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Critique de 5Arabella


Un auteur qui semble avoir eu un certain retentissement en Grande-Bretagne mais jamais jusqu'ici traduit en France ; un oubli réparé maintenant dans cette souvent si intéressante collection « Quai Voltaire », grâce à ce roman paru initialement en 1959. L'éditeur nous annonce par ailleurs la parution prochain d'un cycle en cinq volumes, les Cazalet Chronicles, l'oeuvre la plus connue d'Elizabeth Jane Howard.

Le livre est divisé en parties, chaque partie correspondant à un lieu (Londres, New York, Athènes…), dans chaque lieu, tour à tour, dans un ordre qui change, quatre personnages racontent ce qui se passe, de leur point de vue personnel. Parfois la vision est différente, parfois elle est complémentaire, en ce qui concerne les événements, les sensations, les sentiments. Ce dispositif peut sembler complexe et artificiel, mais Elizabeth Jane Howard le maîtrise à merveille, et en fait l'instrument d'un récit subtil, sensible, riche et complexe. On en vient à attendre telle ou telle voix dans une nouvelle situation, dans tel ou tel contexte, on se demande ce que l'un ou l'autre a pu comprendre de ce qu'éprouvent les autres et quelle est sa réaction.

Trois personnes qui partagent leur vie de longue date constituent le coeur du récit : Emmanuel, un dramaturge soixantenaire à succès, qui voyage dans le monde pour monter ses pièces ; Lillian, son épouse, malade du coeur, n'ayant toujours pas surmonté le deuil de sa fille morte à deux ans ; enfin Jimmy, un jeune homme à l'enfance difficile, devenu l'assistant indispensable du couple, gérant à la fois les spectacles, et la vie quotidienne, entièrement dévoué à Emmanuel. Un quatrième personnage va s'adjoindre à ce trio : Sarah, une très jeune femme, devant faire office de secrétaire et gouvernante. Choisie un peu par hasard, pour remplacer la précédente titulaire partie dans des conditions sordides, révélatrices des relations troubles du trio, elle va très vite faire bouger les lignes, faisant remettre en cause par les intéressés eux-mêmes leurs petits arrangements et habitudes. Et les obligeant à se repositionner à l'intérieur des relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres, et surtout se remettre en cause, à s'interroger sur ce qu'ils sont et sur les choix qu'ils ont faits.

Le livre n'est certainement pas original en ce qui concerne l'intrigue, les personnages résumés sommairement. Ce qui fait sa force et sa grande qualité, c'est la finesse et la richesse des analyses psychologiques, les portraits qui se dessinent progressivement, ni tout à fait blancs ni tout à fait noirs. Chacun a ses blessures secrètes, ses égoïsmes, ses routines, ses espérances aussi. Un besoin de l'autre, et aussi une incapacité à le voir autrement que pas ses yeux et par le besoin qu'il a de lui. Les tableaux par petites touches des personnages principaux s'accompagnent aussi des portraits de quelques figures secondaires, et également d'une immersion dans des lieux, en particulier ceux de l'île grecque sur laquelle le quatuor va passer quelques semaines essentielles, pendant lesquelles les fils vont se nouer et se dénouer.

Un très joli livre, plein d'une douce mélancolie, d'une nostalgie de ce qui aurait pu être, d'une poésie du quotidien. Si je voulais à tout prix trouver une réserve, peut-être que le personnage de Sarah (rebaptisée Alberta, parce que Sarah était le prénom de la fille morte du couple) est un petit peu trop parfait, elle est si lumineuse et innocente, mais terriblement forte aussi. Mais j'ai fait un très beau voyage en compagnie de ces quatre-là, et j'attends déjà avec impatience la parution annoncée des livres d'Elizabeth Jane Howard.
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