Quand la moralité publique s'éclipse, il se fait dans l'ordre social une ombre qui épouvante.
Toutes les garanties s'en vont, tous les points d'appui s'évanouissent.
Que peut-il ? Tout.
Qu'a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance,
en huit mois un homme de génie
eût changé la face de la France,
de l'Europe peut-être.
Seulement voilà, il a pris la France
et n'en sait rien faire.
Dieu sait pourtant que le Président se démène :
il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ;
ne pouvant créer, il décrète ; il cherche
à donner le change sur sa nullité ; c'est
le mouvement perpétuel ; mais, hélas !
cette roue tourne à vide.
L'homme qui, après sa prise de pouvoir
a épousé une princesse étrangère
est un carriériste avantageux.
Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots,
ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.
Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort.
Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse.
Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit
et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme,
il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise.
On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds,
lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue !
Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde,
d'un homme médiocre échappé.
La situation présente, qui semble calme à qui ne pense pas, est violente, qu'on ne s'y méprenne point. Quand la moralité publique s'éclipse, il se fait dans l’ordre social une ombre qui épouvante.
Il y a donc dans une boutique où se fabriquent les lois et les budgets un maitre de maison, le conseil d'état, et un domestique, le corps législatif.
Aux termes de la Constitution, qui est-ce qui nomme le maitre de maison? M Bonaparte. Qui est-ce qui nomme le domestique? La Nation. C'est bien.
Le grand talent de Napoléon Bonaparte est le silence (...) Il ne parle pas, il ment (...) Machiavel a fait des petits, il en est un (...) Il ne fait rien (...) Il cherche à donner le change sur sa nullité (...) Qui est à l'Elysée et aux Tuileries? Le crime. Qui siège au palais Bourbon? L'imbécilité. Qui siège au palais d'Orsay? La corruption (...) Nous ne nous laisserons pas abattrent (...) L'avenir c'est la République pour tous, la paix avec tous.
A certaines périodes de l'Histoire, il y a des pléiades de grands hommes; à d'autres époques, il y a des pléiades de chenapans.
Ne tombons pas dans le travers vulgaire qui est de maudire et de déshonorer le siècle où l’on vit. Érasme a appelé le seizième siècle « l’excrément des temps », fex temporum ; Bossuet a qualifié ainsi le dix-septième siècle : « temps mauvais et petit » ; Rousseau a flétri le dix-huitième siècle en ces termes : « cette grande pourriture où nous vivons ». La postérité a donné tort à ces esprits illustres.
Désespérer, c'est déserter.
Maintenant faites déclarer par sept millions cinq cent mille voix que 2 et 2 font 5, que la ligne droite est le chemin le plus long, que le tout est moins grand que la partie ; faites-le déclarer par huit millions, par dix millions, par cent millions de voix, vous n’aurez point avancé d’un pas. Eh bien, ceci va vous surprendre, il y a des axiomes en probité, en honnêteté, en justice, comme il y a des axiomes en géométrie, et la vérité morale n’est pas plus à la merci d’un vote que la vérité algébrique.