Sous ce titre un peu énigmatique, se cache une vraie perle: un traité sur la transmission des valeurs d'une génération à l'autre, plus particulièrement dans le judaïsme. Pour cela, l'auteur nous convie à la relecture des textes fondateurs de la Genèse. Cela nous déplace quelque peu, mais c'est très vivifiant.
Ce livre n'est pas destiné uniquement à des Juifs pratiquants. Il peut se lire par tout un chacun et son humour fait qu'il n'est jamais ennuyeux.
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En passant par les frères ennemis Abel et Caïn ou encore le rite de la circoncision, Delphine Horvilleur se change en première de cordée, pédagogue passionnée.
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Le féminin lui pose problème en tant que figure de l'altérité par excellence. Il est le genre qui interroge la norme et pose la question qui menace tous le dogmes : es-tu capable de faire de la place à autrui ? [...] Le féminin dérange parce qu'il est celui qui s'ouvre, et fait en lui de la place pour être fécondé par un extérieur à lui.
p.180
Les textes religieux crient : « Interprète-moi ! Fertilise-moi de ta lecture et ne me stérilise pas d'interprétations passées. » Nul ne peut prier un «Dieu matriciel » s'il ne sait faire de la place dans son monde et dans son livre à des voix nouvelles, celles d'hommes et de femmes dont la parole est fécondante, porteuse de vie.
Ce qui unit les juifs à travers les générations n'est pas pas une génétique, ni une croyance, ni une pratique, c'est un rapport au Texte qui leur sert de matrice. Ce judaïsme matriciel abrite à chaque génération des extensions de sens.
Les hommes violents de l'histoire biblique ont en commun d'être les fils de femmes blessées ou mal aimées. Ces hommes portent la pleine responsabilité de leurs actes, mais ils sont aussi chargés d'une douleur maternelle qui semble puissamment nourrir leur rage. Tout comme Caïn, «s'ils s'améliorent, ils se relèveront ». Il existe pour eux une voie de résilience qui passe par la sortie d'un mutisme hérité. Il leur revient de trouver les moyens d'anéantir en eux cette colère matricielle, tapie à l'ouverture. Mais apaisera-t-on jamais la colère des fils sans soigner la douleur des mères ?
Telle est l'ambiguïté de la transmission : ne pas appartenir condamne à mourir, et trop appartenir, à ne jamais devenir soi. La conscience d'une appartenance peut créer un sentiment de continuité et de lien entre les générations. Mais elle peut aussi se faire pesante et empêcher l'émergence d'un individu accablé par le poids de son héritage.
Face au fantasme de non-appartenance de certains, il en est un autre qui menace aujourd'hui notre société : celui du repli identitaire et son obsession du collectif. Le communautarisme et le nationalisme en sont des enfants légitimes.
L'expérience intra-utérine décrite par les rabbins est plus qu'une vie "avant la vie", elle n'est pas qu'un monde en construction, mais plutôt un univers très abouti. Le foetus y est un être savant, parlant, débattant et argumentant _ un individu qui non seulement sait déjà quelque chose, mais sait mieux et plus que les sages eux-mêmes ! C'est ce que décrit le Talmud lorsqu'il décrit ainsi la vie embryonnaire : " Dans le ventre de sa mère, l'enfant à naître est replié comme un carnet de notes."
p.126
« Comment ça va pas ? » de Delphine Horvilleur lu par l'autrice l Livre audio