AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Marielle Dorsinville (Traducteur)
EAN : 9782290305461
229 pages
J'ai lu (30/09/2001)
2.88/5   4 notes
Résumé :
La Ronde des esprits nous immerge d'emblée dans un Toronto exsangue, laissé à l'abandon par ses dirigeants depuis de sanglantes émeutes. Ti-Jeanne, mère d'un bébé qui n'a pas de nom, y vit chez sa grand-mère rebouteuse, Mami Gros-Jeanne, installée dans un ancien crématoire transformé en ferme et en herboristerie, et qui soigne parfois aussi à coup d'antibiotiques. Quand Ti-Jeanne tente d'aider son ex-petit ami Tony, qui s'est mis dans de sales draps, Mami le cache t... >Voir plus
Que lire après Le Ronde des espritsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Toronto est devenue une espèce de métropole sans gouvernement, assiégée par le Canada. le crime organisé y règne en maître.

Mais voilà que la Première Ministre a besoin d'une greffe du coeur. Plutôt que d'attendre, elle décide d'envoyer quelqu'un lui en trouver un dans Toronto, où aucune loi ne s'applique.

La Ronde des Esprits suit donc une palette de personnages dans la communauté antillaise torontoise. Ti-Jeanne est élevée par sa grand-mère, la sorcière-guérisseuse du quartier. Elle voudrait vivre ses amours compliqués tranquilles, mais être doit impérativement apprendre à servir les esprits pour ne pas devenir folle comme sa mère.

Ce roman construit un univers très original, surtout considérant qu'il a été publié bien avant la vague d'afrofuturisme que l'on connaît maintenant.

La plume n'est par contre pas très fluide. J'ignore si la traduction est à blâmer ou si c'est simplement qu'il s'agit du premier roman d'Hopkinson. J'ai lu d'autres textes de l'autrice et ils se lisaient très bien.

Certains traits de personnages et retournements de l'intrigue sont un peu éculés. On a l'adolescente qui craque chaque fois que le voyou qui ne la mérite pas lui fait les beaux yeux. La grand-mère si veut contrôler sa petite fille, mais pour son bien. L'antagoniste qui cherche le pouvoir et l'immortalité. Les enfants de la rue, voleurs aux grands coeurs, etc.

Ça reste tout de même une lecture intéressante et plutôt courte. L'exploration de la communauté et de sa spiritualité en vaut quand même la lecture.
Commenter  J’apprécie          381
Au centre d'une Toronto du futur livrée à la pauvreté et au vaudou mafieux, une résistance magnifique, joliment incongrue et diablement biopolitique. Un grand roman précurseur, en 1998.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/23/note-de-lecture-la-ronde-des-esprits-nalo-hopkinson/

Dans ce futur proche, le centre ville de Toronto a été abandonné par les riches et les nantis, repliés sur les cossues banlieues environnantes, et ceint de barrières, obstacles et autres contrôles policiers, laissant les pauvres se débrouiller entre eux sous la coupe de Rudy, un seigneur du crime, appuyé par quelques pactes particulièrement obscurs avec de sombres puissances de la magie religieuse caribéenne.

Pourtant, au coeur du ghetto, il ne reste pas que des membres de gang, des criminels et des délinquants : des personnes ordinaires, infra-ordinaires ou presque ordinaires vivent aussi là, essayant de s'en sortir sans nécessairement écraser leurs voisines et voisins. Ti-Jeanne est de celles-là, essayant d'élever son bébé, seule avec sa grand-mère Mami Gros-Jeanne – soigneuse réputée et grande initiée aux mystères du vaudou haïtien et des îles voisines -, depuis la disparition de sa mère, Mi-Jeanne, quelques années plus tôt. Que le père de l'enfant, enrôlé pour ainsi dire malgré lui dans la clique de Rudy du fait de sa propre addiction, tente avec insistance de renouer avec elle : voilà l'un de ses soucis du moment.

Lorsque, suite à un calcul électoral à plusieurs bandes, la gouverneure de l'Ontario décide que la greffe habituellement pratiquée d'un coeur animal, pour soigner en urgence la défaillance du sien, ne fera pas l'affaire, et qu'il lui faut un donneur humain, c'est à Rudy et à ses troupes mal famées qu'échoit ce contrat pas encore tout à fait faustien. Mais cette quête met alors en branle un bon nombre de trajectoires de collision, aussi gravement périlleuses que potentiellement savoureuses.

Publié en 1998, le premier roman de la Canado-Jamaïcaine Nalo Hopkinson fut aussitôt récompensé par le prix Locus (du meilleur premier roman), et marquait ainsi l'entrée en science-fiction et en littérature d'une voix forte et singulière, que seuls des soucis de santé récurrents auront parfois tenue quelque peu à l'écart du succès public et de la reconnaissance qu'elle méritait. Son absence quasi-totale du paysage français demeure surprenante (si l'on excepte la belle initiative des éditions Goater avec le mélange nouvelles et brefs essais de « En direct de la planète Minuit », et bien sûr, l'inspiration authentique que l'on trouve à son propos dans l'indispensable « le Futur au pluriel » de Ketty Steward) : la piètre qualité de la traduction effectuée par Marielle Dorsinville en 2001 pour J'ai Lu n'explique pas totalement cette coupable désaffection de par chez nous.

Totalement imprégnée de culture orale jamaïcaine (scandée au fil du roman par les épigraphes venant de chansons, de comptines (les « Confessions d'une séancière » de Ketty Steward, encore elle, ne sont parfois pas si loin) ou de chez le grand Derek Walcott de « Omeros » ou, surtout, de « Ti-Jean et ses frères »), construisant une enclave déshéritée livrée au capitalisme mafieux (souvenons-nous de la « Chicago-Ballade » de Hans Magnus Enzensberger) et aux solidarités de résistance (un motif que Sabrina Calvo saura retourner à merveille, à Montréal et à Belleville, dans son « Toxoplasma » et son « Melmoth furieux ») – et qui n'est pas non plus totalement étranger au beau « L'avenir » de Catherine Leroux), Nalo Hopkinson tisse une trame serrée, inscrite dans un univers post-cyberpunk (qui transcende comme naturellement l'usage des loas pratiqué par William Gibson au sein de sa trilogie « Neuromancien ») qui sait aussi se souvenir des trafics humains situés au coeur du « Jack Barron et l'éternité » du grand précurseur (de tant de choses) Norman Spinrad.

Comme le notaient aussi bien Gerard Aching (« Masking and Power: Carnival and Popular Culture in the Caribbean », 2002) que Anne-Margaret Castro (« The Sacred Act of Reading : Spirituality, Performance and Power in Afro-Diasporic Literature », 2020), Nalo Hopkinson, en organisant ses jeux de masques, de surveillances et de contre-surveillances au sein d'un redoutable ballet d'incarnations et de présences des corps hantés, construit sous nos yeux, simultanément, une biopolitique en tous points foucaldienne aussi bien qu'une contre-narration résonnant fortement avec celles de John Keene. Et c'est ainsi que naît ici un ouvrage déterminant pour la science-fiction en particulier et pour la littérature en général.
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La ferme Riverdale avait été un espace récréatif, propriété de la ville ; une ferme active, réplique du modèle précédent qui avait occupé ces terres au XIXe siècle. Les Torontoniens avaient l’habitude de s’y rendre pour regarder les fermiers traire les vaches et ramasser les œufs des poules. La maison Simpson n’était pas une vraie maison, seulement une façade que le Département des Parcs avait construite pour ressembler à la ferme originelle. Il y avait un perron qui donnait accès à un court vestibule. À gauche et à droite du vestibule se trouvaient deux petites pièces où l’équipe de Riverdale dirigeait des ateliers de tricot et de broderie. Mami utilisait la pièce de droite avec sa cheminée comme salon et salle à manger ; celle de gauche constituait la salle d’examen. À l’étage, les deux bureaux qui s’y trouvaient avaient été convertis en chambres à coucher : une pour elle, et l’autre pour Ti-Jeanne et Mi-Jeanne. Depuis que Mi-Jeanne était partie, Ti-Jeanne partageait sa chambre avec son petit garçon. Les pièces arrière de la maison avaient servi de toilettes publiques pour hommes et femmes ; mais elles n’étaient plus utilisées dans une ville dorénavant privée de système d’égout. Les fidèles de Mami avaient construit une fosse d’aisance à l’extérieur et ils avaient converti les toilettes en chambre froide et en cuisine aérée, où elle préparait les repas sur un four à bois que quelqu’un lui avait apporté.
– Tu m’écoutes, Ti-Jeanne ? Pour les démangeaisons des pieds, tu dois écraser de l’ail, le mélanger avec du gros sel et appliquer le tout entre les orteils. Cela règle le problème.
Mami Gros-Jeanne veillait constamment à instruire Ti-Jeanne sur son travail de guérisseuse.
– Oui, Mami.
– Cette portion-là, c’est pour Papa Butler. Il viendra la prendre dimanche. J’ai dit à cet homme qu’il devait laver ses pieds chaque jour. Il porte la même paire de chaussettes puantes de septembre à juin. Imbécilité !
– Oui, Mami.
– Et qu’est-ce que l’on met sur une coupure pour la guérir ?
Merde ! Encore un de ces tests imprévus de Mami.
– Ah, de l’aloès ?
– Et si on ne peut pas trouver de l’aloès ? Quelle est la plante canadienne qui la remplace ?
Merde encore ! C’était une plante portant le nom d’une plante tropicale, mais ce n’était pas la même chose. Quoi, quoi ? Ah, oui :
– Feuille de banane verte.
Sa grand-mère grogna. Ti-Jeanne avait donné la bonne réponse, mais ce grognement serait sa seule note de passage. Elle soupira de dépit.
– Et contre le mal de tête ?
Cette question-là était facile.
– De l’écorce de saule.
Tony avait taquiné une fois Ti-Jeanne au sujet de sa grand-mère :
– Qu’est-ce que cette vieille folle fait là sur la ferme Riverdale, hein, Ti-Jeanne ? De l’Obeah ? Personne ne croit plus à ces histoires d’esprits !
– Il ne s’agit pas d’Obeah, Tony ! Mami est une guérisseuse, une voyante ! Elle fait du bien, non pas du mal !
Mais Ti-Jeanne n’en était pas convaincue elle-même. Il y avait ces sons de tambour qui provenaient du crématoire de la chapelle tard au cours de la nuit. Les gémissements et les cris des fidèles. Le sang coagulé sur le plancher du crématoire le matin, mélangé au maïs concassé. Il était évident que des gens autres que Mami croyaient encore à ces « histoires d’esprits ».
Ti-Jeanne ne croyait pas tellement aux remèdes fokloriques de Mami. Parfois les herbes conservées durant les longs et pénibles hivers de Toronto perdaient leur efficacité. Et on n’avait alors plus qu’à trouver le bon dosage. Par exemple, l’écorce de saule était un bon calmant, mais une surdose provoquait des saignements internes. Ti-Jeanne aurait préféré l’utilisation des remèdes commerciaux. Elles pouvaient toujours s’en procurer, et avec sa formation d’infirmière Mami savait comment les prescrire. On lui apportait presque chaque jour de ces produits pillés dans les pharmacies pendant les Émeutes qui eurent lieu lorsque la ville en banqueroute avait licencié son corps de police. Les gens n’avaient aucune idée de la signification des étiquettes en matin sur les paquets ; ils pensaient seulement qu’ils seraient appréciés équitablement par Mami en échange des soins qu’elle leur prodiguait.
Elle avait accumulé tout un stock d’antibiotiques et de calmants ; Ti-Jeanne ne comprenait donc pas pourquoi Mami persistait à tenter de lui enseigner toute cette panoplie de vieilles recettes. Si Mami ne savait pas comment guérir quelque chose, elle pouvait trouver les renseignements dans un de ces livres médicaux qui s’empilaient le long des murs de la maisonnette.
Commenter  J’apprécie          00
Aussitôt qu’il entra dans la pièce, Baines s’époumona :
– Trouvez-nous un cœur humain convenable, vite !
– Tonnerre de Dieu ! jura Rudy, estomaqué. Rien que ça ?
Il dévisagea l’employé effrayé de l’hôpital des greffes de l’Ange de la Miséricorde, situé près de Feu. À l’évidence, Douglas Baines ne s’était jamais aventuré auparavant dans le quartier de Rudy. L’individu rondelet s’était présenté vêtu d’un manteau pare-balles de mauvaise qualité qui traînait par terre, et dont le gabarit en tonneau étirait les boutonnières. Il avait l’air idiot, et il semblait le savoir.
Rudy regarda Baines rendre le manteau pare-balles à Melba. Il portait un veston mal coupé et une chemise blanche miteuse bon marché. Rudy balaya du revers de la main un duvet inexistant sur la manche de son propre complet de laine fait sur mesure. L’absence évidente de protection traduisait son propre message. Le patron était sans doute protégé par d’autres moyens.
– Assieds-toi, l’ami.
D’un mouvement du menton, Rudy indiquait le siège en plastique dur de l’autre côté de son bureau. Son siège à lui était un fauteuil confortable rembourré en cuir, couleur d’ébène.
Baines s’installa en tambourinant nerveusement sur l’étui de son agenda électronique.
– Nous avons besoin d’un cœur, répéta-t-il. C’est… Comment dire… pour une expérience. Nous espérons que vos gens puissent nous aider à en dénicher un.
Quelque chose semblait clocher pour Rudy.
– Et pourquoi n’utilisez-vous pas le cœur d’une truie ? N’est-ce pas pour ça que vous élevez des cochons dans les fermes ?
– Oui, bien sûr, le Programme de Récolte des organes porcins a révolutionné la technologie des greffes humaines…
Hé hé, il baragouine le jargon officiel, se dit Rudy. À la façon qu’il a d’utiliser des mots ronflants, ça doit être quelque chose de gros. Rudy s’accouda sur son bureau et déplia ses doigts en faisant miroiter l’anneau d’or qu’il portait au pouce.
– Je t’écoute.
– Eh bien, je crains que le matériel porcin ne fasse pas l’affaire dans ce cas. Question d’éthique, vous comprenez ?
Dès qu’il entendit le mot « éthique », Rudy fut tout à fait convaincu qu’il savait de quoi il était question. L’homme répétait les paroles de quelqu’un d’autre. Rudy fit un sourire triomphal à Baines.
– Il s’agit d’Uttley, n’est-ce pas ? Vous cherchez une greffe du cœur pour elle, et elle ne veut pas que vous lui mettiez du cochon dans le corps ?
– Du cochon ?
– Du cochon.
Baines paraissait troublé, puis d’un air résigné il haussa les épaules :
– Foutre ! Je déteste ça. Je ne veux que faire mon boulot, vous savez ?
Rudy regardait Baines calmement, ce qui le mettait de plus en plus mal à l’aise.
– Tout ceci restera entre nous, bien sûr ? bredouilla Baines.
– Mmmmm.
– Ben, ouais, il s’agit de Madame le Premier ministre Uttley, en effet. Elle exige un donneur humain. Elle dit que les fermes d’organes porcins sont immorales. Vous connaissez le refrain : la greffe d’organe humain devrait relever du secours d’un humain à un autre, et non pas de l’exploitation de créatures innocentes, tra-la-la, tra-la-la… Elle demeure persuadée que si elle doit recevoir un nouveau cœur, il lui sera donné par la population. Mais bon, elle se fourre le doigt dans l’œil : presque personne au monde ne dirige des programmes de donneurs volontaires de nos jours.
Mais sa position lui vaut l’appui des électeurs. Les sondages penchent en sa faveur depuis qu’elle a lancé cette histoire de « Créatures de Dieu ». Elle pourrait même être reconduite à son poste l’année prochaine. Et il semble bien qu’elle ne veuille rien laisser au hasard, non plus.
En tout cas, quelqu’un se démène royalement en douce pour que les hôpitaux obtiennent un cœur humain pour elle. Cela amènerait de bonnes affaires pour l’Ange de la Miséricorde si nous étions celui-là. Ça nous filerait un sacré coup de main !
Rudy se replia derrière un masque d’ennui.
– Et en quoi ça peut bien nous concerner ? Notre meute n’a rien à foutre avec la politique. C’est nous qui contrôlons les choses maintenant.
C’était vrai. Le gouvernement avait abandonné le centre-ville du Toronto Métropolitain, et cela convenait parfaitement à Rudy.
Commenter  J’apprécie          00
Ti-Jeanne voyait au-delà des apparences. Parfois, elle pressentait comment quelqu’un allait mourir. Quand elle fermait les yeux, elle se rappelait les comptines que sa grand-mère lui chantait. Des images dansaient sur l’air de ces chansons : le corps de celui-ci tressautait sous une rafale de feu et de sang ; celui-là se tordait alors que des crampes d’estomac réduisaient ses intestins en bouillie. Ces morts étaient toujours violentes. Ti-Jeanne détestait ces visions.
Au rythme des balancements du cyclo-pousse, elle tenait Bébé, entourant sa petite tête d’une main pour la protéger des soubresauts. Indifférent au mouvement cahotant du cyclo-pousse, Bébé essayait de sucer son pouce. Ti-Jeanne retint sa main pour y glisser une petite mitaine bleue.
– La rue Sherbourne, au coin de Carlton, dit-elle au conducteur.
– Pas de problème, madame, répondit-il d’un ton essoufflé. Vous ne pensez pas que je me dirigerais vers Feu, quand même !
Le cyclo-pousse atteignit l’intersection des rues Sherbourne et Carlton en peu de temps. Ti-Jeanne descendit, prit le bébé et le paquet sous son bras, et paya la course. Elle ferait le reste de la route à pied, en direction de la cour des baumes de la vieille ferme Riverdale dans laquelle sa grand-mère avait emménagé.
Le conducteur s’en alla rapidement, sans attendre d’autres clients. Poltron, se dit Ti-Jeanne tout bas. On était en sécurité tout de même, de ce côté-ci de Feu. Les trois pasteurs des églises coréenne, unie et catholique qui encerclaient le coin s’étaient entendus pour prendre le contrôle de la plupart des édifices depuis ce carrefour jusqu’à l’ouest de la rue Ontario. Ils s’occupaient des gens de la rue avec fermeté, protégeant leurs ouailles et leur territoire avec des battes de base-ball si nécessaire.
Ti-Jeanne frissonna dans l’air frais d’octobre et hissa Bébé plus haut sur sa hanche. Le paquet qu’elle transportait contenait quatre livres rongés par les vers et retenus par un lacet. Sa grand-mère serait contente d’apprendre ce qu’elle avait eu en échange de l’onguent contre l’eczéma. Lorsqu’elle s’était présentée pour livrer le médicament, elle avait trouvé M. Reed, qui s’était institué bibliothécaire de la ville, juché au dernier échelon d’un escabeau dans le vestibule de la vieille bibliothèque Parkdale. Il collait des découpures de journaux sur le tableau d’affichage.
– Hé, Ti-Jeanne, que penses-tu de mon étalage ?
Il était descendu de son escabeau et le déplaça pour qu’elle puisse mieux voir son oeuvre. Au haut du tableau elle lut un message écrit à la main : « Toronto ou la création d’un trou de beigne. »
Il avait découpé des manchettes de journaux datant de douze, treize ans, et les avait collées par ordre chronologique.
– Que voulez-vous dire par « trou de beigne » ? lui demanda Ti-Jeanne.
– C’est ce que l’on dit lorsqu’un centre-ville s’effondre et que les gens s’enfuient vers les banlieues, répondit-il. Juste un petit peu d’histoire. Vous aimez ça ? […]
« C’est bien », dit Ti-Jeanne avec hésitation, ne sachant pas trop quoi dire à l’homme. Tout cela était une vieille histoire. Qui s’en préoccupait encore ? Elle lui avait donné son médicament. En retour, il avait farfouillé dans ses tas de livres et déniché une encyclopédie de symptômes médicaux, deux livres de jardinage, et là… la trouvaille : Les Plantes sauvages des Caraïbes et leurs usages.
Commenter  J’apprécie          00

Video de Nalo Hopkinson (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nalo Hopkinson
Nalo Hopkinson: 2012 National Book Festival
autres livres classés : cyberpunkVoir plus


Lecteurs (18) Voir plus




{* *}