Sous le soleil brûlant d'Afrique australe du milieu du XXe siècle, des villageois de Gotomi mènent leur vie comme ils le font depuis plusieurs générations. À travers eux, c'est l'histoire de tout un peuple, d'un pays, qui est visitée. La vie en autarcie, à exploiter son petit lot de terre et à élever ses animaux, à se reposer dans sa case, à se raconter des contes millénaires, à espérer le bonheur, à arranger les mariages (ou à les fuir), etc. Et partout cette terre rouge et noire, belle, prometteuse, riche. Mais voilà que les temps changent…
Les Blancs, colons et autres exploitants, ils construisent des routes à coups de bulldozers (déplaçant maisons et paturages, saccageant les sanctuaires), poussent les villageois à modifier leurs pratiques agricole, prêchent… Les villageois écoutent, parfois tiennent compte, mais retournent souvent à leurs vieilles traditions. Même après avoir utilisé de nouveaux outils, il est important de procéder aux rituels, de s'attirer la protection des ancêtres pour que les récoltes arrivent à maturité. Ce fut une incursion fascinante dans un autre monde.
Mais comment y arrive-t-on quand une des ancêtres était née sourde et muette ? Peut-elle entendre les prières ? Quand les récoltes n'arrivent pas à maturité, que la misère se pointe. Et que les Blancs continuent à faire intrusion partout, détruisant leur mémoire collective et s'attaquant à leur identité ? Chacun crache la colère et la haine qui s'accumulait de génération en génération, depuis le commencement des temps.
Chenjerai Hove réussit très bien à dépeindre le quotidien, les espoirs et le ressentiment des petites gens, autant les hommes, leurs épouses, leurs enfants, des aînés et bien d'autres. Leur respect devant la supériorité technologique des Blancs, remettant leur destin entre les mains des ancêtres, de puissances invisibles. Puis, un jour, assez est assez. Ils veulent s'affranchir, les guérillos combattent l'homme blanc pour libérer le pays mais, quand la guerre est partout, la situation dégénère et tout le monde finit par en souffrir. Ceci dit, il ne faut pas y voir que du négatif, les épisodes les plus durs sont balancés par des évocations poétiques des gens, de leurs traditions et de l'endroit.
Parfois, j'étais un peu mélangé à travers toutes ces voix qui se partagent la narration de ce roman, Ancêtres, mais, au bout du compte, j'en suis venu à la conclusion que ce n'était pas si important de les départager. Tous, ils partagent des rêves et des souffrances au point de ne former qu'un tout. Je me suis laissé porter par la chronique de ce bout de terre ensorcelant qui me donne envie de lire davantage d'oeuvres portant sur cet endroit et d'autres d'Afrique.
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"Chère Sinet, en ce moment je ne peux pas aller le dimanche au catéchisme. L'idée que tu es mon amoureuse a pris la place du catéchisme. La place réservée à Dieu dans ma tête et dans mon coeur a été prise par toi. Peu importent ce qu'en pensent ton père et ta mère. Pourquoi songer à eux? L'amour na n'i père ni mère hormis toi et moi. Il n'a aucun Dieu hormis toi et moi. Mon amour pour toi est plus long que le Mississippi et plus haut que l'Everest..."
Toi, petit garçon, tu regardes ton pére arpenter les terres de ses rêves. Ses moments de joie se mesurent au vert des cultures, homme du sol brun, du sol noir d'où poussent les rêves - où les cauchemars si les pluies ne tombent pas.
Et j'étais seule la plupart du temps si ma mère ne me portait pas, comme un petit fardeau, sur son dos. Elle ne pouvait me chanter ni chansons ni berceuses. A quoi bon ? se disait-elle. Le bébé ne les entendra pas. (…) Que vais-je faire d'elle le restant de sa vie ? (…) Quel homme viendra ici lui faire la cour ?
les histoires que nous entendons, seuls les vainqueurs en sont les conteurs. si seulement le singe pouvait raconter son histoire. si seulement l'oiseau pouvait conter celle de son vol à travers les airs. et l'arbre la sienne.
Le lendemain, quand vient le matin, il est plein de murmures. Le ciel est rouge et dur. L’air est traversé de murmure. Et de cris. Le soleil est rouge, comme en colère. Ton père est couché dans l’ombre matinal de l’arbre musma. Il respire, faiblement. Lorsque les gens lui demandent comment s’est passée la nuit, il se contente de les fixer du regard. Le corps est en bonne santé, mais l’esprit vagabonde vers des contrées lointaines. En ce temps des sorciers sans vergogne et des magiciens prétentieux, il n’est pas possible de dormir en paix. Ton père songe en silence : le corbeau a mangé et il a frotté son bec dans la poussière. J’ai peur