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Critique de michfred


Un petit livre, un témoignage sûrement autobiographique à peine scénarisé pour les besoins de la convention romanesque. Un peu moins de 200 pages .

Je l'ai ouvert hier soir, très tard.

Un brûlot.

Il m'a réveillée en pleine nuit et j'ai dû l'achever à toute force. Ou plutôt c'est lui qui m'a achevée.

Une histoire simple, à la limite de l'insignifiance: le cinéaste et romancier gay, Christophe Honoré, trouve, punaisé sur la porte de son appartement parisien, un message écrit à la main : "Guerre et paix : contrepèterie douteuse ".

Guerre et paix... Père et gay, c'est son cas: voilà l'objet du harcèlement, de la persécution, car d'autres attaques suivront, tout aussi cruelles, tout aussi anonymes.

Le vrai intérêt de ce récit fulgurant est moins dans l'énigme à éclaircir, le coupable à trouver et à neutraliser, que dans les interrogations, les mises en perspective qu'elle suscite.

L'auteur n'a jamais renié son homosexualité mais c'est son homoparentalité qu'on lui reproche: il élève à mi-temps une petite fille, conçue naturellement avec une amie hétéro et célibataire, dans une parfaite harmonie éducative et affective, avec vacances estivales communes. Mieux et plus reposant que bien des divorces hétéros.

Scénariste et cinéaste de talent, auteur de littérature enfantine et de romans pour adultes, Honoré semble hors de portée de l'homophobie à front de taureau qui torturait, par exemple, un Eddy Bellegueule, avant sa notoriété.

Pourtant ce harcèlement réveille en lui toutes les souffrances: la négation où l'a relégué son père, (heureusement) tôt disparu, celle tout aussi pernicieuse, quoique plus feutrée, où le tient sa soeur (une scène d'une rare violence...vous ne lirez plus Ouest-France de la même façon!)

Un vertige le prend: le désespoir d'une époque sans horizon, marquée par le terrorisme , la montée des fascismes, la corruption politique, les années sida, et surtout, dans son cas, les manifestations anti-mariage pour tous, ce désespoir le précipite dans une vraie crise existentielle, une interrogation sur son appartenance, ses trahisons éventuelles, ses petites lâchetés quotidiennes.


Un flot de questions le submerge.

Les livres qu'il a lus, tel ce Gide décoré aimablement d'une merde de chien, sur son paillasson, lui deviennent suspects : plus de 200 livres écrits par des homosexuels, il doit s'en séparer! Nuit de paranoïa et de folie qui donne la mesure de son désarroi.

Finalement, après le questionnement , après le vertige, se restructure le père gay, pourtant fortement mis à mal : il convoque ses divinités tutélaires, sa fille - qui ne se prénomme pas Orange...encore une scène d'un humour grinçant assez inoubliable! - dans une lettre magnifique, et ses amis cinéastes ou écrivains, morts du sida , dont les portraits érigent une galerie protectrice , émaillant les pages de ce roman-récit-essai.

Éprouvant, sincère, percutant. Et remarquablement bien écrit. Fureur, humour, mais aussi esprit de finesse, et esprit de géométrie: Pascal serait content!

A lire et à faire lire, si on en connaît, à tous ces pompeux imbéciles prompts à dénier aux autres leur droit au bonheur au nom de dieu sait quelle loi "naturelle".
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