles durablement dans l'imaginaire où se font et se défont les archétypes qui jalonnent la littérature démonologique ? Géniteur puissant et fécond alors même qu'il terrifie les esprits, le démon inspire cet intarissable flot d'images et floraison de récits.
Ainsi donc,Voyager avec le Diable développe ses propres codes et raisonnements discursifs : ses représentations, ses interprétations, ses significations, ses ensembles fonctionnels, ses descriptions, et ses modes de narration. La peur et le cauchemar demeurent mais l'amplitude et la forme varient. Entre le Roman de Perceforest, (XVe siècle) le Mythe de Faust (XVIIe siècle), et la colonisation du Brésil (XVIe siècle) les considérations démonologiques se renouvellent sans cesse.
Avec Saint Thomas d'Aquin et sous l'impulsion du Pape Jean XXII, l'église médiévale s'était appliquée, dès 1330, à la construction d'un savoir démonologique. Au XVIe et XVIIe siècle, les royaumes européens, avec les grandes découvertes et leurs entreprises de colonisation, vont être confrontés à un phénomène de transposition et d'ajustement de leurs convictions religieuses face aux réalités de leur nouvel environnement. Au Brésil, se cristallisent, tout particulièrement les peurs et schémas diaboliques de la vieille Europe. Ce Nouveau Monde, refuge du diable et nouvel espace diabolique, justifie une évangélisation urgente et radicale. Avec les Jésuites, l'affrontement entre le bien et le mal connaît une nouvelle phase. L'indigène, le chaman, l'anthropophage, créatures de Satan, finiront consumés par la ferveur chrétienne et le zèle des missionnaires. En mettant en question, dès 1650, avec prudence et raison, la validité des dogmes et les fondements des religions, les sceptiques et libertins Gabriel Naudé et La Mothe le Vayer mettent fin, du même coup, à la sorcellerie, à la superstition et à la démonologie. le discrédit s'abat sur le farouche Prince des Ténèbres, et le Diable voyageur ne survit pas à la satire.
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