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Critique de berni_29


L'homme qui rit, c'est une déchirure sur le visage d'un enfant qui en restera marqué à vie. C'est la déchirure indélébile qui crée la monstruosité sur le visage de cet enfant et n'enlève en rien son humanité. Bien au contraire...
J'aime beaucoup l'oeuvre de Victor Hugo, ses romans, sa poésie, ses pièces de théâtre. Mais par-dessus-tout, un récit se dégage dans cet amour, celui-ci, L'homme qui rit, je ne sais pas encore pourquoi. Victor Hugo est un auteur immense, généreux, humaniste, empli de contradictions, entier.
C'est un roman noir très noir, mais pas forcément au sens où on l'entend aujourd'hui. Il y a aussi dans ces pages sombres beaucoup de lumière.
C'est l'histoire d'un enfant, Gwynplaine, marqué à jamais par une cicatrice que des brigands lui ont infligé en lui déchirant son visage de part en part et qui lui donne en permanence une étrange façon de sourire, un sourire figé dans une grimace. C'est cette grimace qui porte le roman et en fait une des oeuvres les plus belles et les plus émouvantes de Victor Hugo.
Gwynplaine est un enfant mutilé, destiné à devenir par cette cicatrice l'homme qui rit, à être sans cesse comique au dehors et tragique au-dedans. Il est hideux jusqu'à la fin de son existence, mais sa laideur cache une beauté intérieure sublime.
J'ai aimé cette prose magnifique qui concilie la blancheur de l'innocence au côté sombre de la monstruosité. Je sais bien que ce côté binaire peut paraître simpliste, mais sous la plume de Victor Hugo, cela en fait un chef d'oeuvre. C'est pour moi un roman énorme dans tous les sens du terme.
Victor Hugo fait entrer dans ce livre la pureté et l'innommable. C'est là tout l'art de cet écrivain, que celles et ceux qui l'admirent comme moi sauront reconnaître. En écrivant cette chronique, je me demande même si notre monde a changé depuis l'époque où Victor Hugo a situé son récit. L'humanité est-elle si différente trois siècles plus tard ?
Tout commence par l'abandon d'un enfant de dix ans par des brigands sur une côte anglaise en janvier 1690.
Au départ, Gwynplaine est abandonné sur le rivage par les Comprachicos, ceux qui achètent des enfants pour les défigurer et puis les revendre. L'enfant marche péniblement dans la neige avec une obstination admirable. C'est l'hiver, une saison qui indigne Victor Hugo par-dessus tout, parce qu'elle fait souffrir les pauvres gens, et ça Victor Hugo ne le supporte pas.
Il va rencontrer une petite fille dans la neige, qui s'appelle Dea, elle a un an et est aveugle. Sa mère est morte à cause du froid. Gwynplaine la recueille.
Comme elle est aveugle, Dea ne voit pas le visage de Gwynplaine, le visage d'un monstre qu'elle va aimer parce qu'elle ne le voit pas et qu'il a une âme sublime.
Dea est une étoile tombée du ciel. Elle est une étoile dans le ciel de Gwynplaine.
Oui je sais, présenté comme cela, la situation paraît un peu fleur bleue. Mais c'est sans compter sur le souffle lyrique et politique de Victor Hugo, indigné par la misère, l'inégalité sociale.
Et c'est cela qui va conduire Gwynplaine à se saisir d'un destin fabuleux, de devoir franchir les méandres d'une intrigue vertigineuse, pour notre plus grand plaisir.
Les enfants sont recueillis par Ursus le saltimbanque, philosophe de surcroît, généreux, qui sillonne les routes d'Angleterre avec sa vieille guimbarde et son compagnon de loup, Homo. Il décide de recueillir ces deux enfants perdus, abandonnés, malgré le peu qu'il a à partager.
Ce n'est pas un hasard si l'une des premières scènes du livre est celle d'un gibet, dans une description horrible. Sous l'effet du vent le gibet s'agite, les corbeaux s'acharnent pour dévorer les quelques morceaux de chairs qui battent dans le vent. Victor Hugo s'élève contre la peine de mort depuis longtemps. C'est sa manière ici de poursuivre son combat humaniste.
C'est un roman sur la monstruosité humaine. Mais les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit. Alors que la laideur de Quasimodo était un hasard de la nature, la disgrâce de Gwynplaine est un forfait de l'homme et par ordre du roi, à cause d'une filiation gênante. C'est bien ainsi que Victor Hugo pose l'objet de ce livre. La cicatrice de Gwynplaine est le fait des hommes et du pouvoir.
C'est la symbolique du peuple transformé en monstre par les puissants, par la monarchie. On pourrait presque transposer cela, ici et maintenant.
C'est un livre qui questionne l'humanité, ce qu'elle est, là où elle se trouve parmi la monstruosité de nos vies. On dirait presque que ce roman n'a pas pris une ride deux siècles plus tard, qu'il est incroyablement actuel.
Il me semble important de lire et relire cette oeuvre lucide. Victor Hugo parle de notre présent à quelques distances de nous. J'ai l'impression que ce roman continue de questionner ce que nous sommes.
Qu'en pensez-vous ?
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