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Critique de gabb


Rares sont les écrivains aussi "clivants" que Michel Houellebecq.
Génial visionnaire pour certains, vieux dégueulasse surcoté pour d'autres, on idolâtre ou on exècre.

Très bien, mais alors pourquoi cette note moyenne, mi-figue mi-raisin, pourquoi ces 3 étoiles plutôt tiédasses ? Ben tout simplement parce que jusqu'au bout, j'ai été incapable de me décider, incapable de choisir mon camp.
Emballé [youpi] par certains passages foutrement bien torchés et par certains points de vue carrément décapants sur notre monde à l'agonie, puis écoeuré [beurk] par le cynisme permanent et démesuré dont fait preuve Daniel, héros houellebecquien en (im)puissance, archétype du mâle blanc obsédé et dépressif...
Epaté [youpi] par la construction du roman et par ses thèmatiques originales et ambitieuses (l'anéantissement de notre société exsangue, le naufrage civilisationnel, la quête de la jeunesse éternelle et la mise au rebus des aînés, l'avènement par clonage d'une nouvelle espèce artificielle de néo-humains...), puis fatigué [beurk] de ce désenchantement tellement systématique qu'il en devient caricatural, et lassé de ces scènes de sexe gratuites et récurrentes...
Les montagnes russes, quoi. D'ailleurs, comme embarqué dans le plus endiablé des roller-costers, j'ai lu ces 500 pages à toute vitesse, et j'en suis ressorti un peu nauséeux. Plutôt content, mais pas pressé de repartir pour un tour.

Faut dire que Houellebecq sait y faire pour chahuter son lecteur, pour l'entraîner de force dans son univers désespéré, décadent, vulgaire et violent, en enchaînant les provocations et les prises de positions pour le moins contestables sur la nature fondamentalement malsaine, perverse et déviante de l'être humain. Pour lui c'est clair : "le seul fait d'exister est déjà un malheur". Quand je vous disais que c'était pas franchement l'éclate...

Cette fois, son héros Daniel_1 est un comique (si si, je vous jure !), dont l'humour polémique et grinçant cartonne.
Mais bien sûr Daniel_1 est malheureux (rappelez-vous, on est chez Houellebecq). Son dégoût de l'humanité n'a d'égal que son appétit sexuel insatiable ("pendant toute ma vie je ne m'étais intéressé qu'à ma bite ou à rien, maintenant ma bite était morte et j'étais en train de la suivre dans son funeste déclin, je n'avais que ce que je méritais". Voilà qui situe un peu le bonhomme...)
Par un concours de circonstances, il est aux premières loges pour assister à l'avènement d'une secte et de son prophète, présenté dans le meilleur des cas comme un hurluberlu soucoupiste, dans le pire comme le dangereux théoricien de doctrines flirtant avec l'eugénise et le nazisme.
Toujours est-il que la secte rencontre vite un immense succès, supplante les autres religions (que Houellebecq aime comme toujours à égratigner dans les grandes largeurs !), et que ses recherches sur le clonage finissent par aboutir : ainsi retrouvons-nous, plusieurs siècles plus tard, après la Pemière et la Seconde Diminution, après le Grand Assèchement, Daniel_22, Daniel_23 et quelques-un de leurs successeurs. Tous sont des copies conformes du Daniel-souche, à quelques améliorations génétiques près, qui évoluent dans une société nouvelle complètement virtuelle, désincarnée, dépourvue de passions et de contacts physiques...

D'un côté donc, le monde contemporain de Daniel_1, dépravé et glauquissime. De l'autre, d'étranges communautés de néo-humains, abstraites et glaciales, ou le rire et les larmes ont disparu.
Deux salles, deux ambiances.
Difficile de dire lequel de ces univers fait le plus froid dans le dos.
Difficile aussi d'imaginer contraste plus saisissant entre un si joli titre et un contenu si trash.
Difficile enfin d'écrire un roman plus sombre et plus désespérant, sans nulle part la moindre once d'optimisme. Seul Fox, le chien cloné qui accompagne chaque nouveau Daniel semble être animé d'un semblant de vie, puisqu'à la différence de ses maîtres "sa nature en elle-même inclut la possibilité du bonheur".

Une lecture compliquée, donc, idéale pour se préparer au suicide.
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