Comment parler de la mort sans la mettre en scène, sans faire mourir un personnage ou animal familier ?
Comment parler de la mort sans être morbide ni triste, mais avec une joyeuse dérision ?
Comment montrer la mort sans plomber les illustrations mais en les faisant pétiller de couleurs et de fantaisie ?
Comment aborder avec légèreté un sujet grave ?
Je pourrais continuer longtemps, évoquer les allusions aux divers courants philosophiques et religieux, aux habitudes culturelles et à la symbolique entourant la mort, mais je préfère souligner la qualité majeure de cet album : dédramatiser, avec finesse, ironie et humour, la mort et toutes les questions et angoisses qu'elle suscite. La description de l'enfer est particulièrement exemplative de cette qualité : délirante, gore, drolatique, avec une chute propre à désamorcer toutes les terreurs.
L'humour noir et l'esprit de connaissance se mêlent à la bienveillance et l'empathie pour enrichir le texte : il accumule aussi bien des informations vérifiables, que des clins d'oeil, ou bien quelques réflexions plus larges, propres à nourrir le débat : « Nous avons beau baptiser les tempêtes et donner des prénoms aux ouragans, nous ne sommes que de petites choses fragiles et impuissantes face à ces géants en colère. »
Au début de ma lecture, j'étais un peu agacée par les petites notes « le saviez-vous » en bas de page, mais j'ai fini par les apprécier car elles contribuent au côté encyclopédique décalé de cet album. On y trouve en effet tous les symboles, personnages, objets, imagerie, traditionnels ou non, associés à la mort
Fidèle à sa manière, désormais bien connue,
Emmanuelle Houdart nous offre de somptueuses illustrations ultra-détaillées, acidulées, oniriques, à même de séduire un public très diversifié. D'aucuns en apprécieront l'élégance ou la fantaisie, d'autres les merveilleux camaïeux de couleurs dont elle a le secret.
Et la conclusion, gourmandise à la fraise, formule de manière tout simple l'angoisse existentielle partagée par la majorité et propose d'y faire face joyeusement, d'apprécier d'autant plus la vie que l'on a réfléchi à la mort.
Cet album est décidément «
mortel », comme disent – ou disaient – les jeunes !