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EAN : 9782012578739
52 pages
Hachette Livre BNF (01/06/2012)
3.95/5   22 notes
Résumé :
Les Orientales est une oeuvre poétique de Victor Hugo publiée en 1829. Ce recueil, composé de quarante et un poèmes, est écrit entre 1827 et 1828. C'est un ouvrage très marqué par le philhellénisme de l'époque en soutien à la Grèce (Navarin, Enthousiasme, l'Enfant), en quête de son affranchissement de la domination turque. La révolte grecque qui éclate en 1821 et se prolonge jusqu'en 1827 est une lutte de libération. Mais ce n'est pas par la guerre seule que l'Orien... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Retour en arrière dans la chronologie de l'oeuvre poétique de Victor Hugo, c'est sur la très belle lecture des Contemplations que je l'avais quitté. Je le retrouve aujourd'hui avec une oeuvre de jeunesse, Les Orientales.

En 1828, Victor Hugo a 26 ans lorsqu'il écrit la plupart des poèmes du recueil qui sera publié l'année suivante à Paris.

Dans la France du début du XIXème siècle, le milieu littéraire et artistique se passionne pour l'Orient. Ce nouvel engouement trouve entre autres son origine dans la guerre d'indépendance (1821-1829) que mène la Grèce contre l'Empire ottoman alors en déclin. Ce conflit va éveiller chez beaucoup tout un imaginaire inspiré par le romantisme alors très en vogue.

Dans sa préface au recueil, Hugo écrit : « Les études orientales n'ont jamais été poussées si avant […]. Il résulte de tout cela que l'Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale à laquelle l'auteur de ce livre a obéi peut-être à son insu ».

Chez Hugo, l'Orient est un espace assez vaste, associé à tout le pourtour méditerranéen, qui va du vaste Empire ottoman, aux pays du Levant (le Moyen-Orient actuel), de l'Egypte jusqu'à l'Espagne des Maures. Un long détour, des lieux disparates dans lesquels pourtant, Victor Hugo n'a jamais mis les pieds...

Les Orientales commencent par une référence biblique, celle du châtiment que Dieu inflige aux cités de Sodome et Gomorrhe. Long poème fait de noirceur et de désastre… Les poèmes suivants ne sont pas moins sombres. Ils relatent la guerre d'indépendance menée par la Grèce, dépeinte par de nombreuses références historiques. Plus loin, c'est l'Egypte (« le Feu du ciel ») puis l'Espagne sous emprise des Maures (« Grenade ») qui sont évoquées dans toute leur magnificence.

D'autres poèmes suivent, pleins de descriptions, d'images de pirates, de villes assiégées, de femmes captives, de sérails, de navires de guerre en perdition, de la mer, de djinns (saisissant), de sultans, de beautés juvéniles, de palais et de minarets, de royaumes perdus, d'éléphants, de serpents, etc. Tout un monde prodigieux !

Dans le dernier quart du recueil, Victor Hugo semble infléchir son propos, quitter peu à peu le thème de l'Orient (des poèmes comme « Fantômes », « Mazeppa » ou encore « le Danube en colère » le prouvent). Puis, comme au souvenir d'un long voyage, il exprime ses regrets. Ainsi dans ces vers extraits de Novembre :

« […]
Devant le sombre hiver de Paris qui bourdonne,
Ton soleil d'orient s'éclipse, et t'abandonne,
Ton beau rêve d'Asie avorte, et tu ne vois
Sous tes yeux que la rue au bruit accoutumée,
Brouillard à ta fenêtre, et longs flots de fumée
Qui baignent en fuyant l'angle noirci des toits.

Alors s'en vont en foule et sultans et sultanes,
Pyramides, palmiers, galères capitanes,
Et le tigre vorace et le chameau frugal,
Djinns au vol furieux, danses des bayadères,
L'arabe qui se penche au cou des dromadaires,
Et la fauve girafe au galop inégal.

Alors, éléphants blancs chargés de femmes brunes,
Cités aux dômes d'or où les mois sont des lunes,
Imans de Mahomet, mages, prêtres de Bel,
Tout fuit, tout disparaît. Plus de minaret maure,
Plus de sérail fleuri, plus d'ardente Gomorrhe
Qui jette un reflet rouge au front noir de Babel !

C'est Paris, c'est l'hiver. ― À ta chanson confuse
Odalisques, émirs, pachas, tout se refuse.
Dans ce vaste Paris le klephte est à l'étroit ;
Le Nil déborderait ; les roses du Bengale
Frissonnent dans ces champs où se tait la cigale ;
À ce soleil brumeux les Péris auraient froid.

Pleurant ton Orient, alors, muse ingénue,
Tu viens à moi, honteuse, et seule, et presque nue.
— N'as-tu pas, me dis-tu, dans ton coeur jeune encor
Quelque chose à chanter, ami ? car je m'ennuie
À voir ta blanche vitre où ruisselle la pluie,
Moi qui dans mes vitraux avais un soleil d'or ! ―
[…] »


Dans un style plein de verve et d'exaltation, de rêverie aussi, Victor Hugo donne de l'Orient une vision épique, romantique et très idéalisée. L'Orient est pour lui un prétexte tout personnel pour faire parler son art.
Si dans l'oeuvre poétique de Victor Hugo ma préférence va aux Contemplations, il y a dans Les Orientales une liberté et une maîtrise des rythmes, des sons et des images qui captivent et rendent déjà compte de son génie littéraire.
Une échappée belle où la réalité se fait onirique et poétique, où l'écriture devient inoubliable.

« Rêverie -

Oh ! laissez-moi ! c'est l'heure où l'horizon qui fume
Cache un front inégal sous un cercle de brume,
L'heure où l'astre géant rougit et disparaît.
Le grand bois jaunissant dore seul la colline.
On dirait qu'en ces jours où l'automne décline,
Le soleil et la pluie ont rouillé la forêt.

Oh ! qui fera surgir soudain, qui fera naître,
Là-bas, - tandis que seul je rêve à la fenêtre
Et que l'ombre s'amasse au fond du corridor, -
Quelque ville mauresque, éclatante, inouïe,
Qui, comme la fusée en gerbe épanouie,
Déchire ce brouillard avec ses flèches d'or !

Qu'elle vienne inspirer, ranimer, ô génies,
Mes chansons, comme un ciel d'automne rembrunies,
Et jeter dans mes yeux son magique reflet,
Et longtemps, s'éteignant en rumeurs étouffées,
Avec les mille tours de ses palais de fées,
Brumeuse, denteler l'horizon violet ! »

.
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Victor Hugo marque avec ce recueil datant de 1829, une rupture nette avec les poètes qui le précédent, donnant un souffle puissant aux mots, ses vers respirant l'exotisme, l'Orient mystérieux, mais aussi un lyrisme de combat aux accents romantique et transcendant. Evoquant avec gravité et colère la lutte acharnée et désespérée des Grecs pour se libérer du joug Ottoman, il dresse une multitude de petits tableaux racontant l'épopée glorieuse de ce peuple contre l'envahisseur, utilisant les paysages, les coutumes, les femmes, les hommes et même l'amour dans des saynètes poétiques, aux rebondissements pittoresques, offrant au lecteur un dépaysement aventureux au coeur de cet Orient méditerranéen. Si ses vers sont une ode à la beauté de ces contrées balkaniques aux charmes enchanteurs, malgré la tragédie qui s'y déroule, L'auteur n'en oublie pas de faire parfois, un parallèle avec la France et son régime monarchiste autoritaire, en célébrant la liberté, l'art et le besoin pour le poète de s'exprimer partout en toute indépendance créative.
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Paru en 1829, ce recueil rassemble des poèmes qui ont été écrit pour certains quatre ou cinq ans auparavant. L'inspiration générale est « orientale », et l'actualité pro-hellénique (la guerre des grecs contre les Turcs (1821-1829) est en passe de se terminer à l'avantage des premiers) ne doit pas prêter à confusion. Dans sa préface, Victor Hugo prend les devants : « Si donc aujourd'hui quelqu'un lui demande (à l'auteur de ces lignes) à quoi bon ces Orientales ? … il répondra qu'il n'en sait rien, que c'est une idée qui lui a pris ; et qui lui a pris d'une façon assez ridicule, l'été passé, en allant voir coucher le soleil ». Un examen attentif montre en effet que s'il y a effectivement des poèmes « pro-grecs », d'autres sont plus nuancés, et s'attachent à montrer un Orient mythique, plus près des Mille et une nuits que de l'actualité. En fait, ce que revendique l'auteur, c'est une oeuvre de pure poésie où il peut montrer toute l'étendue de son savoir-faire. Cela dit, et quoi qu'il en dise lui-même, il « surfe » sur l'actualité, et la date de sortie du volume en librairie n'est pas neutre : le recueil parait le 19 janvier 1829, au moment même où le corps expéditionnaire français est de retour, après avoir chassé Ibrahim Pacha, le gouverneur turc de la région. La liberté toute neuve des Grecs (qui sera concrétisée un an après (février 1830) par la déclaration d'indépendance, n'est donc pas étrangère à ce recueil qui se signale par son exotisme, bien entendu, mais aussi par sa diversité poétique, parfois fantaisiste, parfois pathétique et émouvante, souvent sensuelle, et servie par une virtuosité qu'on devinait dans les Odes et ballades, et qui ici se débride complètement.
Des 41 poèmes qui composent ce recueil, plusieurs figurent dans le florilège de Victor Hugo :
« Chanson de pirates » (mis en musique par Claude Nougaro) :
Nous emmenions en esclavage
Cent chrétiens, pêcheurs de corail ;
Nous recrutions pour le sérail
Dans tous les moûtiers du rivage…

Ou encore :
« Clair de lune »
La lune était sereine et jouait sur les flots. –
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.

Ou encore :

« L'enfant »
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses côteaux, ses palais, et le soir quelquefois,
Un coeur dansant de jeunes filles…

Ou encore ce prodige d'inventivité poétique :

« Les Djinns »

Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort…

Les amateurs d'histoire littéraire reconnaîtront dans l'épigraphe du poème « Cri de guerre du mufti » l'appel à la révolution romantique de la « bataille d'Hernani » : « Hierro, despierta te ! Fer, réveille-toi ! (Cri de guerre des Almogavares) ».

Un magnifique recueil, que l'on peut lire en jetant un oeil de temps en temps sur les tableaux de Delacroix : « Scènes des massacres de Scio » (1824) ou « La Grèce sur les ruines de Missolonghi » (1826)






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Au début du XIXeme siècle, avec les guerres napoléoniennes en Egypte et l'intervention des forces européennes pour la lutte d'indépendance de la Grèce contre l'Empire ottoman qui l'occupe depuis plusieurs siècles, les Occidentaux redécouvrent pleinement le lointain Orient que déjà les turqueries au temps de Louis XIV et la traduction couronné de succès d'Antoine Galland des contes des Milles et une Nuits, la première incursion des légendes de Sinbad et autres Aladdin à notre continent. Cette fascination mêlée à la curiosité de ces terres perçues comme exotiques donne lieu au courant artistique de l'orientalisme dont les artistes s'en donnent coeur joie. C'est ainsi qu'un jeune Victor Hugo, qui n'est que poète et pas encore le génial romancier et dramaturge fait ses preuves d'armes avec ce recueil poétique sur l'Orient, nommé tout sommairement Les Orientales et qui est tout un condensé orientaliste où s'exprime déjà le talent d'un futur monstre de la littérature française.
Quarante-uns poèmes nous emmènent dans le vaste paysage onirique d'un Orient fantasmé, qui va des Balkans jusqu'à l'Espagne arabo-andalouse où sensualité et violence se côtoient aisément et que des images évocatrices se livrent à nous de toute beauté : les harems où languissent des femmes voluptueuses allongées sur leurs fauteuils, les pachas magnanimes et cruels en même temps qui rougissent la lame de leurs sabres tranchants, le désert immense où voyagent les dromadaires et que voltigent les Djinns et que dans les îles flamboyantes des cadavres gisent et que les têtes sont coupés pour être arboré dans les portes d'un palais... c'est une rêverie charmante que nous dessine Victor Hugo qui pour rappel n'est jamais allé en Orient et ne se base sur des textes et des oeuvres d'arts, mais malgré ce manque de réalisme on est emporté par l'opulence et la splendeur des vers ciselés. Car le décor oriental sert aussi à peaufiner les formes poétiques et on le voit bien avec le fameux poème des Djinn à l'inventivité verbale et la musicalité évidente.
Mais quelques poèmes ne sont pas de simples fantaisistes langoureuses mais qui dénoncent et tempètent sur les horreurs des guerriers turcs sur la populace grecque, qui reflète la vague hellenistique que suscite l'indépendance grecque. Toutefois, parfois Victor Hugo loue aussi l'énergie et la vaillance des turcs qui versent aussi dans une mélancolie particulière et qui annoncent par la suite les Feuilles d'Automnes.
C'est un récueil à lire pour s'immerger dans un autre monde et pour savourer l'éveil d'un poète suprême. Mais surtout voir comment est perçu de manière artistique un Orient qu'on admire pour son étrangeté et qui n'est pas encore redouté comme l'est cette partie du monde aujourd'hui.
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Un recueil de poésies d'un Victor Hugo qui est encore un jeune poète, pas encore le maître et le chef du romantisme au théâtre. Il cherche donc peut-être de nouvelles formes pour se faire connaître et révolutionner l'art. On le voit dans la musicalité des vers, avec un jeu très poussé sur les sonorités et sur les longueurs - le poème "Djinns" est assez connu pour cela, à juste titre, il faut le lire à voix haute.
J'ai aussi bien apprécié la préface, où il se justifie de choisir l'Orient, pour ses images évocatrices - on est en plein dans ce que Edward Saïd nommera l'orientalisme. C'est d'ailleurs un orient qui va de l'Espagne au Danube, en passant par l'Empire ottoman, les Balkans plus que le Maghreb. Effectivement, rien ne manque, du sable du désert, aux fontaines des oasis, des esclaves voluptueuses du harem, à la peau cuivrée ou diaphane, aux sabres dégoulinant de sang noir et rouge, dans un croisement incessant entre sensualité - qui est presque de l'érotisme - et violence, de l'héroïsme des Grecs aux massacres des conquérants turcs...
Car oui, ce recueil s'inscrit dans un contexte, la vague d'hellénisme qui touche l'Occident suite aux combats pour l'indépendance de la Grèce - des références qui m'ont parfois manqué. Enfin, il est révélateur de l'évolution politique de Hugo : le poème "Lui" montre que tout ramène au géant de ce siècle, Napoléon. Même en parlant d'Orient, le poète pense au conquérant.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
L'Enfant
(8 au 10 juillet 1828)

Les turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l'onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n'ont pas subi l'affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d'avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d'Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu'un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
— Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
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LES DJINNS

Murs, ville,
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit !

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche.
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit ;
Comme un bruit de foule,
Qui tonne et qui roule,
Et tantôt s'écroule,
Et tantôt grandit,

Dieu ! la voix sépulcrale
Des Djinns !... Quel bruit ils font !
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond.
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe,
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant !
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau, lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près ! - Tenons fermée
Cette salle, où nous les narguons.
Quel bruit dehors ! Hideuse armée
De vampires et de dragons !
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée
Tremble, à déraciner ses gonds !

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure !
L'horrible essaim, poussé par l'aquilon,
Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon !

Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs !

Ils sont passés ! - Leur cohorte
S'envole, et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés !

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît,
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle,
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor ;
Ainsi, des arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leurs pas ;
Leur essaim gronde :
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord ;
C'est la plainte,
Presque éteinte,
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute : -
Tout fuit,
Tout passe
L'espace
Efface
Le bruit.


(Les Orientales – 1829)
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Nous avons aujourd'hui un savant cantonné dans chacun des idiomes de
l'Orient, depuis la Chine jusqu'à l'Égypte.

Il résulte de tout cela que l'Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu, pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale à laquelle l'auteur de ce livre a obéi peut-être à son insu.

Les couleurs orientales sont venues comme d'elles-mêmes empreindre toutes ses pensées, toutes ses rêveries; et ses rêveries et ses pensées se sont trouvées tour à tour, et presque sans l'avoir voulu, hébraïques, turques, grecques, persanes, arabes, espagnoles même, car l'Espagne c'est encore l'Orient; l'Espagne est à demi africaine, l'Afrique est à demi asiatique.
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La lune était sereine et jouait sur les flots.
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
Extrait de "Clair de lune"
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EXTASE

J’étais seul près des flots, par une nuit d’étoiles.
Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles.
Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.
Et les bois, et les monts, et toute la nature,
Semblaient interroger dans un confus murmure
Les flots des mers, les feux du ciel.

Et les étoiles d’or, légions infinies,
À voix haute, à voix basse, avec mille harmonies,
Disaient, en inclinant leurs couronnes de feu ;
Et les flots bleus, que rien ne gouverne et n’arrête,
Disaient, en recourbant l’écume de leur crête :
― C’est le Seigneur, le Seigneur Dieu !
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