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Critique de RosenDero


Si on m'avait dit qu'un jour je lirais un bouquin de Houellebecq d'une traite, j'aurais ri. Beaucoup. Fort. Jaune.

Et pourtant, c'est ce qui s'est passé… Mais il n'est pas aisé de faire la "critique" d'un tel livre. H. P. Lovecraft : Contre le monde, contre la vie n'est pas un roman, même si Houellebecq avoue avoir commencé sa rédaction dans ce sens, mais un essai où l'auteur donne sa vision de l'oeuvre de Lovecraft.
Premier point d'importance, il semble s'être documenté d'un manière assez précise car, en plus d'analyser l'oeuvre de fiction du "reclus" de Providence (qui n'était en fait pas si reclus que ça ; voir la très juste émission La Compagnie des Auteurs du mois de juin 2016 (France Culture) qui pointe le caractère désuet de certains points de l'analyse traditionnelle dont celle de Houellebecq fait partie), Houellebecq décortique également sa prolifique correspondance.
On y (re)découvre avec plaisir un Lovecraft profondément matérialiste et cynique. Un écrivain pour qui le quotidien n'est pas digne d'intérêt et d'après lequel, en littérature, seul le fantastique, le rêve, l'imaginaire ont droit de cité, ne sont pas ennuyeux à mourir. On y comprend aussi pourquoi les deux sujets qui régissent notre société actuelle (sexe et argent) sont inexistants chez Lovecraft, comme bannis. On met également des mots sur le succès de la mythologie Lovecraftienne, on décortique le phénomène Cthulhu, mondial, trans-générationnel et culturel. On décrit l'approche littéraire de l'auteur chez qui style, thèmes, objectifs sont réunis dans un ensemble parfait. En se penchant sur la vie de Howard Phillips Lovecraft, dans une partie biographique à prendre avec des pincettes (cf. l'émission mentionnée plus haut), on retrace une partie de la vie de Lovecraft, de Providence à New-York, et on y comprend comment l'homme est devenu l'un des plus grands écrivains américains en travaillant ses propres phobies, en les transposant du concret à l'onirique, des bas-quartiers malfamés d'une ville à ses yeux dépravés, aux tréfonds vaseux d'océans insondables où une cité enfouie attend son heure. Ce fils de WASP décadent perd alors foi en l'humanité, en la civilisation (et en ce sens il peut être considéré comme misanthrope) lorsqu'il prend conscience que la culture, l'éducation, les valeurs qui lui ont été transmises n'ont plus droit de cité, qu'être un gentleman ne vaut plus rien, que la brutalité et l'égoïsme régissent les lois du travail, du marché, et pour finir, la société dans son ensemble. Mais cette misanthropie qui transpire des lettres et des fictions de l'homme doit être tempérée par sa bienveillance à l'égard de ses amis et de ses pairs, comme le montre également Houellebecq.

Pour finir, je dirai simplement que je suis très heureux d'avoir effectué cette lecture. D'une part car elle comble le fan de Lovecraft qui est en moi en me donnant un aperçu du contenu de sa correspondance (je m'y plongerai correctement plus tard) et en mettant des mots sur mes sentiments de lecteur admiratif, d'autre part, car je sais maintenant que je ne lirai plus rien de Houellebecq… (sauf si les Grands Anciens me l'ordonnent.)
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