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Critique de Nastasia-B


Vous êtes arrivés au dernier quart de l'Iliade ; il est grand temps pour vous de recevoir un petit coup de main d'Achille. Car depuis le début de l'épopée, vous en entendez parler mais vous ne le voyez pas à l'œuvre car il est fâché contre Agamemnon, le chef suprême des rois grecs fédérés contre Troie.

Ce chant XIX s'ouvre donc sur une réconciliation d'Achille et d'Agamemnon après la mort que l'on sait (dans les tomes précédents, ne comptez pas sur moi pour vous en dire davantage). Achille va enfin reprendre part aux combats et cette nouvelle galvanise le cœur des Grecs qui en avaient bien besoin, maltraités qu'il avaient étés par les coups féroces d'Hector, le chef de guerre des Troyens, fils du vieux roi Priam. Ce dernier observe les combats depuis les murs d'enceinte de sa ville.

Et c'est un Achille furieux qui s'engage dans la bataille : Attila, à côté, ce n'était pas grand-chose, tellement ça ferraille sec, tellement sa pique va loin et tellement les têtes troyennes tombent sous ses assauts. Zeus a décidé, maintenant que son petit protégé d'Achille est dans le coup, de ne plus prendre ouvertement parti pour les Troyens comme il le faisait auparavant. Il laisse même le choix à chaque divinité concernée de miser sur son poulain afin de lui assurer la vie sauve.

Bref, gros carnage signé Achille, tous les Troyens en déroute et qui courent se réfugier derrière les murs de protection d'Ilion (c'est un autre nom pour Troie et c'est, au demeurant, ce qui donne son titre à l'épopée). Mais c'est Hector qu'il veut accrocher à son tableau de chasse.

On a beau s'appeler Hector et avoir trucidé du Grec comme pas un, lorsqu'Achille se présente devant vous, ça vous fait un petit quelque chose tout de même et il n'en mène plus bien large le malheureux Hector. Je ne veux surtout pas vous retirer le plaisir de lire l'issue du combat qui s'annonce…

En outre, si le (ou les) rédacteur(s) de l'Iliade au fil des âges (baptisé(s) Homère pour faire simple) ont magnifié la figure d'Achille en cette fin d'ouvrage, ils se sont attachés à ternir volontairement celle de deux autres grands combattants héroïques grecs : les deux Ajax.

À ce titre, je vous recommande tout particulièrement le chant XXIII où l'on assiste à une sorte de banquet funéraire où tous les grands chefs grecs sont conviés par Achille pour recevoir le butin de qui vous savez (voir les tomes précédents) sous une forme quelque peu insolite de nos jours : des genres d'épreuves de jeux olympiques.

Et c'est au cours de ces épreuves que les deux Ajax sont mis minables par Homère. Ceci ne colle pas du tout avec ce qu'on a vu durant toute l'épopée. Alors il doit bien y avoir une raison. J'en suis venue à penser qu'en fait, le personnage même d'Ajax a très probablement été lui-même dédoublé, un peu comme une sorte de docteur Jekyll et Mister Hyde : Ajax le grand, fils de Telamon serait plutôt le docteur Jekyll et Ajax le petit, fils d'Oïlée serait une manière de Mister Hyde.

On sait que ces récits mythiques de l'Antiquité avaient aussi une valeur d'édification pour le peuple. Ils présentaient en termes clairs et abordables d'où l'on venait et comment les ancêtres s'étaient comportés et donc, comment il était bon de se comporter soi-même pour être un digne représentant de ce peuple.

Ajax, ou, pour reprendre le portrait bicéphale d'Homère, LES Ajax, représentent quelque chose qu'on pourrait de nos jours dénommer comme étant des mercenaires ou des condottieres dans l'Italie de la fin du Moyen Âge. Des rois bouffis d'orgueil et tellement sûrs d'eux-mêmes qu'ils en oubliaient la déférence aux dieux.

Une grande partie du cycle troyen dans lequel s'inscrivait l'Iliade d'abord, puis l'Odyssée, ensuite est désormais perdu (en gros, l'Iliade et l'Odyssée représentent deux pièces intercalées d'un puzzle qui devait en contenir au moins sept). C'est donc aux travers des tragédies grecques postérieures qu'on sait à peu près à quoi s'en tenir avec les Ajax.

Tout d'abord dans la pièce éponyme de Sophocle où l'on voit que le grand Ajax (le fils de Telamon), tellement orgueilleux et tellement égocentrique devient fou quand il apprend que ce n'est pas lui mais Ulysse qui hérite des armes divines d'Achille et il est alors prêt à se retourner contre des Grecs afin de les tuer tous.

C'est ensuite dans les tragédies d'Euripide qu'on apprend que l'autre Ajax, le fils d'Oïlée, n'a pas hésité à violer Cassandre, la fille de Priam, dans un temple dédié à Athéna. (Bon, petite précision, ce qui apparaissait comme scandaleux aux yeux des Grecs d'alors, ce n'était pas le viol en lui-même, somme toute assez banal, mais le fait qu'il se soit produit dans une enceinte sacrée : ça c'était très grave !)

Orgueil démesuré et impiété, comme si ces épisodes représentaient certains des " péchés capitaux " du monde et de la culture hellénistiques. Mais de ceci, ce sera à vous d'en juger par vous-même car cet avis, à lui tout seul, ne représente pas grand-chose.
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