Edward
James Hughes, plus familièrement
Ted Hughes (1930-1998) a été le premier mari de 1956 à 1963 de la poète américaine
Sylvia Plath, avec qui il divorce, accélérant sa dépression avant son suicide. Sa nouvelle maitresse Assia Wevill se suicidera aussi en 1969. Les deux femmes ont été victimes de violences conjugales.
Ted Hughes est unanimement reconnu comme l'un des plus grands poètes anglais de sa génération. Il a été « Poet Laureate », c'est-à-dire poète officiel de la Reine Elizabeth II depuis 1984 à sa mort.
Les relations avec
Sylvia Plath éclairent sur l'écriture de cette dernière. Elles sont rapportées dans le livre de
Diane Middlebrook « Her Husband », traduit en « Son mari » par Valérie Rouzeau (2006,
Editions Phébus, 380 p.). Par ailleurs Ted donne sa version des faits dans «
Birthday Letters », traduit par
Sylvie Doizelet (2015, Gallimard, 288 p.), son dernier ouvrage publié avant sa mort. Il rompt le silence à propos de son épouse, sous la forme de lettres-poèmes sur des aspects de leur vie commune et sur son comportement de l'époque.
Natif d'un village du West Yorkshire, il passe donc les premières années de sa vie en milieu rural. « Les six premières années de ma vie m'ont totalement façonné ». Etudes à Cambridge où il rencontre
Sylvia Plath en 1955, avant de s'en séparer en 1962, après avoir eu deux enfants et une maitresse Assia Wevill qui se suicidera aussi en 1969, avec leur fille commune Alexandra Tatiana Eloise Wevill. La responsabilité de
Ted Hughes à propos du suicide de Sylvia a fait l'objet de spéculations de la part des critiques. A la mort de Sylvia, devient l'exécuteur testamentaire et édite ses manuscrits, notamment. Il est cependant suspecté d'avoir détruit le dernier cahier du journal intime de Sylvia, qui contenait des détails sur leur vie commune.
Ses premiers poèmes sont très nettement inspirés par la nature et l'innocence des animaux. Il traduira ensuite « Tales from Ovid » (1997, Farrar Straus & Giroux, 257 p.). Personnellement, je préfère la traduction de
Marie Cosnay (2017,
Editions De l'Ogre, 528 p.).
Cette référence à
Ovide n'est pas si anodine qu'il parait.si on connait le poème de
Sylvia Plath « La Lune et le Cyprès ». En effet, le cyprès est, avec l'if, l'arbre des cimetières, planté depuis l'Antiquité près des tombes. C'est le symbole de la vie éternelle car il ne perd pas ses feuilles et reste toujours vert.
Ovide en parle dans «
Les Métamorphoses » au livre X. Il raconte l'origine de cet arbre. le jeune Cyparisus est inconsolable après la mort d'un cerf qu'il a lui-même tué par mégarde. Il demande à Phébus la faveur de pouvoir verser des larmes éternelles. le dieu le change alors en cyprès et gémit « Moi, je te pleurerai toujours ; toi, tu pleureras les autres et tu t'associeras à leurs douleurs ». Pour en revenir au poème, elle y décrit ce qu'il y a autour de sa maison, un vieux presbytère qu'elle a acheté avec son mari dans le village de Court
Green dans le Devon, là où elle avait son cheval blanc
Ariel. A côté se trouve un cimetière dont elle voit le cyprès de chez elle. « This is the light of the mind, cold and planetary. / The trees of the mind are black. The light is blue. / The grasses unload their griefs at my feet as if I were God, / Prickling my ankles and murmuring of their humility ». (Cette lumière est celle de l'esprit, froide et planétaire, / Et bleue. Les arbres de l'esprit sont noirs. / L'herbe murmure son humilité, dépose son fardeau de peine / A mes pieds comme si j'étais Dieu.). Ce serait Ted Hugues qui lui suggéra ce poème. On retrouve le cyprès dans d'autres textes comme « The Munich Mannequins » (Les Mannequins de Munich), où les cyprès sont directement associés à la mythologie antique et aux femmes. L'apparition des modèles allemands vivants, comme des mannequins inanimés, fait référence à la non-maternité, personnifié par les cycles de la lune « Perfection is terrible, it cannot have children / Cold as snow breath, it tamps the womb / Where the yew trees blow like hydras, / The tree of life and the tree of life » (La perfection est terrible, elle ne peut pas avoir d'enfants / le souffle froid comme la neige, elle tasse l'utérus / Où les cyprès soufflent comme des hydres, / L'arbre de vie et l'arbre de vie).
Ces références à l'antiquité sont courantes chez
Ted Hughes, tout comme celles à propos de l'alchimie ou l'astrologie qu'il pratiquait. Comme dans « Cave birds : an alchemical cave drama », édition bilingue traduite par
Janine Mitaud (1991, Editions La Différence, 124 p.) dans lequel on revisite les grands mythes primordiaux, envahie par les visions d'un passé dominé par les puissances chtoniennes.
«
Birthday Letters » traduit par
Sylvie Doizelet (2002, Gallimard, 242 p.) comporte 88 poèmes dédiés principalement à
Sylvia Plath. L'ouvrage commence par un poème intitulé « Fulbrigt Scholar » en référence à la bourse que
Sylvia Plath a décrochée pour le « Newnham College » de Cambridge, à où ils se sont rencontrés avant de se marier en1956.
Dans le poème « The Tender Place » (le Lieu Tendre),
Ted Hughes examine la thérapie par électrochocs que Plath a reçue pendant son adolescence. Utilisée comme moyen de lutter contre la dépression et d'autres problèmes de santé mentale, Hughes critique cette vision démodée de la santé mentale. le poème décrit également comment Plath a été mentalement marquée par ce traitement pour le reste de sa vie et cela ne l'a jamais aidée à surmonter sa dépression.
« I dropped a file across / the electrodes / of a twelve-volt / battery -- it exploded / Like a grenade. Somebody wired you up ». (J'ai laissé tomber une lime sur / les électrodes / d'une batterie de douze volts - elle a explosé / comme une grenade. Quelqu'un vous a mis sous tension).
« Terror / Was the cloud of you / Waiting for these lightnings. I saw / An oak limb sheared at a bang. / You your Daddy's leg. How many seizures / Did you suffer this god to grab you / By the roots of the hair ? » (La terreur / Était le nuage de toi / Attendant ces éclairs. J'ai vu / une branche de chêne coupée en un éclair. / Tu es la jambe de ton papa. Combien de crises / As-tu laissé ce dieu t'attraper)
Dans « The Rag Rug » (Le Tapis),
Ted Hughes raconte à quel point il était heureux de voir Plath travailler sur son tapis avant de décrire comment les choses ont changé. « Later (not much later) / Your diary confided to whoever / What furies you bled into that rug. / As if you had dragged, like your own entrails, / Out through your navel ». (Plus tard (pas beaucoup plus tard) / Votre journal s'est confié à qui que ce soit / Quelles furies vous avez saignée dans ce tapis / Comme si tu avais traîné, comme tes propres entrailles, / en dehors, par ton nombril.).
« The Shot » (Le Tir). En utilisant l'image d'une balle, Hughes décrit les déclencheurs possibles du suicide de Plath. Il fait référence à son « papa » comme étant le coupable derrière l'arme, suggérant que sa mort en 1940, alors que Plath n'avait que 8 ans, pourrait avoir été la source de sa dépression. « You were undeflected. / You were gold-jacketed, solid silver, / Nickel-tipped. Trajectory perfect / As through ether. Even the cheek-scar, / Where you seemed to have side-swiped concrete, / Served as a rifling groove / To keep you true ». (Tu n'as pas été détournée. / Tu étais vêtu d'or, d'argent massif, / Pointe en nickel. Trajectoire parfaite / Comme à travers l'éther. Même la cicatrice de la joue, / Où tu semblais avoir glissé sur le côté du béton, / A servi de rainure de fusil / Pour te garder fidèle).
Il compare également Plath elle-même à une « balle à grande vitesse » , car son talent et sa carrière se sont révélés être « Alpha », mais doivent finalement arriver à un point final brutal. Hughes se dégage de toute responsabilité et explique comment son suicide a agi comme une balle qui le traverse maintenant par un effet d'entraînement venant de son père.
Les différentes longueurs des vers « La durée de votre carrière Alpha avec la fureur » créent un rythme brisé et instable et le schéma de rimes est irrégulier et aléatoire, résumant la vie de Sylvia.
« Life After Death » (Vie après la Mort). Dès le premier vers du poème, on peut suggérer que Hughes s'adresse à sa défunte épouse et poète,
Sylvia Plath. Dont le suicide a été commis en février 1963
La première strophe aborde les émotions de leur fils Nicholas, 1 an. En mentionnant leur fille Frieda de 3 ans et comment elle commence à souffrir de la perte de sa mère. Il utilise la métaphore d'une blessure pour montrer la douleur qu'elle ressent dans son coeur et comment il essaie en vain de la guérir au fil des jours. Hughes décrit ensuite comment il se sent lui-même comme s'il avait été pendu, toute vie s'écoulant lentement de lui. « By night I lay awake in my body / The Hanged Man / My neck-nerve uprooted and the tendon / Which fastened the base of my skull / To my left shoulder » (La nuit, je restais éveillé dans mon corps / le Pendu / Mon nerf du cou déraciné et le tendon / qui attachait la base de mon crâne / À mon épaule gauche).
La seconde moitié du poème décrit la nuit, où la famille tente de dormir. Hughes parle des loups qui entourent leur maison et hurlent. « The wolves lifted us in their long voices. / They wound us and enmeshed us / In their wailing for you, their mourning for us, / They wove us into their voices. We lay in your death. / In the fallen snow, under falling snow. ». (Nous avons été réconfortés par les longues voix des loups. / Ils nous ont blessés et nous ont empêtrés / Dans leurs lamentations pour toi, leur deuil pour nous, / Ils nous ont tissés dans leurs voix. Nous reposions dans ta mort. / Dans la neige tombée, sous la neige qui tombe).