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Interventions tome 2 sur 2
EAN : 9782081217577
285 pages
Flammarion (03/02/2009)
3.61/5   23 notes
Résumé :

Les textes de ce recueil, lettres, entretiens ou articles, ont été publiés depuis 1992 dans des publications diverses, de la NRF à Paris Match, 20 ans ou Les lnrockuptibles. Ils n'étaient plus disponibles. Il y est question de cinéma, d'architecture, de philosophie, de la fête, du féminisme, de la réhabilitation du beauf, de la connerie de Jacques Prévert ou encore de l'indigeste Alain Robbe-Grillet... Par... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Lorsque dans Les Particules élémentaires (ou était-ce un autre de ses romans ? je ne sais plus), Michel Houellebecq propose comme voie de progression de l'humanité le devenir asexualisé de chacun de ses membres dans la destruction du désir et le recours aux manipulations génétiques, l'involution au stade de molécules primitives de la soupe primordial qui, après des millions d'années d'errance, auraient décidé de mettre fin aux erreurs des eucaryotes méiotiques ayant cédé à la tentation de l'évolution génétique spontanée, nous n'avons affaire qu'à une semi plaisanterie. D'une certaine façon, Michel Houellebecq essaie de sortir du tragique qui lui fait écrire, parfois, des considérations mélancoliques dans ce genre : « […] les Occidentaux contemporains ne parviennent plus à être des lecteurs ; ils ne parviennent plus à satisfaire cette humble demande d'un livre posé devant eux : être simplement des êtres humains, pensant et ressentant par eux-mêmes.
A plus forte raison, ils ne peuvent jouer ce rôle face à un autre être. Il le faudrait, pourtant : car cette dissolution de l'être est une dissolution tragique ; et chacun continue, mû par une nostalgie douloureuse, à demander à l'autre ce qu'il ne peut plus être ; à chercher, comme un fantôme aveuglé, ce poids d'être qu'il ne trouve plus en lui-même. Cette résistance, cette permanence ; cette profondeur. Bien entendu chacun échoue, et la solitude est atroce. »

En attendant de redevenir êtres monocellulaires préservés de la reproduction sexuée, nous devrons encore subir les désagréments liés à notre imperfection humaine. Les symptômes inhérents à cette condition s'établissent dans la littérature (Jacques Prévert est un con), dans l'art contemporain (L'art comme épluchage), dans l'architecture moderne (Approches du désarroi), dans le festivisme (La fête), dans le féminisme (L'humanité, second stade) et dans tant d'autres petites affaires qui écorchent notre endurance au fil des jours.

Houellebecq est la nourriture idéale de ceux qui digèrent bien. D'ailleurs, ceux qui digèrent mal se trompent d'aliment car Houellebecq ne nourrit aucune haine particulière contre ce monde puisqu'il n'en a rien à foutre, comme un authentique gnostique. Si Houellebecq est notre Bukowski national pour les histoires de cul, ça ne l'empêche pas non plus d'être notre Dalaï-Lama local pour le reste. Contemplatif, il contourne la résignation et nous suggère la voie de la contemplation. Puisqu'en Occident, nous ne pouvons plus mener « une vie humaine », puisqu'en fait, « il n'y a qu'une seule chose que l'on puisse vraiment faire en Occident, c'est gagner de l'argent » ; puisque nous ne pouvons plus rien dire et que « Nietzsche, Schopenhauer et Spinoza ne passeraient plus aujourd'hui » ; puisque « de plus en plus de choses deviennent impossibles à penser », alors nous décrochons de l'esprit de ce temps. Puisque « le respect pour les identités [est] devenu si fort » et que « le respect est devenu obligatoire, y compris pour les cultures les plus immorales et les plus sottes », alors nous devons aimer déplaire.

Puisqu'il n'y a plus rien à faire que de subir « des normes excessives » qui ne conduisent qu'à la promesse de « pouvoir continuer à me faire chier, de pouvoir acheter des polos Ralph Lauren », il faut revenir aux joies évidentes (« je ne parviens pas à m'imaginer sans un livre »), les cultiver dans la répétition du geste sans se soucier de l'exhortation à la nouveauté à laquelle nous soumet notre monde (« Je ne trouve pas ennuyeux de répéter à l'infini ce que j'aime faire, j'irai même plus loin : le vrai bonheur est dans la répétition, dans le perpétuel recommencement du même »).

Levant un coin du voile des apparences pour toucher la vacuité qui se cache derrière toute chose, Houellebecq est souvent drôle dans les évidences qu'il énonce (« J'ai l'impression qu'on se comporte aujourd'hui avec les religions comme avec les danses bretonnes : du moment que c'est un peu traditionnel, un peu vieux, ça devient respectable et presque sympathique ») et dans la spontanéité de ses remarques (« Qu'est-ce que je fous avec ces cons ? » dans son essai sur la Fête). Houellebecq témoignait ici encore d'une sagesse plutôt honnête, qu'il décida ensuite de pousser jusque dans ses retranchements en se faisant le bouffon de l'époque, sans crainte d'être confondu avec le personnage qu'il donne à voir.
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Même si l'on retrouve dans ce volume d'Interventions 2 quelques textes et essais publiés antérieurement en d'autres recueils, ce livre ne fait pas double emploi. D'abord parce qu'il permet de relire certains excellents textes passés, ensuite parce qu'il permet d'en découvrir d'autres éparpillés dans des revues et donc introuvables. Ce n'est donc pas une publication de fonds de tiroirs, mais de nouvelles matières et de nouvelles pensées d'un écrivain profondément intéressant, et qui semble associer discussions, articles et débats d'idées au processus créatif romanesque. Comme toujours, Houellebecq est doué d'une profonde verve comique, pince sans rire et réjouissante (pour les esprits libres ou en voie de libération). Cela n'exclut pas la profondeur de la pensée.
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La lecture d'un roman, c'est avant tout la rencontre avec son auteur.
Si comme moi, vous appréciez les romans de M. Houellebecq vous retrouverez dans ce recueil de textes la densité, la richesse, la profondeur des Particules Elémentaires, La Carte et le Territoire, Plateforme, Soumission.
Pour moi le génie de M. Houellebecq est une évidence. J'ai l'impression que ses romans sont très mal compris. Pourtant la lecture de quelques textes de ce recueil aurait dû dissiper depuis longtemps bon nombre de polémiques.
Si vous n'appréciez pas particulièrement M. Houellebecq ce livre vous aidera à le découvrir. La facilité d'accés contraste avec la profondeur de la pensée.
Merci M. Houellebecq.
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Citations et extraits (68) Voir plus Ajouter une citation
Ainsi le passant moyen traversant une galerie de peinture ne devra-t-il pas s’arrêter trop longtemps, s’il veut conserver son attitude de détachement ironique. Au bout de quelques minutes, il sera malgré lui gagné par un certain désarroi ; il ressentira pour le moins un engourdissement, un malaise ; un inquiétant ralentissement de sa fonction humoristique.
(Le tragique intervient exactement à ce moment où le dérisoire ne parvient plus à être perçu comme fun ; c’est une espèce d’inversion psychologique brutale, qui traduit l’apparition chez l’individu d’un irréductible désir d’éternité. La publicité n’évite ce phénomène contraire à ses objectifs que par un renouvellement incessant de ses simulacres ; mais la peinture garde vocation à créer des objets permanents, et dotés d’un caractère propre ; c’est cette nostalgie d’être qui lui donne son halo douloureux, et qui en fait bon gré mal gré un reflet fidèle de la situation spirituelle de l’homme occidental).
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Sur le plan scientifique et technique, le XX°s peut être placé au même niveau que le XIX°s. Sur le plan de la littérature et de la pensée, par contre, l'effondrement est presque incroyable, surtout depuis 1945, et le bilan consternant : quand on se remémore l'ignorance scientifique crasse d'un Sartre ou d'une Beauvoir, pourtant supposés s'inscrire dans le champ de la philosophie, quand on considère le fait presque incroyable que Malraux a pu - ne fût-ce que très brièvement - être considéré comme un "grand écrivain", on mesure le degré d'abrutissement auquel nous aura menés la notion d'engagement politique, et on s'étonne que l'on puisse, encore aujourd'hui, prendre un intellectuel au sérieux ; on s'étonne par exemple de ce qu'un Bourdieu ou un Baudrillard trouvent encore des journaux disposés à publier leurs niaiseries. De fait, je crois à peine exagéré d'affirmer que, sur le plan intellectuel, il ne resterait rien de la seconde moitié du siècle s'il n'y avait pas eu la littérature de science-fiction.

p. 224
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Chaque individu est cependant en mesure de produire de lui-même une sorte de révolution froide, en se plaçant pour un instant en dehors du flux informatif-publicitaire. […] Il suffit de marquer un temps d’arrêt ; d’éteindre la radio, de débrancher la télévision ; de ne plus rien acheter, de ne plus rien désirer acheter. Il suffit de ne plus participer, de ne plus savoir ; de suspendre temporairement toute activité mentale. Il suffit, littéralement, de s’immobiliser pendant quelques secondes.
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Jacques Prévert est quelqu’un dont on apprend des poèmes à l’école. Il en ressort qu’il aimait les fleurs, les oiseaux, les quartiers du vieux Paris, etc. L’amour lui paraissait s’épanouir dans une ambiance de liberté ; plus généralement, il était plutôt pour la liberté. Il portait une casquette et fumait des Gauloises ; on le confond parfois avec Jean Gabin. D’ailleurs c’est lui qui a écrit le scénario de Quai des brumes, des Portes de la nuit, etc. Il a aussi écrit le scénario des Enfants du paradis, considéré comme son chef-d’œuvre. Tout cela fait beaucoup de bonnes raisons pour détester Jacques Prévert ; surtout si on lit les scénarios jamais tournés qu’Antonin Artaud écrivait à la même époque.
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QU’EST-CE QUE JE FOUS AVEC CES CONS ?
« Lorsque deux d’entre vous seront réunis en mon nom, je serai au milieu d’eux. » (Matthieu, 17, 13). C’est bien là tout le problème : réunis au nom de quoi ? Qu’est-ce qui pourrait bien, au fond, justifier d’être réunis ?
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Videos de Michel Houellebecq (115) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Houellebecq
Guillaume Nicloux et l'éclectisme ne font qu'un, de la quinzaine de films qu'il a réalisé, il a exploré des genres bien différents. Cette fois-ci ci, il nous embarque en Guadeloupe aux côtés de Blanche Gardin et Michel Houellebecq, un duo pour le moins improbable...
À l'occasion de son film "Dans la peau de Blanche Houellebecq", sorti en salle le 18 mars 2024, il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Joel Saget / AFP
#art #cinema #film _________
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