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sur 275 notes
En lisant le Rocher blanc, je me suis laissé emporter par l'écriture d'Anna Hope, bien traduite par Élodie Leplat. Comme j'avais bien apprécié La salle de bal et Nos espérances, je voulais poursuivre l'aventure avec cette autrice et je n'ai pas été déçu.
Autre source de motivation, notre rencontre, avec cette écrivaine britannique aux Correspondances de Manosque 2022. J'avais été intrigué par la présentation de son nouveau roman bâti sur un défi familial ramenant Anna Hope et son mari, bien loin, là-bas, sur la côte pacifique du Mexique malgré un voyage difficile à bord d'un minibus.
Ce fameux rocher blanc existe et fait partie de la culture d'un peuple indien, les Wixárikas qui pensent que c'est là que notre monde a émergé des eaux. Comme les Yeome, ce peuple a été décimé, réduit en esclavage par les colonisateurs ainsi que cela s'est produit sur la majeure partie du continent américain.
Au cours de ma lecture, j'ai apprécié qu'Anna Hope remette en évidence quelques mots d'usage courant, mots encore utilisés par ces peuples, me faisant aussi partager leurs souffrances, les atroces persécutions infligées par le pouvoir mexicain au début du XXe siècle.
Cette partie, de loin la plus poignante, arrache des larmes au plus endurci. Elle se déroule en 1907 et s'intitule « La fille ». Si je commence par son évocation, c'est parce que les deux parties qui y sont consacrées me semblent les plus importantes à cause de ce génocide relégué dans les oubliettes de l'Histoire.
Cette fille et sa grande soeur, Maria-Luisa, ont été arrachées à leur village parce qu'elles ont voulu aider les rebelles. Sans ménagement, elles ont été déportées, entassées sur le pont d'un bateau qui les a débarquées près de ce fameux rocher blanc, à San Blas, côte nord du Nayaritan, au Mexique. Anna Hope fait bien ressentir la solidarité entre ces enfants, ces femmes et ces hommes dont la disparition est programmée, le moins pire étant l'esclavage… le Rocher blanc est d'abord, il faut le dire, une histoire familiale, celle d'un couple qui ne parvient pas à avoir d'enfant. Par chance, un voyage au Mexique, justement près de ce rocher blanc, la rencontre avec un chaman a, peut-être, permis à « L'écrivaine » d'être enceinte. Aussi, leur fille a trois ans quand, avec son mari, ils vont, ensemble, honorer ce rocher blanc, même si le couple va se séparer...
Avec ça, Anna Hope me plonge, en 1969, dans la vie d'un chanteur mondialement connu, Jim Morrison, comme son groupe, les Doors, sans les nommer. Pour fuir toutes les contraintes de la célébrité, cet homme qui boit et se drogue au maximum, tente de retrouver la paix près du rocher blanc. Pour moi, c'est le volet le moins intéressant.
Le quatrième élément de cette oeuvre littéraire remonte un peu plus le temps pour revenir en 1775 avec « le lieutenant ». J'ai bien aimé cette partie qui permet de côtoyer ces hommes formés pour naviguer mais dont la principale tâche est de dresser la cartographie du monde, en suivant les côtes. S'ils sont financés par leur pays d'origine, l'Espagne, c'est surtout pour s'approprier de nouvelles terres et donc imposer ce qu'ils pensent être la civilisation avec les conséquences désastreuses qui en découlent.
Anna Hope conte magistralement leur formation, leurs échecs, leurs espoirs, leurs luttes fratricides qui trouvent leur apogée, justement, dans la baie d'où émerge le rocher blanc. Comme elle a choisi de le faire pour « La fille » et « le chanteur » ou même « L'écrivaine », son principal personnage n'a pas de nom, désigné simplement par son grade dans la marine.
Le Rocher blanc est un roman instructif, émouvant, vite addictif qui m'a emmené dans un lieu mythique, chargé d'histoire où la magie côtoie le drame et les espoirs fous. Tout cela est conté avec beaucoup de pudeur car la crise du couple, celle du coronavirus et ces civilisations menacées de disparition ne peuvent que tenter de se raccrocher à cet élément solide impressionnant émergeant de l'eau : le Rocher blanc.

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°°° Rentrée littéraire 2022 # 40°°°

« Il y a un rocher blanc là-bas, dans l'océan, où les indiens disent que le monde est né. » Ce rocher blanc existe, côte Nord de l'Etat de Nayarit au Mexique, il émerge de l'océan pacifique au large de San Blas. C'est un lieu sacré, rattaché à la cosmogonie du peuple autochtone des Wixárikas qui venère toute cette zone sous le nom de « Tatéi Haramara » ( « Notre mère océan » ). Personne n'y viendrait par hasard, imagine Anna Hope.

Son roman symphonique se compose en quatre tableaux, quatre récits de vie qui se répondent à travers les siècles autour ce rocher blanc. Anna Hope les orchestre très audacieusement : quatre premières parties dans un ordre chronologique décroissant ( 2020, 1969, 1907, 1775 ) puis le chapitre central sur le rocher blanc, avant de repartir du passé vers le présent ( 1775, 1907, 1969, 2020 ). Cette construction atypique est risquée car elle coupe et découd le flux du récit. Elle peut fortement dérouter en faisant croire à des nouvelles, mais c'est elle qui offre de l'ampleur au récit justement, apportant de la hauteur au lecteur, un temps de recul qui accentue l'aspect contemplatif et méditatif du roman.

2020, ce sont les chapitres de l'écrivaine en laquelle on ne peut s'empêcher de voir un double de l'autrice : dans son bus brinquebalant pour touristes occidentaux accompagnés d'un chaman wixárika, elle semble être là en quête de sens à un moment de sa vie difficile, au bord du divorce, à moins que cela soit un pèlerinage mystique, ou encore pour trouver l'inspiration.

Les deux chapitres 1969 mettent en scène le chanteur, jamais nommé même si on reconnait aisément un Jim Morrison en perdition, venu à l'hôtel Playa hermosa ( là qu'il a écrit LA Woman pour les fans ) pour se ressourcer et fuir le monde.

Les chapitres 1907 sont ceux qui m'ont le plus touchée, sur les pas d'une fillette yoeme arrachée à sa terre qui s'accroche à sa soeur, à son enfance, à sa culture pour tenter de survivre. En cette année, sous Portfirio Diaz, les Yoemen, peuple amérindien originellement établi dans l'Etat de Sonora au Mexique, ont subi une terrible déportation : vendus comme esclaves dans des plantations du Yucatan afin de laisser place libre aux immigrants américains sans entraver le « progrès ».

En enfin, en 1775, nous voguons aux côtés d'un lieutenant espagnol ( inspiré de Juan de Ayola ), premier européen à découvrir la baie de San Francisco et à la cartographier, qui va faire l'expérience de la folie et de la désillusion avec son capitaine.

De prime abord, il est difficile d'appréhender aisément où veut en venir Anna Hope avec ces différents personnages et ces différentes temporalités ainsi structurées. Difficile également d'interpréter en quoi le rocher blanc peut constituer un véritable point de rencontre.

Dans ce voyage à travers le temps et l'histoire, le rocher résonne avec le tragique des destinées humaines, une force immuable face à la folie des hommes, témoin silencieux de leur volonté de déprédation et de la vanité de leur existence. Ce n'est ainsi pas anodin que les deux histoires les plus anciennes ( 1775 et 1907 ) mettent en lumière la brutalité de la conquête coloniale et du capitalisme en Amérique latine, alors que les deux dernières ( 1969 et 2020 ) présentent ironiquement des représentants de l'Occident en quête de spiritualité auprès de peuples que leurs ancêtres ont tenté d'anéantir, qui plus est dans un contexte sombre d'épidémie et de réchauffement climatique.

L'oeil aiguisé d'Anna Hope et l'élégance de son écriture font merveille dans ce roman atypique, sans doute le plus intime et le plus personnel d'une autrice anglaise qui ose sortir du confort d'un romanesque classique.
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2020, un mini bus sillonne le Mexique , à son bord des bobos désoeuvrés avec les sacs remplis d'offrandes. le coronavirus c'est installé, la planète va mal, peut-être qu'une bougie, des galets ou des prières chamaniques pourront rassurer. (C'est drôle parce que il y a plus de cinq cents ans des européens convaincus de leurs bons droits ont massacré des peuples entiers, ont mis au pilori des croyances et ont évangélisé par la force.)
1969, le chanteur a pris la poudre d'escampette, a mis la clé sous la porte et laissé son groupe rentrer en Californie. Il se retrouve dans un hôtel près de la plage,le soleil couchant salue le rocher blanc,laissant la place à la lune depuis que le monde est monde. le poète en transe est prêt pour le sacrifice il est Tezcatlipoca il attend la lame d'obsidienne du prêtre qui l'immolera. Ce serait un titre pourquoi pas qui annoncerait la fin du cygne ou plutôt du roi lézard.
1907, la fille et sa soeur Maria -Luisa, sont sur le bateau qui les emmène vers un endroit qui sent la mort et la douleur, la fille entend les fantômes qui errent depuis des siècles sur le rocher blanc . Les indiens Yoeme n'en peuvent plus, les pueblos se vident, seule les grands-mères restent aux villages soignants aux passages les combattants qui résistent aux « rurales ».
1775, quatre navires du rois d'Espagne ont jeté l'ancre pas très loin du rocher blanc. Leurs buts est de cartographier la baie de San Francisco, en attendant les vents favorables et le ravitaillement. Les nouvelles recrues sont inquiets, on dit que l'endroit est hanté.
Le rocher blanc de Anna Hope est une histoire de voyage, dans quatre époques. J'ai trouvé étrange cette narration, elle fait penser à un recueil de nouvelles avec en fil rouge ce rocher blanc, mais les époques se croisent, se télescopent. Autre particularité les personnages principaux n'ont pas de prénoms, le chanteur, l'écrivaine…
Deux époques m'ont particulièrement touché qui sont reliées entre elles par l'histoire du Mexique, le peuple Yoeme et la colonisation espagnole avec ses méthodes barbares. 1775 et 1907, Deux héros que tout sépare l'une indienne l'autre espagnol,deux voix l'une pour crier la liberté et la voix de Miguel pour crier la folie.
Ce roman me laisse un goût amer, j'en attendais peut-être un peu trop, j'ai découvert une écrivaine , je n'ai pas été convaincu. une autre fois j'aurais plus de chance . Merci à la maison d'édition «  le bruit du monde « (très jolie couverture) merci à babelio pour son opération masse critique.
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En terminant "La salle de bal", je savais que je reviendrai tôt ou tard vers Anna Hope. Ça aura été finalement plus tôt que tard, puisque "Le rocher blanc" m'a fait de l'oeil lors de ma dernière visite à la bibliothèque, bien mis en évidence sur l'une des étagères. Anna Hope change ici totalement de style, tant dans la narration que sur les sujets traités.

Roman à quatre voix et se déroulant sur quatre temporalités, il y a tout de même un dénominateur commun : le Rocher blanc. Situé sur la côte nord-ouest du Mexique, il est considéré comme l'origine du monde par la tribu indienne wixárika. Lieu sacré, il est un site de pèlerinage, encore de nos jours.

2020. Alors qu'une crise sanitaire touche son pays, l'écrivaine anglaise est au Mexique, mais pas uniquement pour se documenter en vue de son prochain livre. Avec sa fille de 3 ans et son mari, elle est des pèlerins se rendant au Rocher blanc, afin d'y faire offrandes et sacrifices selon les rituels du peuple wixárika. Pour cette partie, j'ai cru comprendre que l'autrice s'était un peu servi de son histoire personnelle.

1969. Chanteur quelque peu provoquant, dont la notoriété n'est plus à faire, après un concert à Mexico avec son groupe, il se rend au Rocher blanc, seul, par un besoin de s'échapper, de couper ses liens. J'ai eu un doute sur l'identité de ce chanteur tout du long, qui m'a été finalement confirmée dans les notes de l'autrice en fin d'ouvrage. Je tairai son nom, mais je pense que les fans (ou pas d'ailleurs) auront tôt fait de le reconnaître après quelques lignes (pour ma part, je pense avoir une bonne excuse : je suis née alors qu'il était mort depuis plus de dix ans).

1907. Les Yoemem, parce qu'ils s'opposent à la dépossession de leur terre ancestrale, sont déportés par milliers, entassés dans des bateaux et débarqués en face du Rocher blanc, avant d'être vendus sur place pour la plupart des enfants, ou d'entamer une marche forcée de plus de 300 km, puis montés à bord de wagons à bestiaux, vendus comme esclaves et emmenés dans les champs de sisal. Peu d'entre eux sont arrivés à destination bien portants. Les enfants, personnes âgées et malades mouraient bien avant, souvent pendant la marche. La fille est l'une d'entre eux, avec sa soeur Maria-Luisa.

1775. Lieu sacré pour les Wixárikas, le Rocher blanc est aussi un avant-poste pour les Espagnols. C'est d'ici que partent les navires pour explorer le Ouest-Pacifique. le lieutenant est le commandant de l'un de ces navires.

Si je suis assez dubitative en ce qui concerne la conclusion de chacune de ces quatre histoires, je reste en revanche subjuguée par la jolie plume d'Anna Hope, toute en puissance, quelque peu poétique et envoûtante. Quelque soit l'époque dépeinte, elle réussit à nous y emmener. J'ai nettement préféré la partie avec la fille, beaucoup moins celle avec le chanteur. Mais dans tous les cas, on peut se rendre compte de son travail de documentation pour chaque époque relatée.

Il y règne une aura bien particulière, un peu mystique, en grande partie due aux croyances wixárikas. C'est un bout de leur histoire, à travers le temps, qu'elle nous conte, leur culture, les us et coutumes, les rituels, les différents conflits avec "l'envahisseur", les drames qui en découlent, tels que le génocide du début du XIXe siècle. Pour moi qui ne connaissais absolument rien de l'histoire de ce peuple, ce fut très enrichissant.

Je n'ai pas aimé la façon dont l'autrice a terminé l'histoire de chacun des personnages, qui m'a laissé sur ma faim à chaque fois. Si l'on peut tout de même imaginer le sort de chacun, j'ai trouvé que c'était bien trop vague, pas assez clair, peu concluant à vrai dire. J'ai trouvé également que ce qui les reliait, à savoir le Rocher blanc, était bien trop mince, pas assez consistant, rendant les quatre intrigues trop indépendantes les unes des autres.

Mais sinon, je n'ai vraiment rien d'autres à lui reprocher. C'est très très bien écrit et décrit. Les intrigues sont parfaitement bien implantées dans leur contexte historique. Les sujets abordés, et notamment tout ce qui touche au peuple wixárika, sont intéressants.

Globalement, la lecture se veut prenante, parfois même ensorcelante.
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Me voici, après la lecture du dernier roman d'Anna Hope, bien décontenancée.

Voilà un projet de roman intéressant : une unité de lieu (un rocher quasi magique) et des scènes liées à plusieurs époques dans ce même endroit. Mais …

On commence par le portrait d'une écrivaine, qui semble bien être le reflet de l'autrice elle-même. Et elle est mauvais point cette écrivaine : dotée d'une fille à qui elle passe tout (comme regarder des dessins animés sur le téléphone portable de sa Maman, mais qui ne l'a pas fait ?) et en passe de ne plus être dotée de compagnon (il semble que celui-ci prenne la tangente à l'issue de leur voyage) la voilà embarquée pour une destination improbable au Mexique, en bus, afin d'honorer une promesse faite à un chaman de suivre un rite ancestral afin de le remercier de son intervention spirituelle qui lui a permis de tomber enceinte alors qu'elle s'épuisait en tentatives vaines jusque-là.

Bon.

Mais cette femme est anglaise, elle a sa famille en Angleterre, et elle attend d'avoir du réseau pour avoir des nouvelles d'Europe. Il faut dire qu'on entend dire qu'un méchant virus sévit là-bas, et qu'il semble qu'on ne puisse plus trouver à manger dans les supermarchés.

A peine s'est-on intéressés à cette femme et à tous ses soucis, qu'on passe à la page 63 à une autre histoire. Celle d'un chanteur qui, en 1969, a fui les paparazzi et la foule qui le traque pour débarquer dans cette île au bout du monde. Et oui, vous l'avez compris : il (on découvre assez facilement qu'il s'agit de Jim Morrison) a entendu parler du fameux rocher blanc, et mise sur ce voyage improvisé pour tourner une page et préparer un nouveau départ. Mais …

Et puis on plonge page 97 dans l'histoire sans doute la plus touchante.
Nous sommes en 1907, la fille s'appelle Maria -Luisa et nous suivons la trace de cette fillette yoeme arrachée à sa terre qui s'accroche à sa soeur, mais aussi à tout ce qui la rattache à son origine et à sa culture. Il faut dire que cette tranche de l'histoire est détestable : la période de 1907 a connu il s'agit d'une atroce déportation où le peuple Yoeme s'est retrouvé vendu comme esclave dans des plantations du Yucatan avec de nombreux morts en conséquence, avec pour objectif alors de « faire de la place » aux américains.

S'il est indispensable de remettre cette période historique en visibilité pour rappeler l'horreur de la situation, Anne Hope nous la fait revivre au travers du personnage de Maria-Luisa, habitée par le personnage de sa grand-mère, et entourée de fantômes qui vont la guider dans son parcours lorsqu'elle arrive près du Rocher blanc.

Et puis on part encore en arrière, avec une histoire qui se situe en 1775 : là, 4 marins formés à la lecture de cartes marines, s'apprête à partir cartographier une partie de l'Amérique du Nord encore méconnue à cette époque. Entre eux règne un mélange de solidarité et de compétition, mais le départ va être source d'aventures imprévues au pied du Rocher blanc.

Je comprends le projet d'Anna Hope : partir d'un lieu unique, et retracé les évènements phares dans l'histoire qui ont pu s'y dérouler.
Mais je suis désolée, je n'ai pas adhéré aux différentes histoires qui nous sont comptées.

L'histoire du chanteur en compagnie de ce gamin des rues qui l'emmène chercher son alcool et sa drogue s'étire en longueur et n'en finit plus. A l'inverse on aimerait en savoir plus sur les marins et sur leurs rêves de carte marine. Ou bien encore lire un documentaire sur cette population Yoeme décimée.

Mais c'est l'écrivaine qui pose le plus de problèmes. Tout semble fichu : le couple, la famille, le virus qui advient, et même le rite en compagnie de ce chaman local semble une mascarade, un alibi pour ne pas reconnaître que tout est foutu. Il paraît – selon la Quatrième de Couverture – qu'elle réfléchit à la course du monde, et à l'écriture de son prochain roman. Je crois surtout qu'elle cherche désespérément un sujet pour son roman et qu'elle ne parvient pas à écrire.

J'avais été déjà mal à l'aise après la lecture de « Salle de bal », et je dois dire que ce « Rocher blanc » m'a bien déconcertée. Malgré les critiques louangeuses de plusieurs de mes amis Babeliotes, je reste sur ma faim, contemplant un rocher particulier face à une mer dans laquelle je n'aurais pas plongée.

Le rendez-vous avec le rocher blanc est un rendez-vous raté pour moi – dommage.
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Certains livres savent vous trouver, au détour d'une phrase, d'une histoire… C'est ce qui s'est passé avec « le rocher blanc » d'Anna Hope, autrice dont j'avais lu « le chagrin des vivants », que j'avais bien aimé, mais que j'avais trouvé un peu froid. Cette fois-ci, on quitte la fraîcheur de la Grande-Bretagne et les tourments de la Première Guerre mondiale pour partir dans la chaleur du Mexique, en pleine crise du Covid, et découvrir un roman mêlant l'intime au mystique. Comment retrouver son chemin quand on perd ses repères, quotidiens comme émotionnels ou spirituels ?

L'écrivaine, dont on comprend rapidement qu'il s'agit d'Anna Hope elle-même, se trouve ainsi au Mexique avec sa fille et son mari pour faire un pèlerinage auprès d'un mystérieux rocher blanc, lieu sacré pour les indiens wixárikas. S'ils sont là, c'est pour remercier les divinités wixárikas de leur avoir donné, à l'issue d'un premier pèlerinage en ces lieux, l'enfant que l'écrivaine et son mari attendaient en vain. Mais plus qu'une séance de gratitude, ce voyage est probablement une fuite en avant, pour ne plus penser à un mariage en plein effondrement, à cette effrayante perte de sens qu'elle ressent, aggravée par la perception que l'humanité court à sa perte, frappée par la crise climatique aussi bien que sanitaire. Une humanité qui n'a fait que piller et exploiter ce rocher blanc et les peuples indigènes qui lui rendaient un culte, comme elle l'a découvert lors des recherches préparatoires au roman destiné à garder une trace de ce périple, la rendant coupable des mêmes faits : « Et puis elle, pourquoi est-elle là si ce n'est pour exploiter, elle aussi ? Prendre la matière brute de l'histoire, la douleur, les conflits et les pertes incalculables, pour les modeler en un récit, l'espoir d'un profit. Pas moins vénal. Pas moins avide que ceux qui sont venus en ces lieux il y a trois, quatre, cinq cents ans, à la recherche d'or ».

Outre son histoire personnelle, le roman fait de la place, par le biais de chapitres séparés, à plusieurs voix différentes ayant toutes le rocher blanc en commun : celle d'un chanteur légendaire qui tente d'échapper au début des années 1970 à son trop-plein de célébrité dans un hôtel au bord de la plage du rocher blanc, et qui traverse, à l'instar de l'écrivaine, une crise existentielle et mystique, le lieutenant d'une flotte espagnole du XVIIIe siècle qui a eu une épiphanie au bord du rocher blanc concernant la cruauté de la colonisation, laquelle écrase les peuples indigènes et leurs croyances supérieures à la vanité impérialiste, et une jeune fille yoeme et sa soeur, déportées et réduites en esclavage au début du xxe siècle par les Mexicains, car cette tribu refusait que sa terre ancestrale et son eau soit exploitées au profit des Américains. le rocher blanc étant le point de départ d'une longue marche qui devait les mener aux champs de sisal où elles se tueraient à la tâche.

Des histoires de douleur, de perte de sens, confrontées à une folie destructrice, que celle-ci vienne de leurs auteurs ou qu'ils en soient les victimes. Toutes trahissent le pouvoir de ce rocher blanc, qui semble galvaniser les émotions négatives qui traversent les humains à son approche. Chaque narrateur ressent ainsi du désespoir à proximité de ce bloc de pierre, lui-même assoiffé de réparation face à l'exploitation dont il est la victime depuis plusieurs siècles.

J'ai été émue par ces histoires enchâssées, particulièrement celles de l'écrivaines et des jeunes filles yoeme. Ces femmes perdues face à un destin qu'elles ne maîtrisent pas ou plus, mais sur lequel elles tentent de reprendre le dessus à leur manière (même si on ne va pas se mentir, l'écrivaine est dans des meilleures dispositions pour s'en sortir). Un beau roman qui nous rappelle encore une fois que l'humanité est capable du pire quand il s'agit de faire du profit, quitte à faire disparaître toute notion de sens et de croyance, fussent-ils ancestraux…
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L'auteure revisite à sa manière l'histoire de la civilisation occidentale à travers quatre trajectoires faisant écho aux rêves démesurés des hommes et à leur folie.

C'est mon quatrième livre de cette auteure:

Qu'est ce qui rassemble cette petite dizaine d'individus originaires des quatre coins du monde et comment se sont - ils retrouvés dans un minibus filant sur une autoroute mexicaine , en compagnie d'un chamane ? .

Un rocher blanc captivant , un rocher dans l'océan où les indiens disent que «  le monde est né » un lieu mystique et sacré .

S'il débute en 2020, le récit nous entraîne ensuite dans le passé, à la rencontre de femmes et d'hommes ayant tous un lien avec ce Rocher Blanc . .
Ce minibus transporte des enfants , des femmes de toute nationalité : parmi eux , à son bord : une écrivaine en pèlerinage avec son mari et sa fille, pour rendre grâce de la naissance de l'enfant : «  Donner leurs offrandes à l'océan : ces calebasses en bois, ces bougies qu'ils transportent depuis des jours et des jours ,Demander protection . Remercier. Ce n'est pas grand- chose. C'est le moins , vraiment , qu'elle puisse faire » ….

Quelques décennies plus tôt , en 1969, un chanteur était , lui aussi en quête du Rocher Blanc , littéralement usé par une gloire factice, l'adoration de ses fans, la pression extrême de leur désir à tous, il espère se perdre à défaut de se trouver.

Au début du XX° siècle, en 1907, c'est une jeune fille enlevée à la terre de ses ancêtres, arrachée , capturée pour laisser la place à des entrepreneurs capitalistes américains et mexicains .
Elle est débarquée comme des milliers de Yoemem, face au Rocher Blanc .

Enfin en 1773, un jeune homme perd la tête alors que son bateau est à l'ancre à côté du fameux rocher blanc , mystique et sacré .

Ces quatre destins entrelacés sur quatre siècles se répondent aimantés par ce lieu unique et magique auquel la tribu des Wixarikas attribuait des pouvoirs extraordinaires: le Rocher Blanc .

L'auteure , en remontant le fil du temps décrit la folie des hommes ,elle déploie un roman polyphonique, en arrière - plan des trajectoires particulières , individuelles , elle s'attache aux tragédies dramatiques liées à la colonisation et au génocide des peuples autochtones .

Elle réfléchit et épouse à sa manière humaine et bienveillante , chacune des quatre époques .
C'est un récit troublant , une odyssée empreinte de regrets et d'espoir qui montre que de tout temps l'humanité fut contrainte de surmonter catastrophes , fléaux , faillites , élans contradictoires des destinées , ainsi. qu'une certaine folie des hommes dans leur entreprise de conquête .

Je dois dire que je n'ai pas pris autant de plaisir à le lire que les précédents : ( entre autres difficultés à entrer dedans) : «  Nos espérances » en 2020., «  La salle de bal » et «  le Chagrin des vivants » ,vraiment appréciés ….

Mais ce n'est que mon humble avis , bien sûr , comme toujours …
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L'écrivaine, le chanteur, l'esclave et le conquistador

Au large de San Blas, sur la côte pacifique du Mexique, un rocher blanc fascine les voyageurs depuis des siècles. Dans ce roman choral Anna Hope convoque quatre voyageurs à quatre époques différentes pour décrypter la magie du lieu.

Il y a plusieurs façons de résumer ce roman. On peut ainsi commencer de façon chronologique, comme un générique. Par ordre d'apparition, on va ainsi croiser une romancière qui, après la naissance d'un enfant qu'elle a mis plusieurs années à attendre, se rend avec son mari et sa fille au Mexique jusqu'au Rocher blanc. Ils s'agit pour le couple d'honorer la promesse faite au chaman qui leur a permis d'enfanter. Nous sommes en 2020, et alors qu'une pandémie s'abat sur le monde, ils vont essayer de se retrouver entre autochtones et groupes New Age.
Puis on remonte dans le temps jusqu'en 1969. C'est à ce moment que l'on va croiser un chanteur qui lui aussi traverse une crise existentielle. Il pense trouver une réponse à ses questions dans un hôtel proche de la mer et du rocher blanc.
En poursuivant ce voyage dans le temps, on remonte en 1907, alors que le trafic d'êtres humains était florissant. Les Yoeme, un peuple amérindien, est alors quasiment décimé par les esclavagistes qui n'hésitent pas à séparer les familles et à épuiser les plus résistants. Avec sa soeur blessée, notre troisième protagoniste va tenter de survivre à quelques encablures du rocher blanc.
Nous arrivons enfin en 1775, lorsqu'un navire arrive d'Espagne. En face du rocher blanc, un lieutenant va sombrer dans la folie et déstabiliser toute l'expédition.
Mais on peut aussi choisir le résumé géographique et parler de ce lieu inspiré. Car le rocher blanc existe bel et bien. On le trouve à la pointe sud du golfe du Mexique, du côté de San Blas. S'il fascine tant depuis des siècles, c'est parce que le «Tatéi Haramara» est un lieu sacré. Selon la tribu Wixárika, le rocher a été le premier objet solide à émerger de l'eau. Il serait donc à l'origine de toute vie et est devenu pour les descendants de cette tribu, mais aussi pour de nombreux autres adeptes, un lieu de pèlerinage pour offrir des sacrifices et rendre grâce.
Anne Hope a toujours la même dextérité lorsqu'il s'agit de construire ses histoires. C'est ainsi qu'elle joue ici de la temporalité et des quatre récits en effectuant des allers-retours jusqu'à boucler le livre comme elle l'avait commencé, avec l'écrivaine qu'il n'est pas usurpé de confondre avec la romancière puisqu'elle a avoué avoir effectué ce même parcours. C'est alors qu'elle se documentait sur le rocher blanc qu'elle avait promis d'aller voir avec son mari et sa fille qu'elle a découvert la magie du lieu et ces histoires, toutes basées sur des faits réels.
On pourra par conséquent faire une troisième lecture de ce très riche livre, celle qui explore le sacré. À travers l'épopée des différents personnages, on retrouve en effet les thèmes de la quête spirituelle et de la recherche de sens. Après l'appropriation, le pillage de la nature pillée, voire sa destruction, le besoin de rédemption et l'envie de croire à une possible guérison émergent. L'espoir d'une nature qui retrouverait sa puissance originelle, servie par des humains reconnaissants.


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Un rocher blanc. Quatre histoires, quatre périodes de l'Histoire.

Celle de l'écrivaine, qui n'est autre qu'Anna Hope elle-même et qui se passe en 2020.
Celle du chanteur ( Jim Morrison) se déroulant en 1969, deux ans avant sa mort.
Celle de la fille, une jeune Yoeme, indigène amérindienne, victime de déportation en 1907.
Celle du lieutenant, à la tête d'une flotte espagnole, en 1775.

J'ai d'abord été très emballée par cette narration particulière présentant les histoires les unes après les autres et qui n'ont que pour seul point commun de se dérouler au Mexique et de focaliser sur le Rocher blanc.
Le Rocher blanc y apparaît comme élément immuable au temps, comme témoin de la folie des hommes et des choix cornéliens que chacun des personnages devra faire.

L'écrivaine doit-elle tenter de sauver son mariage déjà bien enlisé ?
Le chanteur doit-il fuir la notoriété pour retrouver la liberté ?
La fille doit-elle s'échapper de l'enfer et laisser mourir sa soeur blessée ?
Le lieutenant doit-il condamner son acolyte devenu fou ?

Autant de questions, de tourments qui assaillent ces quatre personnages chacun en prise avec une existence précaire et douloureuse. Pour chacun, le Rocher blanc marque la fin des doutes et une prise de décision qui influencera irrémédiablement leur destin.
Les Indiens ne disent-ils pas justement que c'est ici qu'eut lieu l'origine de la vie ?

Je me suis prise d'engouement pour chacun des personnages et pour leur destin plus ou moins tragique. Chacune m'a touchée différemment ; c'est surtout celle de la fille Yoeme qui m'a le plus captivée.
Une lecture captivante donc, mais qui s'est peu à peu émoussée à partir de la deuxième partie. Je crois qu'il y avait comme un goût d'inachevé à ces quatre histoires, qui, s'apparentent finalement à des nouvelles, genre littéraire que j'affectionne peu.

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Roman sans pretention que notre écrivaine fait démarrer et finir par un épisode de sa propre vie : remercier le Rocher blanc de la naissance de sa fille. Ce Rocher blanc est situé au Mexique et serait selon certaines traditions l'origine du Monde. En racontant quatre périodes différentes de l'histoire, on se retrouve au croisement de quatre destinées qui se voit rappeler ce qui est essentiel, écouter l'âme du monde et les esprits anciens, respecter les végétaux ou cesser l'esprit de conquête ou de compétition... autant de préoccupations qui font écho à nos sociétés : le sens de tout cela est-ce simplement de détruire ? Et quel héritage à nos enfants ? Notre autrice nous rappelle à nouveau dans ce nouveau livre (mais autrement), ce que l'Homme fait à l'Homme, sans parler à la Nature. C'est toujours surprenant que dans les notes finales elle soit obligée de se justifier et d'expliquer ses choix sur les peuplades mexicaines pour éviter les procès d'intention de ce truc horrible et très américain qu'on appelle appropriation culturelle !
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