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Critique de AMR_La_Pirate


Encore une fois, ma lecture dans l'ordre et in extenso de la Comédie humaine me fait découvrir un livre peu connu d'Honoré de Balzac… Entre longue nouvelle et court roman, Honorine est l'histoire d'une femme adultère que son mari n'a jamais cessé d'aimer et le récit d'une vaste entreprise visant à la ramener au domicile conjugal.

Balzac renoue ici avec le récit fait par l'un des personnages d'évènements passés dont la relation tend à soutenir une thèse défendue entre gens du monde : « en parlant littérature, on parla de l'éternel fonds de boutique de la république des lettres : la faute de la femme ! Et l'on se trouva bientôt en présence de deux opinions : qui, de la femme ou de l'homme, avait tort dans la faute de la femme ? »…
Le Consul général de France à Gênes, Maurice de l'Hostal , reçoit quelques hôtes de marque et se met en devoir de leur raconter un épisode de sa vie qui a marqué sa jeunesse... le comte Octave de Bauvan a été quitté par sa femme, Honorine, pour un amant avec lequel elle a brièvement connu la passion et la volupté et dont elle a eu un enfant. Abandonnée à son tour, son enfant décédé, elle vit en recluse dans une maison modeste et gagne sa vie en fabriquant des fleurs artificielles, sans savoir que son mari qui lui a pardonné et qui reste profondément amoureux d'elle, n'a cessé de tout organiser dans l'ombre pour lui faciliter la vie.
L'essentiel de la nouvelle va être consacré au récit du stratagème imaginé par le mari avec l'aide de son jeune secrétaire, Maurice de l'Hostal, pour déjouer l'hostilité de sa femme à son égard et favoriser leur réconciliation.
Si l'ensemble fonctionne plutôt bien, Maurice va devoir s'éloigner définitivement en se lançant dans la carrière diplomatique et en épousant une riche héritière, car il a entretemps succombé au charme d'Honorine… Il n'est pas anodin qu'il demande à son épouse, étrangement prénommée Onorina, d'aller voir leurs enfants, le temps de son récit…

Dans ce livre, Balzac met à l'honneur le point de vue féminin, entre son héroïne principale dont l'histoire nous est contée, et les trois femmes présentes, l'ambassadrice, la consulesse et Camille Maupin. Ces femmes censées naturellement être irréprochables, se révèlent impitoyables pour les femmes. L'épouse du narrateur a été éloignée durant son récit mais tout porte à croire qu'elle l'a entendu…
Honorine devient un personnage tragique partagée entre la passion et l'honneur. L'auteur n'hésite pas à donner des détails sur l'aventure qu'elle a vécue avec son amant, sa découverte de la sensualité et de la volupté, sur la maladresse de son mari qui n'a pas su s'y prendre avec elle ; puis le sens de l'honneur reprend le dessus, provoquant d'abord sa réclusion volontaire puis son retour au foyer conjugal. Elle provoque aussi la pitié de Maurice et de ceux qui la côtoient et se fait horreur à elle-même… Tous les moteurs de la tragédie, au sens classique, nous sont donc donnés à lire. Si Camille Maupin la qualifie de « grande âme », c'est qu'elle lui accorde un caractère sublime, accentué par son rapport avec les fleurs et la vie recluse.
J'ai également trouvé intéressant le mea culpa du mari, qui se rend bien compte qu'il a quelque chose à se reprocher vis à vis de sa jeune épouse, à une époque où nombre de mariages étaient arrangés : « j'ai compris que j'avais fait de ma femme une poésie dont je jouissais avec tant d'ivresse que je croyais mon ivresse partagée. Ah ! […] un amour sans discernement est, chez un mari, une faute qui peut préparer tous les crimes d'une femme ! J'avais probablement laissé sans emploi les forces de cette enfant, chérie comme une enfant ; je l'ai peut-être fatiguée de mon amour avant que l'heure de l'amour eût sonné pour elle ! ». de même, les hommes invités donnent l'impression qu'ils essayent de prouver qu'il peut rester des vertus à une femme après sa faute.

Honorine est un chant d'amour désespéré « qui procède de la tête, du coeur et des sens ». Malgré les bonnes dispositions du mari trompé, le repentir de l'épouse coupable, l'amitié sans faille et la loyauté du secrétaire… le dénouement (que je ne dévoilerai pas) sonne comme un glas ; heureusement, Balzac a laissé Camille Maupin, connue également sous le nom de Melle des Touches, conclure et la pensée de cette femme libre déjà rencontrée dans Béatrix recadre le débat dans les limites de la vie décrite dans les Scènes de la vie privée, hors de toutes dérives moralisatrices….
Encore une fois, une belle surprise. Je ne le redirai jamais assez : lisons, relisons Balzac.
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