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« À un moment donné, je n'ai plus que que la moitié de deux doigts dans la fissure et mes pieds ne sont pas sur des prises mais en adhérence sur le mur. Une toute petite partie de mon corps touche le rocher. L'air est autour de moi. J'ai l'impression de marcher dans le vide et c'est une sensation extraordinaire. » « Pendant la projection, j'étais assis dans le public à coté d'une femme qui m'a posé une question que je n'avais jamais entendue: « Je sais que vous n'êtes pas anxieux quand vous grimpez en solo, m'a-t-elle dit. Mais qu'est ce que cela vous fait de voir ça en film ? » « J'ai les mains moites », ai-je admis. » Un livre que j'ai lu suite au visionnage de « Free Solo », le documentaire du National Geographic qui a reçu l'oscar 2019 du meilleur documentaire. Pour une fois, je vous engage à voir le film avant de lire le livre si vous êtes néophyte comme moi même si, comme à chaque fois, on trouvera plus de détails dans le livre et celui-ci sera moins lisse, holywoodisé, que le documentaire (notamment les parties à l'étranger). « Mais Twight a aussi écrit « Alpinisme extrême » , le manifeste qui a largement défini un nouveau style d'ascension, léger, rapide, et engagé. » « Vivre dans un van correspondait bien à mes idéaux de simplicité, de frugalité et d'efficacité. » « Alex note que personne dans ce groupe de grimpeurs d'élite, n'est mort en repoussant ses limites en solo intégral. » C'est un livre qui m'a rappelé l'autobiographie « Jours barbares » ( sur le surf), un mec qui vit sa passion à travers le monde en rencontrant des personnes (dont des nanas) qui la partagent et forment une communauté et qui se rappelle l'histoire de celle-ci. Un livre qui parle aussi de la confrontation entre « un tourisme / une activité de masse » (voir encore ces décharges sur l'Everest) et des puristes qui recherchent la beauté du geste. On va découvrir l'homme qui ne s'est défini comme athlète que récemment et son histoire. Tous ses exploits sont bien retracés et ils ne concernent pas que le solo intégral (qu'il fait aussi sans les répéter à l'avance !). On verra aussi comme Alex a appris à sortir de sa « bulle Yosemite » (certain diront même sa bulle américaine). Je n'ai aucune expérience d'alpinisme et ma seule expérience d'escalade est un modeste stage ADEPS en salle où on a fini en escalade libre sur une falaise en extérieur (par contre, j'ai aussi fait du parachutisme). Bref, je suis proche du néophyte et je peux dire que ce livre, tout en étant parfois technique, est très accessible. Il n'y a d'ailleurs pas de glossaire et ce n'est pas nécessaire (sinon wiki est ton ami). Tout est bien expliqué et clair. Au pire, des images sur le net sont trouvables sans problème tant pour le matos que pour les voies et différents sites. Une bonne partie de la filmographie d'Honnold (ex Honnold 3.0) est sur sa page wiki en anglais, on pourra y rajouter Sufferfest ou Race for the Nose par exemple. Quelques-unes des ces vidéos (dont Free Solo) sont trouvables sur le net, notamment sur les chaînes du National Geographic ou de Red Bull. Remarquons que le livre est illustré par deux séries de très belles photos couleurs. Au-delà des films, le livre donne aussi pas mal de suggestions de lecture de livres en complément dont, par exemple, « Push ! La vie au bout des mains » de Tommy Caldwell. « Un neurobiologiste s'était planté devant lui et lui avait dit solennellement (en parlant de moi): « L'amygdale de ce gamin ne fonctionne pas. » L'amygdale est une partie du cerveau qui déclenche la réponse au danger: fuite ou combat. » (Lors d'une séance de dédicaces) « C'est bizarre : je peux me rappeler mes mouvements précis dans Glowering Spot mais pas l'endroit où j'ai dîné le soir, et avec qui. » Le livre ne parle pas des examens IRM d'Alex qu'on voit dans le documentaire et où l'on apprend qu'il a effectivement un amygdale qui fonctionne différemment (sans que l'on sache la part génétique, son père aurait pu être autiste asperger, ou acquise par sa « spécialisation en maîtrise de la peur », https://www.esanum.fr/today/posts/letrange-cerveau-du-plus-grand-grimpeur-du-monde ) « Pour gravir ces dalles en solo intégral, je devais rester en mouvement. Il n'y a pas de position de repos, pas d'endroits où relâcher la pression. Ces 60 mètres de granit sont les plus compacts et les plus lisses du Yosemite. » Sur les deux chapitres rajoutés du solo intégral d'El Capitan (900 mètres et un autre nouveau chapitre fait la transition 2014-2015), on a des détails en plus au doc filmé comme ce moment où Alex voit un ami non assuré chuter en face de lui (sans trop de gravité) ou sa joie d'être encore capable de découvrir une variante sur une paroi qu'il connaît si bien et qui lui permet d'éviter un enchainement difficile en solo (on dit crux pour des parties difficiles). Par contre, tout le cheminement du solo intégral fait un peu longuet dans sa description même si on a l'impression d'y être (j'imagine le ressenti de ceux qui ont eu la chance de le pratiquer en corde). Bref, un livre qui peut toucher à tous les publics intéressés et qui vaut allègrement son prix ! On quitte le livre comme on quitte une communauté. On sait qu'on ne l'oubliera jamais. Rappelons nous quand même qu'il n y a pas besoin de falaise pour ressentir le vertige. D'ailleurs n'y a-t-il pas quelque chose de poétique à l'expression « libérer la voie » ? « Je pensais que cet enchaînement serait un test de volonté et d'endurance. J'avais voulu approcher de nouveau cette zone de survie, où l'on comprend que les possibilités humaines sont presque illimitées et que notre monde contient encore des mystères. » « Pas besoin de me sentir à 100 %, je devais juste choisir un jour et le rendre exceptionnel. » « C'est bien de me dire que je peux progresser sur une voie. » + Lire la suite |