J'imagine l'histoire comme ça : un jour,
François Robine, « expert immobilier reconnu et chevronné", dit le quatrième de couverture, a dîné chez des amis communs avec
Patrice Huerre, "psychiatre, psychothérapeute et psychanalyste", auteur d'une bonne dizaine de publications « grand public", sur l'adolescence. II lui a fait part de quelques réflexions sur l'évolution qu'il a constatée au fil des décennies au sein des logements de ses concitoyens, et lui demande en quoi cela correspond à sa propre pratique.
La discussion est charmante, passionnante, et, au final, pourquoi ne pas en faire un livre ? Oui, mais pas un livre scientifique avec des références, une bibliographie, des recherches. Plutôt un livre facile à lire (et aussi à écrire), qui expose simplement les points de vue de ces deux Messieurs si pleins de savoirs.
On a donc un ouvrage très touche-à-tout , qui en appelle, excusez du peu, sur 200 pages écrites gros, à la mythologie, la psychanalyse, la psychologie sociale, la sociologie, l'anthropologie, l'histoire, le tout saupoudré d'un peu d'architecture et d'urbanisme. Tellement touche-à-tout que c'est d'une superficialité irritante : je ne lis pas la rubrique psycho/socio de Marie-Claire (et pas Marie Claire non plus en général), ce n'est pas pour la retrouver dans un livre.
Pour parler des intérieurs, il faut parler de ceux qui les habitent, et on commence par un état des lieux des modes de vie de nos contemporains, avec d'extraordinaires révélations : la mobilité, l'usage sans limites des outils numériques, la généralisation des familles recomposées, l'individualisme, le rejet des vieux, la perte du lien familial et du sens religieux au profit d'un consumérisme incontrôlé, l'explosion des prix de l'immobilier... Tout cela sur un ton de généralité universelle, faisant croire qu'on parle d'une population entière alors qu'on se limite à celle des bobos trentenaires/quarantenaires.
Donc, les hommes ne sont plus ce qu'ils étaient et on en conclut que les intérieurs ne sont plus ce qu'ils étaient, non plus.
Au passage, cela donne lieu à pas mal de platitudes, beaucoup de vérités assénées du genre:
"Remarquons cependant que les familles sans maison de référence n'ont généralement pas d'histoire."
ou celle-ci vaguement contradictoire:
"pour les autres, les incrédules ou les incroyants, que le décès survienne à la maison ou à l'hôpital n'a qu'une importance secondaire sans qu'il puisse pourtant être nié que le désir de mourir chez soi est très partagé."
C'est gênant aussi parce que cela parle de maisons, et encore de maisons, comme si toute la population vivait en maison, non pas en appartements, studios, etc...
La conclusion, c'est que le logement n'est plus un marqueur social, mais un marqueur de génération. Les nouvelles générations ne s'ancrent pas dans un lieu de vie permanent,
"Leur maison n'est plus un but dans l'existence. Elle ne sert qu'à abriter certains moments de cette dernière".
Elles sont en recherche de lieux de rencontre qui ne soient pas au sein du logement. Les outils numériques remplacent les bibliothèques. D'un côté le numérique ouvre l'espace quotidien vers l'infini, mais il permet aussi n'importe quelle intrusion (par exemple professionnelle) dans l'espace du logement.
Ah, bon? ben dis donc! Tout ça pour ça!