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Critique de khalil-obk


I- La fatalité romantique dans Hernani de Victor Hugo :

1. Hernani et la fatalité, quelles influences externes sur le héros hugolien ?

La fatalité qui poursuit le héros ou l'héroïne d'une pièce de théâtre n'est pas le propre du drame romantique, et encore moins le propre du drame romantique français. L'art dramaturgique a depuis toujours accordé à ce thème une grande importance. D'ailleurs, la plupart de ces héros « maudits » sont aux prises avec le destin ; ils mènent contre lui un combat perdu d'avance.
Dans ses tragédies classiques, le destin vient le plus souvent d'une divinité supérieure, vengeresse, qui s'en prend à un personnage qui ne peut que céder sous son poids. Dans Hernani par contre la fatalité est un enchaînement logique de faits et d'événements que les personnages eux-mêmes, par leurs actions et leurs pensées, alimentent sans s'en rendre compte, inconsciemment. A l'inconscience du héros face à son destin s'oppose sa lucidité qui apparait dans le fait qu'il reconnaît et admet qu'une malédiction, bien que le terme soit trop fort quand il ne s'agit pas de fatalité d'origine divine, le poursuit et cherche, par tous les moyens à le conduire vers sa perte et entrainer avec lui tous ceux qui oseront l'aider à contourner son destin quel qu'il soit.
Un point, cependant, est à ne pas négliger. Il concerne à la fois la tragédie classique et le drame romantique, leur servant à tous deux de point en commun assurant une continuité dans l'écriture dramaturgique française. Ce point concerne le dénouement. En effet, quand la fatalité intervient dans le théâtre, le dénouement est toujours tragique. La fatalité, en somme, « gagne » toujours. Voilà pourquoi nous dîmes plus haut : « Un combat perdu d'avance ».
D'autres exposés suivants aborderont plus en détails ce point, ainsi, sur cette question, nous avons été brefs.
2. Etude comparée de versifications :

Pour illustrer et la divergence et la similitude entre drame romantique et la tragédie classique, nous avons pris trois vers en but de les analyser en terme de versification et en terme de lexique. Notre but, au-delà de sa visée comparative, est de démontrer les influences externes sur l'écriture et le héros hugoliens.
a. le vers d'Oreste dans Andromaque de Racine.
b. le vers 1990 de Hernani.
c. le vers 993 de Hernani.

a- « Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne. »
3 6 3 6
Je | me | li | vre en | av | eugle ||| au | des | tin | qui | m'en | traîne.
césure
- Rythme 3/3 // 3/3
- 1° l'accent principal : « aveugle » : le héros manque de lucidité et, paradoxalement, est lucide puisqu'il est conscient de sa fatalité.
- 1° l'accent secondaire : « livre » : le héros abandonne et cède.
- 2° l'accent principal : « m'entraîne » : le héros ne contrôle plus rien et se laisse faire.
- 2° l'accent secondaire : « destin » : Maitre-mot du vers, il le résume.

b- « Avec ce nom fatal je n'en ai pas fini. »
4 6 4 6
A | vec | ce | nom | fa | tal ||| je | n'en | ai | pas | fi | ni
césure
Rythme : 4/6 // 4/6
1° A.P : « Fatal » : Principal mot du vers ; il le résume.
1° A.S : « Nom » : Symbole de l'origine de la fatalité.
2° A.P : « Fini » : Appuyé par la négation, il signifie que le héros lutte, mais n'arrive pas à vaincre
2° A.S : « Pas » : adverbe de négation désignant la ténacité du destin. N'étant point appuyé par un adverbe de durée tel que ‘toujours' ou ‘encore', il peut avoir comme connotation l'abandon du héros face à son destin.

c- « Agent aveugle et sourd de mystères funèbres. » -ténèbres.
4 6 4 6
A | gent | a | veug | le et | sourd ||| de | mys | tères | fu | nèbres
césure
Rythme : 4/6 // 4/6
1° A.P : « Sourd » : l'accent principal, scindant le vers en deux et marquant une pause, tombe sur le mot sourd, indiquant que la fatalité par son déchaînement prive le héros d'un de ses sens : l'ouïe…
1° A.S : « Aveugle » : l'accent secondaire, marquant une courte pause au sein d'un hémistiche, tombe sur le mot aveugle, ce qui induit que le héros n'est plus lucide face au destin qui le mène vers la mort.
2° A.P : « Funèbres » : Ce terme rappelle la mort de laquelle s'approche Hernani de plus en plus. ‘1° A.S' indique qu'il n'est pas lucide, cependant le terme funèbres indique que le héros est tout de même conscient de l'issue de la « malédiction » qui le poursuit.
2° A.S : « Mystères » : ce mot semble résumer le vers, pour la simple raison qu'il entretient des liens étroits avec les trois adjectifs du vers. le mystère vient donc de la surdité et de la myopie du héros, du détraquement de ses sens, mais il vient aussi de la mort avec tout ce que le terme a de profond : noir, obscurité, abîme…
Synthèse et conclusion partielle :
Le vers de Racine se démarque rythmiquement des deux autres vers de Victor Hugo. Cependant, les trois vers partagent entre eux un vocabulaire plus ou moins similaires. En ce qui concerne la versification, comme nous avons pu le voir, ces vers ne sont pas si loin l'un de l'autre. le héros romantique, en l'occurrence Hernani, et le héros des tragédies classiques, ici Oreste, partagent une même vision par rapport à la fatalité. Mais, le héros romantique est quelqu'un de tiraillé et qui n'arrive pas à se forger une opinion fixe et définitive. Il n'en est pas moins divergent d'Oreste qui est au fond de lui-même quelqu'un de tiraillé, mais qui se refuse à laisser transparaitre ses sentiments profonds, par honneur et par bravoure.
Ces différences sont donc infimes, mais elles existent, et il est donc important de les souligner un tant soit peu.
En effet, au XVIIIe siècle on a rompu avec la fatalité en la confrontant à la raison. Mais l'art romantique français l'a réintroduite dans son paysage théâtral.

3. Entre l'origine et l'issue, vivre la fatalité au jour le jour :
Notre but, à travers ce point, n'est pas de retracer le déroulement de la pièce, mais de rester dans une visée quelque peu comparative entre drame romantique, tragédie classique et théâtre du XXe siècle. Notre point de vue se restreindra, comme nous le dicte le sujet de cet exposé, à l'étude de la fatalité. Dans ce point, troisième et dernier, nous nous pencherons sur la manière avec laquelle vit quotidiennement un personnage dramatique la fatalité qui le poursuit, en supposant évidemment qu'elle le poursuit.
• Dans Hernani : La fatalité apparait dans ce drame comme le fruit d'un hasard. Mais, en vérité, elle obéit à une logique implacable. Elle agit à travers les personnages, car chacun de leurs agissements les conduits inconsciemment à affronter une fatalité qu'ils alimentent eux même. En aimant Dona Sol, le duc, le roi et Hernani, savent obstinément qu'ils ne pourront éviter de s'affronter les uns les autres. le duc et le roi ne croit pas à une fatalité les traquant, et pour cause, ils ne l'ont pas connue dès leur naissance, comme c'est le cas de Hernani, mais ils l'ont contractée au cours de leur vie. Une chose est tout de même à remarquer, le roi Don Carlos est né également avec une sorte de malédiction puisqu'il porte sur ses mains, sans le vouloir, le sang du père de Hernani. Un sang qui doit être vengé.
Hernani se démarque de ces personnages, car contrairement à eux il reconnait son destin « funèbre ». Il se trouve tiraillé entre l'origine et l'issue de son fatum ; entre « le berceau sanglant » et « [son] chemin fatal » (v. 1003)
• Il est également conscient que la fatalité qui le mène vers la mort est contagieuse. En rajoutant ce détail, Victor Hugo complique l'existence de son héros. Hernani est ‘entiché' de Dona Sol et, en même, sûr que son destin la ‘contaminera' irrémédiablement. Il est donc face à un dilemme qui le tiraille et rend plus aigüe son instabilité intellectuelle et sentimentale.
• Vivre son destin, sa fatalité, s'exprime dans les tragédies classiques par une difficulté suprême. Car, si le héros romantique affronte une force obscure et naturelle, le héros des tragédies, lui, est confronté à la force vengeresse des dieux qu'il sait inextricable et labyrinthique.

• Faisons désormais un saut dans le temps et partons vers des pièces de théâtre plus récentes, en particulier celle de Beckett, intitulée Fin de partie. Dans cette pièce justement, l'absence du destin et de la fatalité, ou de ce qu'on pourrait appeler ‘la fin', marque toute une rupture avec le théâtre classique et romantique. Puisque dans l'univers beckettien la fatalité n'existe plus, le personnage doit l'inventer. Et de cette invention surgissent d'autres subdivisions de la fatalité, tels que le suicide, le handicap, le reniement de Dieu…
Conclusion partielle et conclusion finale :
La fatalité a donc toujours été au centre du théâtre dramatique et tragique. Et comme le prouve l'exemple susmentionné, on ne peut s'en passer. Ce thème est donc, permettez-nous de rappeler notre introduction, celui qui a donné au théâtre ses lettres de noblesse. Hernani n'est pas vraiment représentatif de la surpuissance de la fatalité. L'absurde est, me semble-t-il, le sommet de l'usage de la fatalité dans le théâtre. Car ce courant l'a effacée, a essayé de la marginaliser, mais sa tentative resta veine.
Cette fatalité, que ce soit au théâtre ou dans l'art romanesque, semble s'être érigée en grande matière à profusion littéraire. On peut dire qu'elle convoite, depuis sa reprise par le romantisme, les grands thèmes intemporels : l'amour, la guerre, l'aventure, le crime, le suicide…

Conclusion définitive :
Nous espérons avoir éclairé plusieurs de vos interrogations et avoir répondu à vos doutes par des explications que nous souhaitons claires et exhaustives. Ce modeste travail rejoint les travaux de nos camarades sur plusieurs sujets aussi divers et intéressants les uns que les autres. Cet exposé constitue donc l'avant dernière pièce de tous les exposés qui ont été et qui seront présentés en classe.
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