Choses vues, tome 2 : 1847-1848

1847
22 avril.


   Élection  de  M. Ampère*.  C'est  un progrès sur les
dernières . Progrès lent. Mais les Académies, comme les
vieux, vont à petits pas.
   Pendant la séance et après l'élection, Lamartine m'a
envoyé par un huissier ces deux vers :

         C'est un état peu prospère
         D'aller d'Empis en Ampère.

Je lui ai répondu par le même huissier :

         Mais le destin serais pis
         D'aller d'Ampère en Empis.


*Jean-Jacques Ampère (1800-1864), qui était le fils du
physicien célèbre et enseignait au Collège de France.
Il était membre de l'Académie des inscriptions et
belles lettres.

p.80

5 décembre 1847 - Les journaux anglais racontent qu'il est arrivé du continent à Hull plusieurs millions de boisseaux d'ossements humains. Ces ossements, mêlés d'ossements de chevaux, ont été ramassés sur les champs de bataille d'Austerlitz, de Leipzig, d'Iéna, de Friedland, d'Eylau, de Waterloo. On les a transportés dans le Yorkshire, où on les a broyés et mis en poudre et de là envoyés à Doncaster, où on les emploie comme engrais.

2055 - [Folio n° 17, p. 188]

J espère dans le peuple,car je crois en Dieu.
Quiconque sera contre le peuple sera contre moi


Je ne suis rien,mais l adhésion des Générations nouvelles fait peut être de moi quelque chose. A terre ,je ne suis qu' une barre de fer;prenez-moi dans vos mains,et je serai un levier.


(Mai 1848)

1848
SANS DATE


   On disait au siècle dernier :
Homme de bien. Homme de génie. Homme de cœur.
Homme d'esprit. Homme de goût. Homme de Dieu.
Homme d'église. Homme de Cour. Homme de loi.
Homme d'épée. Homme de robe. Homme de lettres.
Homme d'État. Homme de guerre. Homme de mer.
Homme du monde. Homme de qualité. Homme de
plaisir. Homme de peine. Homme du peuple. Homme
de peu. Homme de rien.

   À toutes ces locutions reçues, notre siècle* a ajouté
celle-ci : Homme d'argent.


p.254

*seulement " notre " siècle ?!?!

1847
1er mai.


   On vient de  décorer  M. Lurine*, —sans doute, a dit
Alexandre Dumas, parce qu'il a promis de ne plus manger
d'asperges.


* Louis Lurine était journaliste à l'Époque.

p.82