Est-ce un exercice impitoyable d'autocritique, car Hrabal se révèle dans ce récit, pratiquement celui de sa vie pendant une vingtaine d'annees, de la fin des années 40 à 1968, dans son appartement du quartier praguois de Liben, comme un auteur alcoolique, lâche, velleitaire et souvent pathétique ? Est-ce un hommage à sa femme, Eliska, Poupette, ou la petite dame du professeur, qui a enduré toutes ses frasques, et a su l'aimer dans toutes ses misères ? En tout cas on frôle souvent la folie dans ce texte, folie de Hrabal et de ses amis artistes, de sa famille, de cette Tchécoslovaquie d'après guerre où le monde s'est écroulé, où le judaïsme a disparu, où les Allemands des Sudetes ont fui ou ont passé des mois dans des camps. C'est aussi l'histoire d'un couple racontée sans fards ni romantisme, et bien assez émouvant comme cela.
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« Et quand je suis allée dans la boîte où il jouait, alors il y avait ses deux gonzesses qui étaient là, toutes pomponnées, il les regardait comme si elles étaient ses muses, comme s’il ne jouait que pour ces deux traînées, elles lui envoyaient des cognacs, alors que j’étais là à siroter une grenadine, et lorsque l’orchestre a fini de jouer, alors les garces ont applaudi comme des folles, il faisait la révérence, moi j’étais assise dans un coin avec ma grenadine, puis je suis partie à la maison et lui est allé dans une autre boîte avec ces vampires, parce qu’elles payaient ses consommations, il rentrait, il n’avait plus un rond, il fallait que je lui donne de l’argent pour sortir le lendemain … »
(p.60)
« ; je m’installais sur ces marches, le fleuve étincelait, les vaguelettes de la surface m’envoyaient des éclairs dans les yeux et moi je lisais ou je faisais des mots croisés et Bobby restait assis à côté de moi… Et sous les vieux peupliers, le professeur ramassait du bois et refaisait son feu, il regardait sans cesse les flammes, médusé, puis il se baignait de nouveau dans cette eau dégoûtante, parfois j’y allais aussi, ici l’eau charriait des détritus d’abattoir et des ordures, on y voyait flotter des préservatifs. Si bien qu’un jour, le professeur est sorti de l’eau avec une capote accrochée à l’oreille, il a jeté cet objet répugnant, non pas avec dégoût, mais comme si ç’avait été une petite branche d’olivier, oui il poussait des oliviers sur cette berge, »
(p.147)
Donc ma fille pas la peine de se raconter des histoires Soit nous ferons quelque chose qui sera numéro un soit ça ne marchera pas de toute façon ce qu'il y a de plus joli dans l'art c'est que personne n'est obligé d'en faire Voila ce que disait mon mari dans la vapeur
[NB : à l'exception des points d'interrogation, de quelques points de suspension de majuscules et de sauts de ligne, la seconde partie de ce roman autobiographique est totalement dénué de ponctuation ou de chapitres]
… émus presque jusqu’aux larmes, ils entonnaient une chanson triste… Tout s’en est allé et de l’amour j’ai perdu la clé… je notais que presque tous ces bouchers à notre table, peut-être à cause du travail aux abattoirs, avaient quelque chose qui clochait : l’un avait une jambe plus courte que l’autre, un deuxième le visage barré d’une cicatrice, le troisième des mains si rouges qu’on les aurait crues ébouillantées, le quatrième une omoplate légèrement déboîtée, le cinquième un ventre énorme… Seul Ludva était vraiment aussi beau que l’avait annoncé le professeur, beau comme un dieu grec et comme Marlon Brando.
(p.96)
...écrire c'est fuir d'une ligne à l'autre [...] je suis sans cesse à pourchasser une idée qui est uniquement et perpétuellement devant moi, je veux la rattraper, mais elle court toujours plus vite que moi..
[
Bohumil Hrabal :
Une trop bruyante solitude]
A la Fondation Suisse de la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT présente le livre
du romancier
tchèqueBohumil HRABAL : "
Une trop bruyante solitude". Après en avoir lu les premières lignes,
Olivier BARROT rappelle qui est
Bohumil HRABAL, dans quelles conditions il a écrit et résume ce qu'il définit comme un
conte philosophique.