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EAN : 9782290045763
160 pages
J'ai lu (04/01/1999)
3.66/5   2793 notes
Résumé :
Ville de banlieue, chambre anonyme, petit travail, salaire correct, peu d'intérêt, pas d'amis, de vagues relations. Aucune envie, plus de désir, quelques habitudes. C'est tout un monde de désespoir et de non-sens qui s'ouvre en même temps que commence ce roman des perdants et des abandonnés, ceux qui ont érigé la routine en mode de vie, le renoncement en principe, le défaitisme en valeur.

On pourrait en rester là : mais l'auteur va tellement loin dan... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (189) Voir plus Ajouter une critique
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sur 2793 notes
Dire qu'un livre comme Extension du domaine de la lutte est brillant est à faire désespérer du niveau culturel actuel, à se demander très sérieusement si les gens sont encore capables d'une once d'esprit critique en dépit du matraquage médiatique et des discours politiques simplistes. Dans un tel climat, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi un personnage comme Houellebecq a pu se démarquer, il prétend donner une critique du monde capitaliste, parler de la solitude moderne etc. Peu d'auteurs français osent s'aventurer sur ce terrain. Entre les histoires vides, les pseudo autobiographies égocentriques et les discours ultra-libéraux, il n'y a pas tellement de place pour un contre-point. ça pourrait même sembler très risqué… En enfant rebelle de la littérature, Houellbecq ose courageusement se jeter dans la fosse aux lions. le voilà, nouveau messie d'une génération perdue, prêt à étendre sur papier tous les maux de notre époque, sans compromis ni tabous ! N'est-ce pas merveilleux ? Avec un livre qui tiendrait ces promesses, peut-être. Or, dès les premières lignes, il apparaît très vite (et sans surprise) qu'il s'agit d'une nouvelle arnaque ‘contestataire' comme on aime tant en faire pour tranquilliser le public. le problème de cet homme n'a rien d'inhérent au monde actuel, ce n'est finalement qu'un prétexte pour rejeter sa frustration sur les autres et pleurnicher sur son triste sort. Ah… Quelle pitié.

Quand le livre s'ouvre sur un premier paragraphe à propos d'une fille ivre qui danse en sous-vêtement dans un appartement alors que, à la grande consternation du narrateur, elle « ne couche avec personne », on est en droit de se dire que les quelques 150 prochaines pages seront diablement longues, profondément agaçantes. Cela se poursuit par une réflexion sur ces filles qui osent se mettre en mini-jupe sans vouloir faire de tournantes (absurde !) et une comparaison très vaguement philosophique avec les vaches bretonnes qui restent nerveuses jusqu'à ce qu'un taureau les engrosse. le ton est donné, à grand coup de provocation gratuite. le roman ne se veut pas subtile, il pourra séduire aisément ceux qui pensent que le sexe féminin est devenu complètement détraqué depuis que son destin ne se résume plus à « mère au foyer ».
Ce titre serait donc une fine analyse de notre temps, largement encensé par la critique ? Je m'inquiète. Toutes les pages donnent un nouveau motif à le fermer pour ne plus jamais le reprendre.
C'est pourtant simple, rien d'osé ni de fabuleux là dedans, nous avons le privilège de suivre les tribulations d'un grand adolescent de 30 ans, pas vraiment remis de sa dernière rupture, frustré et gravement dépressif. Avec un cynisme qui s'abstient de tout second degré, l'auteur prend ce prétexte pour faire croire que le narrateur n'est qu'un triste produit de ce monde. Il n'analyse rien, pointe des conséquences du doigt, donne des origines complètement biaisées par ses obsessions personnelles. Il est par exemple très rapidement évident que ses problèmes avec les femmes sont relatifs à une vie sentimentale douloureuse. Victime d'une manipulatrice psychotique, il se donne le droit de poser en victime tout au long d'un texte assez indigeste qui pourrait faire sourire s'il avait été écrit par un jeune garçon de seize ans. Mais, à trente ans, avoir une vision aussi étriquée, une aussi faible capacité de réflexion tout en se prétendant auteur, ne me semble pas acceptable.
La solitude moderne – semble-t-il nous dire – est exclusivement liée à la sexualité. le fait que certaines personnes ne puissent pas vivre l'amour semble lui poser un gros problème. Pour illustrer cela, le narrateur sympathise avec un pauvre type de trente ans, laid et peu intéressant, qui n'a jamais connu de femme (ni d'hommes). Terrible victime du libéralisme social. Un problème se pose pourtant… Il suffit de lire n'importe quel auteur du début XXe, du XIXe et même de l'antiquité pour savoir que cette souffrance là s'est toujours manifestée. Elle était simplement plus taboue, soufflée à demi-mots, mais des auteurs comme Balzac ou Virginia Woolf en savaient quelques chose. Les personnages de la cousine Bette et de Miss Kilman exsudent une souffrance terrible. Mieux avant ? Que l'on regarde du côté d'Edith Wharton et Henry James pour être persuadé du contraire.
Extension du domaine de la lutte révolte autant qu'il met mal à l'aise. Tentation vers la crudité, tension d'une sexualité frustrée à toutes les pages relèvent moins du roman que d'un texte à envoyer à son psy pour une sérieuse thérapie. Définitivement, les lecteurs n'ont pas besoin de lire les pleurnicheries d'un dépressif qui a l'air de se sentir follement subversif en parlant de tuer des nègres et de se faire saigner la main en cassant des miroirs. Tout cela ne mène nulle part. On ne referme pas le livre en se disant « oh, il y a un arrière fond effrayant », on ne se dit rien, sinon que jérémiades et mauvaise foi vont prendre fin.

Houellebecq affirme beaucoup de fausses vérités sans se donner la peine du recul. le style est péremptoire, parfait pour ranger à ses côtés toutes les ouailles – essentiellement masculines je suppose – mal remises de leurs déboires amoureux. le monde tourne mal, certes, mais, sa critique se contente de gratter la surface du problème et en tirer des causes fantaisistes, d'où un livre qui, du coup, aurait bien du mal à dépasser les 150 pages. Notre auteur chahute un peu le libéralisme, mais, que l'on soit tranquille, ses idées sont tellement mal dégrossies que sa critique lui fait plus de bien que le mal. Avec un peu d'humour, il y avait pourtant peut-être quelque chose à faire de cette histoire, mais son narrateur n'en a pas, ou alors bien malgré lui, puisqu'il s'autorise une comparaison hasardeuse avec un Robespierre mort pour avoir dit des vérités censurées. Pas de guillotine en vue pourtant. Extension du domaine de la lutte est tout ce qu'il y a de plus conventionnel. Ah… ce pathos bien français…
Lien : http://unityeiden.fr.nf/exte..
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Malgré le genre particulier de ce roman, j'ai savouré des passages très bien écrits. Il y a bien sûr la désespérance notoire de Houellebecq, son mal être, les descriptions crues de sa misère sexuelle, mais il va bien plus loin que cela car il sait écrire. Il écrit bien même et son texte ne manque ni d'intelligence ni de références. J'avais beaucoup apprécié des poésies de l'auteur, moyennement savouré "Soumission", été déçue par "La possibilité d'une île", mais suis ici très agréablement surprise par cette "Extension du domaine de la lutte" qui explique toutes les difficultés qu'un individu peut avoir à trouver sa place dans la société. Dans le monde actuel de l'entreprise, mais aussi dans ses relations privées, en amitié ou en amour. Une réflexion intéressante mais très pessimiste de l'auteur sur la solitude, et des considérations sur la misère humaine individuelle et aussi l'inhumanité de notre monde contemporain. Un livre qui n'est pas qu'un ramassis de mots et de phrases, mais qui donne à réfléchir.
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Je viens de terminer mon cinquième Houellebecq : Extension du domaine de la lutte. Je suis maintenant confronté à une question essentielle, existentielle même : est-ce que je me fous en l'air tout de suite ou bien est-ce que j'attends encore un peu ?

Je vais déjà terminer cette chronique. On verra bien après.

Car pour vous filer le bourdon, ce bouquin est sur le podium. On ne connaîtrait pas l'avenir littéraire de notre trublion de la littérature moderne, on se ferait du souci quant au lendemain du point final de cet ouvrage paru en 1994. Notre auteur controversé a confié dans cet ouvrage son mal être à un informaticien de 32 ans. Il est dans une phase d'exploration des abysses de la déprime. Il faut dire qu'il n'a pas son remède favori sous la main pour soulager ses crises. Rupture de stock : cela fait en effet deux ans qu'il n'a pas eu de relation sexuelle. Faut comprendre aussi.

Conscient quand même de la faillite qui le guette, il tente de trouver de l'aide auprès de spécialistes patentés, à contre coeur à vrai dire tant il n'a eu de cesse de les vouer l'un et l'autre aux gémonies : la religion d'abord, la psychanalyse ensuite. Cela donne lieu au passage à quelques paragraphes en forme d'exécution sommaire : "Une femme tombée entre les mains des psychanalystes devient impropre à tout usage." Que dire des hommes ? Il en fera l'expérience. Mais on ne pourra pas lui reprocher d'avoir négligé tous les expédients officiels pour tenter de s'en sortir.

Son recours à la religion se fera par le biais d'un de ses amis d'enfance devenu prêtre. Mauvaise pioche. Ce dernier est lui-même en dépression. La dernière fidèle qui fréquentait son église a été euthanasiée par le corps médical qui la jugeait en trop mauvais état pour être récupérée. Et tout le monde s'en fout.

De guerre lasse dans sa solitude il se rabat en pis-aller vers la faculté. de psy en psy, son parcours de santé remet alors son destin entre les mains d'une psychologue. Une aubaine ? Faut voir. Bien que peu avenante il juge ses charmes acceptables au regard du niveau de déconfiture qu'il a atteint. En bonne thérapeute elle tente de le faire parler. C'est son job. Il saisit l'opportunité et lui tend alors la perche – ne voyez aucune métaphore libidineuse dans cette expression – afin de lui faire entrevoir que le seul remède capable de lutter contre son mal est celui du rapprochement des corps. La praticienne des consciences qui a bien perçu le message subliminal lui fait comprendre en retour que son rôle est de prescrire, et non d'administrer. Elle cède sans plus de discours savant la place à un collègue masculin. Retour à la case départ. On n'est pas sorti du marasme.

On retrouve avec cet ouvrage les lignes de forces qui sous-tendent les caractères dans l'ensemble de l'oeuvre de MH. On connaît trop bien leur désespoir de voir le corps se flétrir et désintéresser les seules qui pourraient regonfler le sujet – pas d'allégorie licencieuse non plus - celles forcément jeunes et jolies dont ils convoitent les faveurs. Mais à 32 ans notre informaticien est précoce dans le dégoût de la vie. A ses yeux, passée l'adolescence, la vie n'est plus qu'une préparation à la mort. le sexe étant à son idée un autre système de différenciation sociale, alternatif à l'argent, mais autant générateur d'inégalités. Et dans ce domaine, il est dans la catégorie des pauvres.

Cet ouvrage, au demeurant parmi les plus courts de ceux qu'aura produits notre auteur parvenu en cette année de confinement, est aussi à mon sens l'un des plus forts dans la désillusion, la noirceur de la fresque qu'il dresse de notre société : "Je n'aime pas ce monde. Décidément, je ne l'aime pas. La société dans laquelle je vis me dégoûte", fait-il dire à son informaticien.

Il n'en reste pas moins que le talent est là. Ironie, humour caustique, éclectisme de la pensée, acuité dans l'observation du monde, se coalisent pour pointer du doigt le leurre dans lequel se fourvoient ceux qui fondent leur bonheur sur le pouvoir d'achat. J'ai beaucoup aimé ces ouvertures sur ce verbiage professionnel qui ne dit plus rien à qui que ce soit tant il a sombré dans l'abstraction. Ils peuvent divaguer en tables rondes, de toute façon c'est le solitaire sur son clavier qui fera le job et tout le monde se pliera à ce que ses algorithmes auront circonscrit dans le domaine du possible.

Avec Houellebecq, il n'y aucun recours. Chaque être humain est un esquif de désespoir à la dérive sur l'océan de l'indifférence. Il y a certes une échappatoire, une distraction à la spirale de la perdition, mais elle est trop dépendante de lois insidieuses qui gèrent attirance et répulsion des contraires. Et pour notre informaticien la force de répulsion le propulse hors du monde, dans le trou noir de l'amertume. Il en fait son leitmotiv, le doigt sur la détente.

Alors que me reste-t-il en rayon pour ne pas presser la détente moi aussi qui pourrait être contaminé par ce fléau moderne de l'amertume. Stevenson : Voyages avec un âne dans les Cévennes. Ouf, je suis sauvé.
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On pourrait croire que le narrateur de L'extension du domaine de la lutte est un énervé de première catégorie, ennemi de la société et de ses semblables. Ce serait presque le cas si ce personnage ne s'incluait pas lui-même dans la liste des désagréments que lui inflige le quotidien et si nous ne finissions pas par comprendre que cette configuration du monde ne semble pas particulièrement lui déplaire, puisqu'elle permet à sa lassitude de prendre forme et de le construire à l'image d'un Bouddha qui aurait chassé tout désir hors de lui. La quête ataraxique se conclut rapidement. Il n'est pas nécessaire de s'étendre plus longuement sur un objectif si facilement atteignable.


La trentaine à peine révolue, ce personnage a déjà tout du vieillard dont la plus grande partie de l'existence s'est déjà consumée en quelques histoires peu constructives, en débauches épisodiques peu réjouissantes et en évènements insignifiants. Sa vie actuelle s'écoule sans remous entre une activité d'informaticien salarié et une vie recluse dans un appartement parisien. Cet anti-héros ne peut même pas revendiquer l'extraordinaire d'une vie de misanthrope, dont les ferments destructeurs seraient compensés par la volonté renouvelée quotidiennement de haïr toujours plus ses semblables, car il mène une vie sociale tout ce qu'il y a de plus banal. Relations cordiales avec les collègues même dans les cas les plus extrêmes, lorsqu'il s'agit par exemple de partir en binôme avec l'un d'eux dans le cadre des affaires de l'entreprise : le narrateur cache bien les sentiments de ridicule et de lui dégoût que lui inspirent ses semblables –et qu'il s'inspire lui-même, ne faisons pas de jaloux. Ce personnage n'a donc rien du névrosé qui refuse le principe de réalité si bien décrit par Freud, ce cher vivier de concepts pertinents. Alors qu'on aurait pu penser que l'Extension du domaine de la lutte ressemblait au roman du Solitaire d'Eugène Ionesco, qui se rejoignent dans des similitudes de premier-plan nombreuses -même solitude, même résignation, même tristesse mélancolique-, la suite fait apparaître des divergences. Dans le premier cas, le personnage accepte la réalité et fait montre de peu de sensibilité ; dans le second cas, la névrose précède la psychose et ses débordements d'émotivité. le personnage de l'Extension du domaine de la lutte est plus fort que le Solitaire car il brave l'absurdité en injectant une bonne dose de dérision à sa vision du monde. Mais certains constats restent malgré tout dignes de figurer dans les plus beaux morceaux du théâtre de l'absurde… (« En tout cas, la conclusion que j'en tire, c'est qu'on peut très facilement passer de vie à trépas –ou bien ne pas le faire –dans certaines circonstances »)


Extension du domaine de la lutte fait aussi penser à une construction littéraire semblable aux sculptures hyperréalistes de Duane Hanson –comme si, pour coller au plus près de la réalité, il fallait exacerber les sentiments, les sensations et les lieux les moins nobles : puanteur, cafétérias, mayonnaise, branlettes mécaniques.


« Pour le restaurant, à mon instigation, nous allons au Flunch. C'est un endroit où l'on peut manger des frites avec une quantité illimitée de mayonnaise (il suffit de puiser la mayonnaise dans un grand seau, à volonté ; je me contenterai d'ailleurs d'une assiette de frites noyées dans de la mayonnaise, et d'une bière. Tisserand, lui, commande sans hésiter un couscous royal et une bouteille de Sidi Brahim. »


Le plus merveilleux, dans tout ce déchaînement de sensations ingrates, est de constater que le narrateur ne s'en formalise pas. Il accepte tout de bonne grâce, avec une résignation telle qu'on peut se demander si ce comportement incarne la sagesse la plus absolue ou le désespoir le plus complet ? Même les tentatives qu'il effectuera pour donner un peu de passion à son existence résultent d'impulsions rationnelles, dirigées dans l'objet bien précis de donner forme à une trajectoire qui ne peut être reconnue qu'à travers le regard d'autrui. le narrateur s'inspire de ses plus proches congénères et les analyse dans le but de comprendre quelles solutions ils ont trouvé pour donner un sens à leur vie, et de quels déficits elles ont pris leurs sources.


L'extension du domaine de la lutte ne raconte donc pas seulement la vie d'un raté triste et solitaire. le titre du roman ne tarde pas à s'expliquer : après la lutte économique inspirée du libéralisme, le 20e siècle a vu apparaître la lutte sexuelle inspirée de la libération des années 70. Michel Houellebecq inverse les tendances : la « liberté » qu'on croit permettre aux individus devient source d'angoisse et d'individualisme. Une solution existe, celle proposée par son personnage qui, en bon disciple de Henri Laborit, ne pourra supporter de subir une situation contre laquelle il ne peut pas lutter, et décidera en l'occurrence de prendre la fuite et d'abandonner ses responsabilités sociales et familiales. Radical. Les romans suivants de Michel Houellebecq permettront quant à eux de donner un aperçu de l'évolution possible d'un tel personnage et donnent à considérer autrement les Particules élémentaires ou la Carte et le territoire. Jusqu'à la résignation la plus totale, le parcours n'est pas toujours linéaire…

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Avec Extension du domaine de la lutte le héros, informaticien, trentenaire partage ses impressions, ses angoisses et ses sentiments avec lucidité et désespérance.
C'est à peu près le sujet et la tonalité du texte........sauf que...j'ai eu une lecture totalement différente de l'ensemble des critiques, je ne pense pas être vraiment normale, ou alors j'ai été houellebecquisée.......car en considérant le texte au second degré j'ai eu des fous rires que je n’avais plus connu depuis Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen d'Arto Paasilina..... ce que décrit Arto Paasilina, en forçant le trait avec surréalisme et légèreté, Michel Houellebecq le décrit avec cynisme et profondeur, mais si on lit son propos au second degré, le but est le même : dénoncer travers, médiocrité; je l'ai perçu comme un entomologiste, penché sur un cube transparent en plexiglas, observant de façon clinique avec méthode et méticulosité les insectes qui grouillent et qu'il a pu analyser à loisir, relevant leur incohérence leurs défauts quelquefois leurs qualités et leurs faiblesses s'étonnant ou anticipant leur comportement d'un air blasé quelquefois surpris, exactement comme Arto Paasilina…
Pour qui a côtoyé le même univers et pour peu que l'on ait un peu de ce recul salvateur - le second degré -,on peut se rendre compte que l'on a tous croisé un jour ces personnages rencontrés au long du récit…………
C'est une étude sociologique mâtinée de cynisme et d'une désespérance flamboyante mais authentique où Michel Houellebecq n'a jamais cherché à tricher ou se mentir à lui-même……
Pour moi, c'est un auteur à suivre absolument
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Citations et extraits (250) Voir plus Ajouter une citation
[…] Il n’empêche, j’ai également eu l’occasion de me rendre compte que les êtres humains ont souvent à cœur de se singulariser par de subtiles et déplaisantes variations, défectuosités, traits de caractère et ainsi de suite — sans doute dans le but d’obliger leurs interlocuteurs à les traiter comme des individus à part entière.
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On s’habitue vite à l’hôpital. Pendant toute une semaine j’ai été assez sérieusement atteint, je n’avais aucune envie de bouger ni de parler ; mais je voyais les gens autour de moi qui bavardaient, qui se racontaient leurs maladies avec cet intérêt fébrile, cette délectation qui paraît toujours un peu indécente à ceux qui sont en bonne santé ; je voyais aussi leurs familles en visite. Eh bien dans l’ensemble personne ne se plaignait ; tous avaient l’air très satisfaits de leur sort, malgré le mode de vie peu naturel qui leur était imposé, malgré, aussi, le danger qui pesait sur eux ; car dans un service de cardiologie la plupart des patients risquent leur peau, au bout du compte.
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Décidément, me disais-je, dans nos sociétés, le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de l’argent ; et il se comporte comme un système de différenciation au moins aussi impitoyable. Les effets de ce deux systèmes sont d’ailleurs strictement équivalents. Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue. Certains font l’amour tous les jours ; d’autres cinq ou six fois dans leur vie, ou jamais. Certains font l’amour avec des dizaines de femmes ; d’autres avec aucune. C’est ce qu’on appelle la “ loi du marché ”. Dans un système économique ou le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et à la solitude. Le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. Sur la plan économique, Raphaël Tisserand [le collègue ingénieur en informatique] appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d’autres perdent sur les deux. Les entreprises se disputent certains jeunes hommes ; les hommes se disputent certaines jeunes femmes ; le trouble et l’agitation sont considérables. (p. 114)
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Je n'aime pas ce monde. Décidément, je ne l'aime pas. La société dans laquelle je vis me dégoûte ; la publicité m'écoeure ; l'informatique me fait vomir. Tout mon travail d'informaticien consiste à multiplier les références, les recoupements, les critères de décision rationnelle. Ça n'a aucun sens. Pour parler franchement, c'est même plutôt négatif ; un encombrement inutile pour les neurones. Ce monde a besoin de tout, sauf d'informations supplémentaires.
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Gérard Leverrier est rentré chez lui et s'est tiré une balle dans la tête.
La nouvelle de sa mort n'a réellement surpris personne à l'Assemblée nationale ; il y était surtout connu pour les difficultés qu'il éprouvait à s'acheter un lit. Depuis quelques mois déjà il avait décidé cet achat ; mais la concrétisation du projet s'avérait impossible. L'anecdote était généralement rapportée avec un léger sourire ironique ; pourtant, il n'y a pas de quoi rire ; l'achat d'un lit, de nos jours, présente effectivement des difficultés considérables, et il y a bien de quoi vous mener au suicide. D'abord il faut prévoir la livraison, et donc en général prendre une demi-journée de congé, avec tous les problèmes que ça pose. Parfois les livreurs ne viennent pas, ou bien ils ne réussissent pas à transporter le lit dans l'escalier ; et on en est quitte pour demander une demi-journée de congé supplémentaire. Ces difficultés se reproduisent pour tous les meubles et les appareils ménagers, et l'accumulation de tracas qui en résulte peut déjà suffire à ébranler sérieusement un être sensible. Mais le lit, entre tous les meubles, pose un problème spécialement, éminemment douloureux. Si l'on veut garder la considération du vendeur on est obligé d'acheter un lit à deux places, qu'on en ait ou non l'utilité, qu'on ait ou non la place de le mettre. Acheter un lit à une place c'est avouer publiquement qu'on n'a pas de vie sexuelle, et qu'on n'envisage pas d'en avoir dans un avenir rapproché ni même lointain (car les lits durent longtemps de nos jours, bien au-delà de la période de garantie ; c'est une affaire de cinq ou dix, voire vingt ans ; c'est un investissement sérieux, qui vous engage pratiquement pour le restant de vos jours ; les lits durent en moyenne bien plus longtemps que les mariages, on ne le sait que trop bien). Même l'achat d'un lit de 140 vous fait passer pour un petit-bourgeois mesquin et étriqué ; aux yeux des vendeurs, le lit de 160 est le seul qui vaille vraiment d'être acheté ; là vous avez le droit à leur respect, à leur considération, voire à un léger sourire complice ; ils n'en ont décidément que pour le lit de 160.
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Guillaume Nicloux et l'éclectisme ne font qu'un, de la quinzaine de films qu'il a réalisé, il a exploré des genres bien différents. Cette fois-ci ci, il nous embarque en Guadeloupe aux côtés de Blanche Gardin et Michel Houellebecq, un duo pour le moins improbable...
À l'occasion de son film "Dans la peau de Blanche Houellebecq", sorti en salle le 18 mars 2024, il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Joel Saget / AFP
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