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EAN : 9791036622335
Le bruit du monde (08/09/2022)
3.01/5   177 notes
Résumé :
Un lieu, quatre siècles, une odyssée audacieuse et irrésistible au cœur de l’histoire de la civilisation occidentale. Entre permanence de la nature, rêve et folie des hommes.

Comment une petite dizaine d'individus du monde entier se sont-ils retrouvés à l’intérieur d’un minibus aux confins du Mexique, sur des routes brinquebalantes et en compagnie d’un chaman ?
S’ils semblent tous captivés par ce rocher blanc auquel la tribu locale des Wixari... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
3,01

sur 177 notes
En lisant le Rocher blanc, je me suis laissé emporter par l'écriture d'Anna Hope, bien traduite par Élodie Leplat. Comme j'avais bien apprécié La salle de bal et Nos espérances, je voulais poursuivre l'aventure avec cette autrice et je n'ai pas été déçu.
Autre source de motivation, notre rencontre, avec cette écrivaine britannique aux Correspondances de Manosque 2022. J'avais été intrigué par la présentation de son nouveau roman bâti sur un défi familial ramenant Anna Hope et son mari, bien loin, là-bas, sur la côte pacifique du Mexique malgré un voyage difficile à bord d'un minibus.
Ce fameux rocher blanc existe et fait partie de la culture d'un peuple indien, les Wixárikas qui pensent que c'est là que notre monde a émergé des eaux. Comme les Yeome, ce peuple a été décimé, réduit en esclavage par les colonisateurs ainsi que cela s'est produit sur la majeure partie du continent américain.
Au cours de ma lecture, j'ai apprécié qu'Anna Hope remette en évidence quelques mots d'usage courant, mots encore utilisés par ces peuples, me faisant aussi partager leurs souffrances, les atroces persécutions infligées par le pouvoir mexicain au début du XXe siècle.
Cette partie, de loin la plus poignante, arrache des larmes au plus endurci. Elle se déroule en 1907 et s'intitule « La fille ». Si je commence par son évocation, c'est parce que les deux parties qui y sont consacrées me semblent les plus importantes à cause de ce génocide relégué dans les oubliettes de l'Histoire.
Cette fille et sa grande soeur, Maria-Luisa, ont été arrachées à leur village parce qu'elles ont voulu aider les rebelles. Sans ménagement, elles ont été déportées, entassées sur le pont d'un bateau qui les a débarquées près de ce fameux rocher blanc, à San Blas, côte nord du Nayaritan, au Mexique. Anna Hope fait bien ressentir la solidarité entre ces enfants, ces femmes et ces hommes dont la disparition est programmée, le moins pire étant l'esclavage… le Rocher blanc est d'abord, il faut le dire, une histoire familiale, celle d'un couple qui ne parvient pas à avoir d'enfant. Par chance, un voyage au Mexique, justement près de ce rocher blanc, la rencontre avec un chaman a, peut-être, permis à « L'écrivaine » d'être enceinte. Aussi, leur fille a trois ans quand, avec son mari, ils vont, ensemble, honorer ce rocher blanc, même si le couple va se séparer...
Avec ça, Anna Hope me plonge, en 1969, dans la vie d'un chanteur mondialement connu, Jim Morrison, comme son groupe, les Doors, sans les nommer. Pour fuir toutes les contraintes de la célébrité, cet homme qui boit et se drogue au maximum, tente de retrouver la paix près du rocher blanc. Pour moi, c'est le volet le moins intéressant.
Le quatrième élément de cette oeuvre littéraire remonte un peu plus le temps pour revenir en 1775 avec « le lieutenant ». J'ai bien aimé cette partie qui permet de côtoyer ces hommes formés pour naviguer mais dont la principale tâche est de dresser la cartographie du monde, en suivant les côtes. S'ils sont financés par leur pays d'origine, l'Espagne, c'est surtout pour s'approprier de nouvelles terres et donc imposer ce qu'ils pensent être la civilisation avec les conséquences désastreuses qui en découlent.
Anna Hope conte magistralement leur formation, leurs échecs, leurs espoirs, leurs luttes fratricides qui trouvent leur apogée, justement, dans la baie d'où émerge le rocher blanc. Comme elle a choisi de le faire pour « La fille » et « le chanteur » ou même « L'écrivaine », son principal personnage n'a pas de nom, désigné simplement par son grade dans la marine.
Le Rocher blanc est un roman instructif, émouvant, vite addictif qui m'a emmené dans un lieu mythique, chargé d'histoire où la magie côtoie le drame et les espoirs fous. Tout cela est conté avec beaucoup de pudeur car la crise du couple, celle du coronavirus et ces civilisations menacées de disparition ne peuvent que tenter de se raccrocher à cet élément solide impressionnant émergeant de l'eau : le Rocher blanc.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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°°° Rentrée littéraire 2022 # 40°°°

« Il y a un rocher blanc là-bas, dans l'océan, où les indiens disent que le monde est né. » Ce rocher blanc existe, côte Nord de l'Etat de Nayarit au Mexique, il émerge de l'océan pacifique au large de San Blas. C'est un lieu sacré, rattaché à la cosmogonie du peuple autochtone des Wixárikas qui venère toute cette zone sous le nom de « Tatéi Haramara » ( « Notre mère océan » ). Personne n'y viendrait par hasard, imagine Anna Hope.

Son roman symphonique se compose en quatre tableaux, quatre récits de vie qui se répondent à travers les siècles autour ce rocher blanc. Anna Hope les orchestre très audacieusement : quatre premières parties dans un ordre chronologique décroissant ( 2020, 1969, 1907, 1775 ) puis le chapitre central sur le rocher blanc, avant de repartir du passé vers le présent ( 1775, 1907, 1969, 2020 ). Cette construction atypique est risquée car elle coupe et découd le flux du récit. Elle peut fortement dérouter en faisant croire à des nouvelles, mais c'est elle qui offre de l'ampleur au récit justement, apportant de la hauteur au lecteur, un temps de recul qui accentue l'aspect contemplatif et méditatif du roman.

2020, ce sont les chapitres de l'écrivaine en laquelle on ne peut s'empêcher de voir un double de l'autrice : dans son bus brinquebalant pour touristes occidentaux accompagnés d'un chaman wixárika, elle semble être là en quête de sens à un moment de sa vie difficile, au bord du divorce, à moins que cela soit un pèlerinage mystique, ou encore pour trouver l'inspiration.

Les deux chapitres 1969 mettent en scène le chanteur, jamais nommé même si on reconnait aisément un Jim Morrison en perdition, venu à l'hôtel Playa hermosa ( là qu'il a écrit LA Woman pour les fans ) pour se ressourcer et fuir le monde.

Les chapitres 1907 sont ceux qui m'ont le plus touchée, sur les pas d'une fillette yoeme arrachée à sa terre qui s'accroche à sa soeur, à son enfance, à sa culture pour tenter de survivre. En cette année, sous Portfirio Diaz, les Yoemen, peuple amérindien originellement établi dans l'Etat de Sonora au Mexique, ont subi une terrible déportation : vendus comme esclaves dans des plantations du Yucatan afin de laisser place libre aux immigrants américains sans entraver le « progrès ».

En enfin, en 1775, nous voguons aux côtés d'un lieutenant espagnol ( inspiré de Juan de Ayola ), premier européen à découvrir la baie de San Francisco et à la cartographier, qui va faire l'expérience de la folie et de la désillusion avec son capitaine.

De prime abord, il est difficile d'appréhender aisément où veut en venir Anna Hope avec ces différents personnages et ces différentes temporalités ainsi structurées. Difficile également d'interpréter en quoi le rocher blanc peut constituer un véritable point de rencontre.

Dans ce voyage à travers le temps et l'histoire, le rocher résonne avec le tragique des destinées humaines, une force immuable face à la folie des hommes, témoin silencieux de leur volonté de déprédation et de la vanité de leur existence. Ce n'est ainsi pas anodin que les deux histoires les plus anciennes ( 1775 et 1907 ) mettent en lumière la brutalité de la conquête coloniale et du capitalisme en Amérique latine, alors que les deux dernières ( 1969 et 2020 ) présentent ironiquement des représentants de l'Occident en quête de spiritualité auprès de peuples que leurs ancêtres ont tenté d'anéantir, qui plus est dans un contexte sombre d'épidémie et de réchauffement climatique.

L'oeil aiguisé d'Anna Hope et l'élégance de son écriture font merveille dans ce roman atypique, sans doute le plus intime et le plus personnel d'une autrice anglaise qui ose sortir du confort d'un romanesque classique.
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2020, un mini bus sillonne le Mexique , à son bord des bobos désoeuvrés avec les sacs remplis d'offrandes. le coronavirus c'est installé, la planète va mal, peut-être qu'une bougie, des galets ou des prières chamaniques pourront rassurer. (C'est drôle parce que il y a plus de cinq cents ans des européens convaincus de leurs bons droits ont massacré des peuples entiers, ont mis au pilori des croyances et ont évangélisé par la force.)
1969, le chanteur a pris la poudre d'escampette, a mis la clé sous la porte et laissé son groupe rentrer en Californie. Il se retrouve dans un hôtel près de la plage,le soleil couchant salue le rocher blanc,laissant la place à la lune depuis que le monde est monde. le poète en transe est prêt pour le sacrifice il est Tezcatlipoca il attend la lame d'obsidienne du prêtre qui l'immolera. Ce serait un titre pourquoi pas qui annoncerait la fin du cygne ou plutôt du roi lézard.
1907, la fille et sa soeur Maria -Luisa, sont sur le bateau qui les emmène vers un endroit qui sent la mort et la douleur, la fille entend les fantômes qui errent depuis des siècles sur le rocher blanc . Les indiens Yoeme n'en peuvent plus, les pueblos se vident, seule les grands-mères restent aux villages soignants aux passages les combattants qui résistent aux « rurales ».
1775, quatre navires du rois d'Espagne ont jeté l'ancre pas très loin du rocher blanc. Leurs buts est de cartographier la baie de San Francisco, en attendant les vents favorables et le ravitaillement. Les nouvelles recrues sont inquiets, on dit que l'endroit est hanté.
Le rocher blanc de Anna Hope est une histoire de voyage, dans quatre époques. J'ai trouvé étrange cette narration, elle fait penser à un recueil de nouvelles avec en fil rouge ce rocher blanc, mais les époques se croisent, se télescopent. Autre particularité les personnages principaux n'ont pas de prénoms, le chanteur, l'écrivaine…
Deux époques m'ont particulièrement touché qui sont reliées entre elles par l'histoire du Mexique, le peuple Yoeme et la colonisation espagnole avec ses méthodes barbares. 1775 et 1907, Deux héros que tout sépare l'une indienne l'autre espagnol,deux voix l'une pour crier la liberté et la voix de Miguel pour crier la folie.
Ce roman me laisse un goût amer, j'en attendais peut-être un peu trop, j'ai découvert une écrivaine , je n'ai pas été convaincu. une autre fois j'aurais plus de chance . Merci à la maison d'édition «  le bruit du monde « (très jolie couverture) merci à babelio pour son opération masse critique.
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Certains livres savent vous trouver, au détour d'une phrase, d'une histoire… C'est ce qui s'est passé avec « le rocher blanc » d'Anna Hope, autrice dont j'avais lu « le chagrin des vivants », que j'avais bien aimé, mais que j'avais trouvé un peu froid. Cette fois-ci, on quitte la fraîcheur de la Grande-Bretagne et les tourments de la Première Guerre mondiale pour partir dans la chaleur du Mexique, en pleine crise du Covid, et découvrir un roman mêlant l'intime au mystique. Comment retrouver son chemin quand on perd ses repères, quotidiens comme émotionnels ou spirituels ?

L'écrivaine, dont on comprend rapidement qu'il s'agit d'Anna Hope elle-même, se trouve ainsi au Mexique avec sa fille et son mari pour faire un pèlerinage auprès d'un mystérieux rocher blanc, lieu sacré pour les indiens wixárikas. S'ils sont là, c'est pour remercier les divinités wixárikas de leur avoir donné, à l'issue d'un premier pèlerinage en ces lieux, l'enfant que l'écrivaine et son mari attendaient en vain. Mais plus qu'une séance de gratitude, ce voyage est probablement une fuite en avant, pour ne plus penser à un mariage en plein effondrement, à cette effrayante perte de sens qu'elle ressent, aggravée par la perception que l'humanité court à sa perte, frappée par la crise climatique aussi bien que sanitaire. Une humanité qui n'a fait que piller et exploiter ce rocher blanc et les peuples indigènes qui lui rendaient un culte, comme elle l'a découvert lors des recherches préparatoires au roman destiné à garder une trace de ce périple, la rendant coupable des mêmes faits : « Et puis elle, pourquoi est-elle là si ce n'est pour exploiter, elle aussi ? Prendre la matière brute de l'histoire, la douleur, les conflits et les pertes incalculables, pour les modeler en un récit, l'espoir d'un profit. Pas moins vénal. Pas moins avide que ceux qui sont venus en ces lieux il y a trois, quatre, cinq cents ans, à la recherche d'or ».

Outre son histoire personnelle, le roman fait de la place, par le biais de chapitres séparés, à plusieurs voix différentes ayant toutes le rocher blanc en commun : celle d'un chanteur légendaire qui tente d'échapper au début des années 1970 à son trop-plein de célébrité dans un hôtel au bord de la plage du rocher blanc, et qui traverse, à l'instar de l'écrivaine, une crise existentielle et mystique, le lieutenant d'une flotte espagnole du XVIIIe siècle qui a eu une épiphanie au bord du rocher blanc concernant la cruauté de la colonisation, laquelle écrase les peuples indigènes et leurs croyances supérieures à la vanité impérialiste, et une jeune fille yoeme et sa soeur, déportées et réduites en esclavage au début du xxe siècle par les Mexicains, car cette tribu refusait que sa terre ancestrale et son eau soit exploitées au profit des Américains. le rocher blanc étant le point de départ d'une longue marche qui devait les mener aux champs de sisal où elles se tueraient à la tâche.

Des histoires de douleur, de perte de sens, confrontées à une folie destructrice, que celle-ci vienne de leurs auteurs ou qu'ils en soient les victimes. Toutes trahissent le pouvoir de ce rocher blanc, qui semble galvaniser les émotions négatives qui traversent les humains à son approche. Chaque narrateur ressent ainsi du désespoir à proximité de ce bloc de pierre, lui-même assoiffé de réparation face à l'exploitation dont il est la victime depuis plusieurs siècles.

J'ai été émue par ces histoires enchâssées, particulièrement celles de l'écrivaines et des jeunes filles yoeme. Ces femmes perdues face à un destin qu'elles ne maîtrisent pas ou plus, mais sur lequel elles tentent de reprendre le dessus à leur manière (même si on ne va pas se mentir, l'écrivaine est dans des meilleures dispositions pour s'en sortir). Un beau roman qui nous rappelle encore une fois que l'humanité est capable du pire quand il s'agit de faire du profit, quitte à faire disparaître toute notion de sens et de croyance, fussent-ils ancestraux…
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L'auteure revisite à sa manière l'histoire de la civilisation occidentale à travers quatre trajectoires faisant écho aux rêves démesurés des hommes et à leur folie.

C'est mon quatrième livre de cette auteure:

Qu'est ce qui rassemble cette petite dizaine d'individus originaires des quatre coins du monde et comment se sont - ils retrouvés dans un minibus filant sur une autoroute mexicaine , en compagnie d'un chamane ? .

Un rocher blanc captivant , un rocher dans l'océan où les indiens disent que «  le monde est né » un lieu mystique et sacré .

S'il débute en 2020, le récit nous entraîne ensuite dans le passé, à la rencontre de femmes et d'hommes ayant tous un lien avec ce Rocher Blanc . .
Ce minibus transporte des enfants , des femmes de toute nationalité : parmi eux , à son bord : une écrivaine en pèlerinage avec son mari et sa fille, pour rendre grâce de la naissance de l'enfant : «  Donner leurs offrandes à l'océan : ces calebasses en bois, ces bougies qu'ils transportent depuis des jours et des jours ,Demander protection . Remercier. Ce n'est pas grand- chose. C'est le moins , vraiment , qu'elle puisse faire » ….

Quelques décennies plus tôt , en 1969, un chanteur était , lui aussi en quête du Rocher Blanc , littéralement usé par une gloire factice, l'adoration de ses fans, la pression extrême de leur désir à tous, il espère se perdre à défaut de se trouver.

Au début du XX° siècle, en 1907, c'est une jeune fille enlevée à la terre de ses ancêtres, arrachée , capturée pour laisser la place à des entrepreneurs capitalistes américains et mexicains .
Elle est débarquée comme des milliers de Yoemem, face au Rocher Blanc .

Enfin en 1773, un jeune homme perd la tête alors que son bateau est à l'ancre à côté du fameux rocher blanc , mystique et sacré .

Ces quatre destins entrelacés sur quatre siècles se répondent aimantés par ce lieu unique et magique auquel la tribu des Wixarikas attribuait des pouvoirs extraordinaires: le Rocher Blanc .

L'auteure , en remontant le fil du temps décrit la folie des hommes ,elle déploie un roman polyphonique, en arrière - plan des trajectoires particulières , individuelles , elle s'attache aux tragédies dramatiques liées à la colonisation et au génocide des peuples autochtones .

Elle réfléchit et épouse à sa manière humaine et bienveillante , chacune des quatre époques .
C'est un récit troublant , une odyssée empreinte de regrets et d'espoir qui montre que de tout temps l'humanité fut contrainte de surmonter catastrophes , fléaux , faillites , élans contradictoires des destinées , ainsi. qu'une certaine folie des hommes dans leur entreprise de conquête .

Je dois dire que je n'ai pas pris autant de plaisir à le lire que les précédents : ( entre autres difficultés à entrer dedans) : «  Nos espérances » en 2020., «  La salle de bal » et «  le Chagrin des vivants » ,vraiment appréciés ….

Mais ce n'est que mon humble avis , bien sûr , comme toujours …
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critiques presse (6)
LeJournaldeQuebec
21 novembre 2022
Actrice de talent, écrivaine primée, la Britannique Anna Hope raconte une quête de sens et d’histoire lors d’un étonnant pèlerinage au Mexique en compagnie d’un chaman dans son nouveau roman, Le Rocher blanc. En compagnie de son mari et de sa fille, elle s’interrogera sur l’origine du monde, fascinée par l’aura de mystère entourant un lieu sacré.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
06 octobre 2022
Ce roman d'Anna Hope fait résonner les destins tragiques de ses quatre personnages autour de ce Rocher blanc, métaphore d'une force immuable, témoin muet de l'agitation des hommes, de leur volonté effrénée et insatiable d'amour, de puissance, témoin aussi de l'inévitable vanité du monde occidental. La romancière jette un œil tranchant sur la brutalité des conquêtes coloniales du 19e siècle, et sur la société occidentale, matérialiste, à la recherche d'une spiritualité à l'autre bout du monde, chez ces peuples mêmes qu'elle a tenté d'anéantir au nom du progrès deux siècles plus tôt. Elle nous fait traverser le temps et l'espace, autant que l'intériorité de ses personnages, dans un roman qui se lit comme un "page-turner".
Lire la critique sur le site : Culturebox
Elle
13 septembre 2022
L'offrande littéraire d'Anna Hope étourdit par sa volonté d'affronter des massacres longtemps dissimulés, ainsi que par sa subjuguante sincérité.
Lire la critique sur le site : Elle
LeFigaro
01 septembre 2022
Depuis Le Chagrin des vivants, ou Nos espérances, Anna Hope a montré qu’elle aime et sait circuler dans la matière du temps.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LaLibreBelgique
19 août 2022
Quatre histoires, centrées sur quatre figures, vont nous être racontées. Figures parce qu’elles nous sont présentées comme des entités sans identité - alors que leurs véritables contours, voire réalités, se devinent peu à peu.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Culturebox
19 août 2022
La romancière anglaise Anna Hope nous embarque dans une fresque qui traverse les siècles et jette un œil aiguisé sur la brutalité des conquêtes coloniales et sur la société occidentale, héritière de cette histoire.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Elle s'approche du bord de l'eau, face à l'ouest, lieu des ancêtres. Lieu des morts. Lieu du rocher blanc. Lieu de Tatéi Haramara, la mère de tous. Et peut-être sont-ils tous là, dans cette lumière mouvante, ceux qui sont parti avant - le lieu des morts, peuplé par eux tous, attendant de recevoir son père, l'attendant elle, le moment venu, tous ces innombrables ancêtres qui se sont débrouillés comme ils pouvaient avec leurs problèmes et leurs dons, qui ont marchandé, travaillé, prié le soir et négocié avec les dieux pour la survie de leurs enfants.
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(Les premières pages du livre)
L’Écrivaine - 2020
Maman ?
Oui, ma chérie ?
Tu sais quoi ?
Quoi ?
Un milliard c’est beaucoup plus que des tonnes.
C’est vrai. Tu as raison.
Maman ?
Oui, ma chérie ?
Je peux regarder un autre dessin animé ?
*
Il fait très chaud à l’arrière du minibus.
La fillette de l’écrivaine, avachie à côté d’elle, casque sur les oreilles, les yeux rivés sur l’écran crasseux de l’ordinateur portable, regarde un dessin animé avec trois enfants en tenues de super-héros. Ils ont un totem ailé et un engin volant. Un garçon coiffé d’une mèche grise et une fille sur un hoverboard sont leurs ennemis. Ils sont respectivement habillés en lézard, en chouette et en chat. Dans cet épisode le garçon habillé en lézard perd sa voix, ou la retrouve, l’écrivaine ne sait plus, même si elle l’a regardé d’un œil plus d’une fois. Cinq épisodes téléchargés à la hâte dix jours plus tôt dans une chambre d’hôtel étouffante de Mexico, c’est tout ce qu’elle a eu, tout ce que sa fille a eu, une fois que les cahiers de coloriage, les encas et le jus de fruits ont perdu leur attrait, pour se distraire du trajet interminable.
La femme remue sur son siège, les miettes de biscuits salés sur ses genoux tombent par terre. Elle a le dos raide. Tout est raide. La peau tannée par le désert, les lèvres gercées. Elle a veillé toute la nuit dernière autour d’un feu, avec les onze autres passagers de ce minibus, à plus de mille mètres d’altitude dans les montagnes de la Sierra Madre occidentale. Avant l’aube, ils ont jeté de la terre sur les cendres à coups de pieds, rassemblé leurs affaires, leurs duvets, leurs couvertures poussiéreuses, leurs chapeaux et leurs sacs, qu’ils ont ensuite descendus, avec les enfants, à flanc de montagne. Désormais, après presque sept heures de trajet, après les pins, après les montagnes, la végétation change, il y a des palmiers, des bougainvilliers, et, peintes sur la façade de petites tiendas en bord de route, des publicités gaies, maritimes, pour Pacífico, la bière de la côte : une ancre et la mer encadrées par une bouée de sauvetage.
Elle devrait vraiment essayer de dormir, mais comme les épisodes du dessin animé doivent être changés manuellement, si elle s’assoupissait, il lui faudrait se réveiller après onze minutes. Ce qui serait à coup sûr pire que de ne pas dormir du tout. Sans compter que, bientôt, d’ici deux ou trois heures, peut-être moins, ils ne seront plus dans ce minibus, mais dans la ville de leur destination, un vestige colonial ensommeillé, et lorsqu’ils auront achevé la dernière étape de ce voyage, il y aura une chambre d’hôtel, un lit, la climatisation, une Pacífico bien fraîche, de quoi manger. Et ensuite, peut-être, dormir.
Sur l’écran de l’ordinateur portable, le générique défile. La femme appuie sur pause et tire sa fille vers elle. La fillette se tortille. Elle est chaude. Elle a les joues rouges. Son haleine tiède, semblable à la levure, sent l’absence de dentifrice et le trop-plein de sucre.
Tu veux manger quelque chose ?
Elle se penche en avant, farfouille dans la poche du siège. Maigre récolte : des crackers de la veille. Une pomme. Des chips épicées.
Sa fille secoue la tête. Ses yeux vitreux retournent à l’écran. Lait, dit la fillette. Du. Lait.
Du lait, elle ne veut boire que du lait. Pas d’eau. Du lait d’avoine si possible, sinon d’amande. Trois, quatre, cinq fois par jour, à même la bouteille. Ce qui a nécessité des arrêts fréquents dans les épiceries de bord de route.
On n’a pas de lait, ma puce. On va bientôt s’arrêter et j’irai en acheter. Promis.
Sa fille fait la grimace. On dirait qu’elle est sur le point de pleurer. Ou de taper quelque chose. Je-Veux-Du-Lait.
La plupart du temps, durant ce voyage, là sur cette banquette double qu’elles ont partagée pendant des kilomètres et des heures d’autoroute mexicaine, c’est cette moue qu’a faite sa petite fille. L’écrivaine ne lui en veut pas. La plupart du temps, durant ce voyage, c’est aussi l’humeur qu’elle a eue.
Je. Veux. Du. Lait. JE-VEUX-MON-LAIT !
Mon cœur. On n’a pas de lait. Je viens de te le dire. Une histoire ? tente-t-elle en tendant la main vers son Kindle.
Une fois, quand sa fille était toute petite, elle s’était rendue à un groupe de parentalité, où on avait bien fait comprendre aux mères présentes l’importance des affirmations.
On présente trop de choix aux enfants, avait expliqué la femme qui dirigeait l’atelier. Ils sont complètement déboussolés. Comment sont-ils censés savoir ce qu’ils veulent pour dîner ? On pense être de bons parents en leur donnant des alternatives, en formulant les choses sous forme de questions, mais en réalité c’est tout l’inverse.
Des affirmations. Pas de questions. Tout le monde s’en portera bien mieux.
L’écrivaine n’a jamais vraiment réussi à choper le truc.
Non ! s’écrie à présent sa fille en secouant la tête. Pas une histoire. Un autre des-sin a-ni-mé.
Sa fille, en revanche, à trois ans, maîtrise parfaitement la phrase affirmative. La femme hausse les épaules. À ce stade du jeu, elle a renoncé à toute autorité et sa fille le sait.
D’accord, dit-elle en pianotant sur le clavier. D’accord.
Elle trouve l’épisode suivant et voilà les mini super-¬héros repartis, libérés de leur léthargie digitale, fusant à travers l’écran en laissant des traînées de vapeur dans leur sillage. On dirait qu’ils vivent dans une ville française, ces super-¬héros de gamins, qui bondissent par-¬dessus des maisons grises anarchiques aux toits mansardés éclairés par une froide lune septentrionale. Sa fille fredonne la chanson du générique en martelant le rebord du siège avec ses mollets.
Au cœur… de la nuit… vous aider… quiii… héros… an justiciers… Pyjamasques lala Pyjamasques…
Sur le siège de devant, la Sénégalaise se tourne à moitié et sourit en entendant le refrain. Dans l’interstice entre les sièges, l’écrivaine voit la fille de la Sénégalaise profondément endormie, pelotonnée contre sa mère, le visage lisse et détendu. Les lèvres entrouvertes.
Il y a beaucoup de choses qu’elle aimerait apprendre sur le rôle de mère : elle aimerait apprendre, par exemple, comment cette élégante Sénégalaise parvient à garder sa fille calme et sereine pendant toute la durée de ce trajet éreintant sans l’aide d’un écran. Comment elle parvient à être stricte sans être méchante. Comment elle semble ne jamais être à deux doigts de disjoncter. L’écrivaine aimerait aussi apprendre comment, chaque fois qu’ils sont arrivés dans un nouveau lieu, même les endroits les plus improbables, la Sénégalaise a aussitôt réussi à se mettre en quête d’une casserole, à faire bouillir de l’eau, à la verser dans une bassine, puis à déshabiller sa fille pour la laver.
La première fois qu’elle a assisté à cette scène, elle est restée abasourdie en voyant la fillette immergée à hauteur de genoux dans la bassine en plastique rouge au beau milieu du désert. Elle avait une ceinture en cuir attachée autour de la taille.
C’est pour la protéger ? demanda-t-elle.
Oui, répondit la Sénégalaise tout en lavant sa fille de ses mains fermes et assurées, sans en dire plus.
De quoi ? aurait-¬elle voulu savoir.
Ce qu’elle aurait aussi voulu demander, c’était : Où ¬pourrais-¬je en trouver ? Pour ma fille, pour moi ?
À la place, elle demanda à emprunter la bassine une fois qu’elles eurent terminé.
Après ces ablutions, la fille de la Sénégalaise était habillée de vêtements propres, sa peau massée avec une huile au parfum sucré, tandis que la fille de l’écrivaine retournait directement jouer dans la poussière – l’épaisse poussière du désert qui n’en était pas vraiment, plutôt du sable et de la terre, qui recouvraient tout : les cheveux, les habits, les poumons. Sa fille adore cette poussière : au moment d’allumer le feu le soir, elle insistait pour dormir par terre plutôt que bien emmitouflée dans les couvertures et les duvets de ses parents. Si on ne cédait pas à sa volonté, elle protestait, hurlait, pleurait, se lamentait. S’ensuivait alors, devant tout le monde, une étrange saynète, où l’écrivaine et son mari tentaient de ramener la fillette, à force de cajoleries, à la sécurité des duvets, loin des flammes.
Invariablement, pendant chacune de ces scènes, la Sénégalaise et sa fille dormaient à poings fermés, pelotonnées ensemble sur une couverture à même le sol, où elles restaient, sans bouger, toute la nuit.
À l’extérieur du minibus, le soleil frappe. Les pieds de maïs projettent leur ombre sur les champs écrasés de chaleur. La route est désormais droite – ce matin, ils ont longuement suivi les méandres du Río Grande de Santiago, mais à la dernière ville ils ont traversé le fleuve, et l’ont laissé suivre son cours plus au nord.
Ils auraient dû, peut-être, s’arrêter pour essayer d’acheter du lait dans cette dernière bourgade, mais sa fille dormait alors ; tout le monde dormait alors, sauf l’écrivaine à l’arrière et son mari et les deux hommes, un Mexicain et un Colombien, près de lui à l’avant. Ils bavardaient, ces trois-là, et comme il n’y avait pas de musique, elle réussissait à les entendre : ils parlaient d’un événement qui s’était produit récemment tout près de cette petite ville paisible, quand les membres du cartel Jalisco Nuevo avaient, apparemment, descendu au lance-¬roquettes un hélicoptère de la police. Les hommes évoquaient cela d’une voix sobre et étouffée tandis que le minibus traversait lentement la place, passait devant l’église, devant des petits enfants en uniforme qui rentraient de l’école main dans la main, leur cartable tressautant sur le dos.
La violencia, disait le Mexicain en secouant la tête, alors qu’ils reprenaient la route principale. C’était trop, trop dans les écoles, trop dans les rues. Il envisageait de quitter Guadalajara, sa ville natale, avec sa femme sénégalaise et son enfant, pour aller en Espagne.
Mais c’était il y a une heure environ. À présent ils passent de la musique à l’avant et l’ambiance est différente, festive. Son mari parle, raconte une histoire, gesticule au volant
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Peut-être est-ce sa fille qui peut lui enseigner comment exister : comment se ficher du sable dans sa culotte, de la poussière du désert partout sur ses habits, comment la rencontrer, se rouler dedans, la laisser vous pénétrer, vous changer. Et si elle possédait déjà nombre des compétences nécessaires pour ce qui les attend ? La sagesse de tenir cette vie brève avec autant de douceur et de révérence que possible. Savoir où placer la calebasse. Modeler le sable avec ses mains aux larges paumes. Jouer à cet endroit où l’eau accoste le rivage.
(page 314)
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Le lieutenant s’empare des rames et se met à souquer.
Voilà longtemps qu’il n’avait pas ramé. Étrange, la rugosité des rames dans les paumes, sa sensation de ses bras qui les tirent dans l’eau, du petit canot qui répond.
Plonger, tirer, pousser, plonger, tirer, pousser.
La sueur perle sur sa peau.
Silence. Plus vite maintenant : ne reste que son souffle dans l’effort, le bruit des rames dans leurs tolets.
(page 219)
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« Ces indiens, dit le soldat torocoyori ( traître), sont déportés. « Il détache les syllabes : dé-por-tés. « Ils vont travailler dans les plantations. Ils vont devenir utiles « .
«  L’indien entrave la route du progrès. Il est paresseux. Incapable. Il ne comprend rien au monde moderne. Il préfère souffrir de la faim que de se fatiguer avec l’agriculture. C’est pourquoi ses supérieurs doivent le forcer à y recourir « .
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Vidéo de Anna Hope
Le jeudi 8 septembre avait lieu notre traditionnelle soirée Rentrée Littéraire au siège du Crédit Agricole Nord de France, notre partenaire de toujours
Nous avons eu l'occasion d'y accueillir Anthony Passeron, lauréat du prix Première Plume 2022 pour son roman Les Enfants endormis, mais aussi Anna Hope, Carole Fives, Djamel Cherigui et Miguel Bonnefoy.
Retour sur une soirée d'exception, histoire de patienter en attendant l'année prochaine !
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