En cette aube sagace
où les vieillards se raclent à fond la gorge ,
et où les vieilles soufflent sur leurs paumes
pour s'assure à l'odeur qu'elles sont encore .
En cette aube suave de printemps
où les premiers lilas crachent le sang .
En cette aube d'œufs
où les lampes à gaz battent les blancs en lumière .
En cette aube , j'irai avec les amis m'enterrer .
D'abord j'achèterai un petit cercueil blanc
avec du blanc papier crépon ,
où sur un petit édredon blanc de papier crépon
sera posé l'envers de mon blanc sourire
grimace ensevelie de pétales de fleur .
Et je me porterai dans mes propres bras
et les amis , en cortège me suivront
avec les faces argentées des pelles ,
et nous irons au-dessus de Poldi la belle
et avec une pioche de nickel
nous ouvrirons la serrure de la terre
et le long dune corde violette , descendront
mon raboteux baiser à l'éternité ,
ma peur vivante ,
qui est tout ce en quoi j'espère
Ce que je suis et ce que je crois
parce que si je n'avais pas peur
j'enfilerai déjà mes plus beaux habits
préparerai un banquet sur toutes les tables
entourerai mon crane de linges
et en souriant
me ferai éclater la cervelle .
Seulement , j'ai peur .
Voilà le hic , j'ai peur
parce que j'aime la vie .
Où donc est passé l’aveugle
de la gare Masaryk ?
Où donc a-t-il bien pu passer ?
Il se tenait là,
et lorsque soufflait le vent d’hiver,
il bruissait du ventre à la tête
et, parmi les pages, feuilletait la neige.
[
Bohumil Hrabal :
Une trop bruyante solitude]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT présente le livre
du romancier
tchèqueBohumil HRABAL : "
Une trop bruyante solitude". Après en avoir lu les premières lignes,
Olivier BARROT rappelle qui est
Bohumil HRABAL, dans quelles conditions il a écrit et résume ce qu'il définit comme un
conte philosophique.