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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici mon roman favori de Hugo. C'est celui qui m'a fait la plus belle impression, malgré la très vive concurrence que lui font Les Misérables et de Notre-Dame de Paris.
Je suis conscient de la singularité de ma préférence et j'aimerais tenter de vous la faire comprendre.
Tout cela tient à ma perception de Hugo. Pour moi, c'est l'homme magistral des lettres françaises. À mon avis, il a su, mieux que personne, écrire en prenant une perspective à la fois élevée et pleine d'une compréhension généreuse et touchante. Cette particularité tient du génie, du miraculeux. Je ne crois pas qu'on puisse l'expliquer. Il a pu disposer d'un esprit tout naturellement grand, exactement comme d'autres disposent d'une grande taille, d'une grande fortune, etc., c'est tout.
Cette grandeur se manifeste de la manière la plus parfaite dans ses poèmes, mais je la sens même dans ses pamphlets, ouvrages dont le style et les sujets sont, par définition, on ne peut plus terre à terre. Et parmi ses romans, celui où cette particularité, qui fait pour moi le charme unique des ouvrages de Hugo, apparaît de la manière la plus éclatante, c'est Quatrevingt-treize.
Hugo s'est très bien documenté sur la période de la terreur pour écrire ce livre, dont l'horizon est la lutte entre révolutionnaires et monarchistes. Malgré ses convictions personnelles favorables à la révolution, Hugo dépasse sa perspective de simple citoyen pour exposer d'une manière juste et généreuse les tares et qualités de chacun des partis.
On s'y sent, tout en douceur, transporté en survol au-dessus des évènements terribles de cette période troublée.
Un pur délice.
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Je viens de découvrir tardivement mais avec bonheur ce qui fut le dernier roman de Victor Hugo. Quatrevingt-treize claque comme une date fatidique, celle de la Terreur, cette courte mais fulgurante période de l'Histoire de France que certains ont résumé par ces seuls adjectifs : affreuse, inévitable, nécessaire...
« Les Révolutions font un bien éternel dans leur mal passager. » J'aimerais tant y croire.
La Terreur, c'est la réplique de la Monarchie dans toute son horreur absolue, mais sans doute pire encore... Alors, forcément sous la plume de Victor Hugo, cela prend des proportions gigantesques.
Quatrevingt-treize , c'est une béance, l'écart, le pas de côté, la suspension du temps qui fait L Histoire, le temps qui sort de ses gongs, la violence des éléments déchaînés et des astres qui se cognent entre eux, puis le temps qui se retire et revient comme une vague après la tempête.
Quatrevingt-treize décrit les affres d'un pays déchiré entre révolutionnaires, contre-révolutionnaires révoltés, la difficulté de faire avancer de concert Revolution et République, au-delà de cette date fatidique.
Quatrevingt-treize, c'est tout d'abord une affiche de choc, le casting de rêve. Trois géants, trois titans assoiffés d'idéal et de pouvoir, - Robespierre, Danton, Marat, sont à la manoeuvre pour tenter de faire survivre la Révolution française et le rêve républicain, mais à quel prix ? Ils ont chacun une vision différente du chemin pour y parvenir. La Convention est en place animée par la férocité du devoir, la tyrannie de l'exigence, tenir le désir collectif et le transcender. L'ombre de la guillotine se dessine à chaque instant dans ce contexte politique effroyable dont Victor Hugo a su saisir toute l'ambiguïté : comment expliquer que d'un élan collectif généreux viennent ensuite la peur et le sang pour faire survivre cette cause , comment nous convaincre que sur ce chaos de la barbarie puisse se construire un jour la civilisation ?
Si je devais exprimer une seule citation du roman qui le résume avec force, ce serait celle-ci : « Ce qui fait la nuit en nous peut laisser en nous les étoiles. »
J'ai tenté de saisir au cours de ma lecture les rayons de lumière de ces pages, d'avancer dans les ténèbres de ce texte et j'en ai été ébloui.
Victor Hugo va entrelacer les itinéraires de trois personnages essentiels du roman dans le fracas de la grande Histoire et c'est là que le roman prend une dimension vertigineuse et magistrale.
De ces trois personnages, le peintre qu'est Victor Hugo va en saisir avec sa palette toutes les nuances entre le blanc et le noir.
Car le clair-obscur de Victor Hugo, ce n'est pas le clair d'un côté et l'obscur de l'autre. C'est le ciel étoilé dans la tempête et le bateau qui tangue, laissant tour à tour se nouer et se dénouer les vagues, écarter et entrelacer les nuages, faire dégringoler la lumière, la dompter et l'apaiser...
La lumière et l'ombre sont partout, la lumière et les ténèbres, presque à chaque page de ce récit et se répondent comme si c'était un dialogue. Au-delà du fameux clair-obscur un peu réducteur pour enfermer le jeu d'écriture de Victor Hugo, cela n'est en rien manichéen. Tout est plus nuancé et imbriqué qu'il n'y paraît.
La Révolution, c'est une tempête, peut-être la tempête qui rince les pages du début du roman, qui nettoie le ciel et bouscule l'océan, la fureur du souffle et le ciel étoilé qui revient plus tard, une fois le ciel lavé de toute cette tourmente.
Alors ces trois personnages, qui sont-ils ? Non pas Robespierre, Danton, ni Marat. Eux sont là en arrière-plan pour planter le décor historique. Non, Victor Hugo va convoquer des acteurs du terrain qu'il a à peine imaginés, des héros dont la grande Histoire ne retiendra sans doute pas les noms et les faits...
Le marquis de Lantenac, royaliste, apparaît dès le début comme un personnage cruel et sans concession, prêt à faire fusiller femmes et enfants sans scrupules. Il est la monarchie même dans son horreur et dans son aspect impitoyable, pourtant dans la suite du roman il va se révéler bien plus noble et vertueux qu'il n'est en réalité...
Cimourdain est ce prêtre qui a rejoint la cause révolutionnaire, sa vision de la République est absolue, elle est en miroir celle de la royauté dans son horreur, impitoyable et sans concession. Pourtant dans son idéal de vie, j'ai aimé son côté pygmalion, c'est lui qui a éduqué et peut-être fait ce qu'il est cet enfant qui a grandi sous son ombre, au nom de Gauvin.
Gauvain, justement, bien qu'issu d'un milieu monarchiste, a choisi également le camp républicain, il a une vision plus clémente du monde tel qu'il le rêve. Il est le neveu du marquis de Lantenac, ce qui montre ici le déchirement des familles. Comment ne pas voir tout au long du roman la figure d'Hugo dans ce personnage d'archange épris d'humanité ?
Ils rassemblent à eux trois tout le spectre qui oscille entre violence et clémence, entre barbarie et héroïsme.
Et puis il y a cette jeune mère, Michelle Fléchard et ses trois chérubins perdus dans une forêt bretonne, découverts au détour d'une embuscade dans le trou d'un fourré par le bataillon du Bonnet-Rouge.
Sa trajectoire traverse celle de la guerre civile qui met à feu et à sang l'ouest de la France, de la Normandie à la Vendée en passant par la Bretagne.
Plus tard le corps traversé par les balles royalistes qui ne l'ont pas tuée, elle va se relever, marcher pieds nus dans la forêt et sur les chemins à la recherche de ses trois chérubins enlevés. Elle se moque bien de savoir de quels côtés sont le bien et le mal, elle veut à toute force les retrouver, c'est une quête farouche, animale qui la fait tenir debout, comme une louve...
C'est une mère, elle incarne toutes les mères, toutes les victimes qui meurent sans distinction d'opinions. C'est à elle seule le peuple opprimé qu'aime décrire Victor Hugo, ce peuple ici déchiré par la guerre civile, car la misère est des deux côtés, ce sont les pauvres gens...
Ses enfants sont là-bas, enfermés dans la Tourgue, cette sorte d'édifice médiéval perdu aux confins d'une forêt vendéenne où va se jouer une seconde fois la prise de la Bastille si loin de Paris.
Il y a quelque chose d'homérique dans cette bataille que s'apprêtent à se livrer ces extrêmes impossibles à réconcilier et d'où va surgir le théâtre essentiel du roman, là où Victor Hugo invite ses personnages à vouloir tout autant chercher l'affrontement que la clémence, dans ce souffle ultime qui peut encore sauver la Révolution. C'est comme un battement de coeur dans l'irruption du fer et du feu que vont croiser ses hommes presque ordinaires et qu'un idéal de vie va jeter au champ d'honneur, avec cette dimension irrationnelle et absurde que portent toutes les guerres et encore plus les guerres civiles, celles qui jettent femmes et enfants dans la boue des talus.
On aura beau dire que Victor Hugo c'est grandiloquent, que Victor Hugo c'est une langue excessive, lyrique, démesurée. Oui, tout ceci est vrai, mais ce qui est vrai aussi, c'est qu'il est un écrivain énorme au sens premier du terme. Ce qui est vrai aussi, c'est que j'ai été emporté dans le tumulte de ses mots et sa façon de me raconter une histoire.
La fin du récit est tout simplement sidérante, vaut tous les plaidoyers contre la peine de mort...
Quatrevingt-treize, c'est une écriture romanesque, poétique, vertigineuse, qui prend le parti de l'humanité, le seul parti qui vaille la peine de se battre.

Merci à mes compagons de voyage pour cette aventure collective vers deux livres hors-norme du père Hugo qui ne l'est pas moins. Les chemins de Doriane et du mien ont bifurqué vers Quatrevingt-treize, tandis que nos autres camarades s'en allaient vers le bruit et la fureur de L'homme qui rit...
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Je vous ai présenté, dans l'ordre chronologique d'écriture, mes critiques de sept romans de Victor Hugo ( il en a écrit neuf ).
Ce dernier roman est fabuleux !
Le thème du roman est la résistance chouane de Lantenac, La Rochejaquelin, Jean Chouan, et le général Charette, aux Républicains incarnés par Gauvin et Cimourdin.
Nous sommes en 1793, en Bretagne du nord. Pas de grâce ! Pas de prisonnier ! Après une défense valeureuse du Claymore contre l'escadre républicaine, le capitaine sauve le marquis de Lantenac, royaliste, qui débarque à l'embouchure du Coueson pour rassembler les 500.000 Chouans et Vendéens qui luttent âprement contre les sans culottes...
.
"Il y avait une fois un roi et une reine. le roi c'était le roi, et la reine, c'était la France. On a tranché la tête au roi, et marié la reine à Robespierre ; ce monsieur et cette dame ont eu une fille qu'on nomme la guillotine, et avec laquelle il paraît que je ferai connaissance demain matin." , dit Lantenac.
.
Mais alors !
Victor Hugo a inventé, en 1874 le thriller !
On angoisse devant les situations improbables …
Les marins arrêteront-ils ce canon désentravé qui, au gré des heurts des vagues, court comme un taureau furieux sur le pont ?
Le Claymore sortira-t-il de cette situation improbable ?
La Flécharde, les pieds en sang, retrouvera-t-elle ses enfants ?
Le vieux marquis, tellement brave et chevaleresque, survivra-t-il ?
Pris en étau entre la loi et la raison, que décideront Tellmarch, Gauvin, Cimourdain ?
Devant le choix cornélien entre la liberté et le coeur, que fera le marquis ?
Etc...
Plus fort que Jean Christophe Grangé par les situations angoissantes et les rebondissements, plus fort même que Ken Follett par les mises en situation historique !
Et avec une qualité d'écriture supérieure, très actuelle, à plus d'un siècle de distance, avec des vérités courtes et tranchantes ; par exemple :
La Vieuville :
« Ah ! cette république ! que de dégâts pour peu de choses ! »
Plus loin, Tellmarch :
« Suis-je hors la loi ? Je n'en sais rien. Mourir de faim, est-ce être dans la loi ? »
Le même :
« Les pauvres, les riches, c'est une terrible affaire. C'est ce qui produit les catastrophes. »
Hugo :
« On sort de Louis XIV comme on sort de Robespierre avec un grand besoin de respirer. »
Sur Cimourdain :
« La science avait démoli sa foi. »
Sur Gauvain :
« C'était son fils ; le fils, non de sa chair, mais de son esprit. »
Etc ...
.
La plus belle phrase, pour moi, est la réponse de Gauvain, le soldat philosophe à la question de son maître :
-- Qu'y a-t-il au-dessus de la justice ?
-- L'équité. »
.
Victor Hugo est profondément républicain. Dans ce livre, il analyse la création de la première République, et met en scène Robespierre et Danton. Par la voix du républicain-philosophe Gauvain, neveu de Lantenac qui traque ce dernier, il analyse les outrances du système des sans-culottes, notamment incarné par Cimourdain, une sorte de Javert de ce roman.
.
.
Hugo Boss bien, et même très bien ! Ce dernier roman fut son le meilleur pour moi ! Je sais, je l'ai déjà dit avec « Notre-Dame », mais celui-ci le surpasse, et égale « Les Misérables ».
A la fin de l'écriture de « Les Misérables », Victor Hugo fait des recherches approfondies sur la Révolution, envisageant d'écrire son prochain roman là-dessus. Il sortira d'abord « Les Travailleurs de la Mer » en hommage à l'île qui l'a accueilli durant son exil.
Dans « Les Misérables », les amis de l'ABC, Républicains sous Louis-Philippe, font de nombreuses références à la Révolution Française, mère de la Première République. Victor était un peu Combeferre, il sera un peu Gauvin dans « Quatrevingt-treize ».
Le seul défaut sont les logorrhées, manie habituelle de l'auteur. Mais il n'y en a que deux, sur Paris et sur la Convention, et elles sont assez courtes.
.
La loi, la justice : c'est l'éternel combat de Victor Hugo, que
l'on retrouve dans tous ses romans :
la justice est mal faite !
L'auteur met en exergue l'absurdité de certaines décisions judiciaires. Je pense que malgré leurs différents littéraires, il aurait rejoint Emile Zola sur l'affaire Dreyfus.
.
A la fin du livre, par la voix de Gauvain, c'est un peu un testament politique qu'Hugo nous délivre, et je le trouve extrêmement moderne et écologique : )
.
Je dois ajouter, pour modérer mon enthousiasme pour ce roman, et pour être impartial que les Vendéens furent vraiment génocidés par les Bleus ; ce qui n'enlève rien à la qualité d'écriture de Victor Hugo.
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Quatrevingt-treize est le dernier roman de Victor Hugo .Il est publié en 1873 .L' auteur est magistral : il faut l'être pour écrire une telle fresque romanesque et historique . Il a habilement mêlé la fiction à L Histoire . Malgré sa sympathie pour la révolution ,il a su avec une certaine objectivité décrire ce que fut la Révolution et la Terreur . La Révolution est l'abolition , la destruction totale de l'ancien système et l'établissement d'un nouveau .
Le cadre du récit est la Vendée en 1793 .Cette dernière qui
servira ,aussi , de cadre spatial pour Balzac dans " Les Chouans ".Dans " quatre-vingt-treize ",les principaux acteurs
sont Robespierre ("L' Incorruptible"), Danton et Marat ." Et chacun sera conduit à une forme d'héroïsme qui n'écarte pas la mort ".
Une incontestable réussite romanesque .On adore lire de tels romans ."Quatre-vingt-treize " est un très beau et bon livre .
Sa lecture est un délice !
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Il y a des dates qui font frémir d'excitation et d'effroi par leur seule puissance évocatrice, par la marque sanglante et brûlante qu'elles ont laissée sur l'Histoire. 1793 en fait partie. 1793, c'est la Révolution Française dans ce qu'elle a de plus violent et de plus passionné, c'est la Terreur, la mise à mort de la royauté, les massacres, la guerre partout – à l'extérieur des frontières, bien sûr, mais aussi en Vendée où paysans et autres petites gens mènent une guérilla impitoyable contre l'armée républicaine. Et c'est bien en Vendée, terre de religion, de tradition et de violence, que se déroule le magnifique roman « Quatrevingt-treize » de Victor Hugo.

C'est en Vendée que le marquis de Lantenac, brillant général et féroce royaliste, est envoyé pour organiser les petites bandes de paysans révoltés en une véritable armée organisée. Sur place, il a la désagréable surprise de trouver à la tête des forces républicaines son neveu Gauvain, jeune noble rallié par idéalisme aux valeurs de la Révolution. Autant dire que les retrouvailles ne seront pas des plus chaleureuses… A ce duo, s'ajoute le personnage de Cimourdain, le père adoptif de Gauvain et également ardent républicain, aussi fanatique dans sa haine de l'aristocratie que le vieux Lantenac dans sa dévotion aveugle à la cause de la monarchie. Trois personnages, trois conceptions inconciliables de la France, de l'honneur et du devoir qui vont s'affronter dans les forêts de Vendée où la Nature elle-même semble être entrée en guerre aux côtés des belligérants. Vous aussi, vous vous doutez que tout cela se terminera fort mal, hein ?

Premier roman lu de Victor Hugo : première claque ! Deux ans après, j'en suis encore toute étourdie et il m'arrive régulièrement de relire un passage par-ci, par-là et de retrouver à chaque fois la même émotion brute qu'à la première découverte. J'ai lu plusieurs autres livres du sieur Hugo depuis, mais aucun ne m'a marqué aussi profondément que « Quatrevingt-treize », dernier roman de l'auteur et peut-être le plus pur et le plus dénué d'artifices littéraires (à vérifier, ceci dit, il me faut encore lire un ou deux de ses ouvrages pour avoir une opinion définitive). Tout est parfait dans ce livre : le style superbe, le contexte historique restitué avec fougue et passion, les sentiments humains décortiqués avec une subtilité confondante… Je ne peux que m'insurger bruyamment contre les lecteurs qui osent prétendre les personnages trop stéréotypés ! Certes, ils ont chacun une grande portée symbolique – illustrations vivantes des conflits et de ambiguïtés de leur siècle – mais ils sont aussi terriblement humains, dans tout ce que l'humanité a de plus fragile, de plus faillible et de plus touchant. Et Hugo n'a pas son pareil pour faire percer cette humanité, non dans des grands discours, mais dans une phrase, un mot et – dans le cas du terrible marquis de Lancenac – un geste.

« Quatrevingt-treize », c'est également une vision terriblement noire de la Révolution Française (oh, ce magnifique passage rassemblant Robespierre, Marat et Danton – le loup, le serpent et l'ours – dans un huis-clos d'une virtuosité à couper le souffle ! Je ne m'en lasserai jamais…) Républicain convaincu, Victor Hugo ne condamne jamais les aspirations qui sont à l'origine de la Révolution, mais met en scène les contradictions d'un système qui, à force de vouloir défendre par l'acier et le feu ses nobles idéaux, a fini par les étouffer dans le sang. Cette contradiction est illustrée par la relation tendre et conflictuelle entre Gauvain et Cimourdain : l'un pense la Révolution avec son coeur, l'autre avec sa tête. C'est, hélas, cette deuxième vision qui prévaudra finalement et c'est sous le couperet de la guillotine que Hugo fera périr la dernière étincelle de pureté de la première République. Sans rire, si vous n'avez pas les larmes aux yeux aux dernières lignes, il faut sérieusement penser à consulter un psy…

Conclusion ? Il avait vraiment un gros gros égo, Hugo, mais qu'est-ce qu'il le valait bien, le bougre…
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Racine n'a utilisé guère plus de 3000 mots du vocabulaire français pour écrire ses chefs d'oeuvre et Hugo , quoi qu'on en dise, tend lui aussi vers la sobriété linguistique puisqu'il est capable d'écrire à peu près n'importe quoi et notamment "Quatrevingt-treize" avec un seul procédé stylistique : l'antithèse. Ah oui, mais pardon! L'antithèse hugolienne, c'est comme le macaron pour Pierre Hermé, on pourrait trouver qu'il en fait des tonnes et qu'il exploite le système à fond, et on y revient toujours en se disant y a pas, il a du métier.
"des fauves sur une montagne, des reptiles dans un marais. Là fourmillaient, se coudoyaient, se provoquaient, se menaçaient, luttaient et vivaient tous ces combattants qui sont aujourd'hui des fantômes. Dénombrement titanique. À droite, la Gironde, légion de penseurs ; à gauche, la Montagne, groupe d'athlètes [...]. En dehors de ces deux camps, et les tenant tous deux en respect, se dressait un homme, Robespierre [...]. Au−dessous se courbaient l'épouvante, qui peut être noble, et la peur, qui est basse. Sous les passions, sous les héroïsmes, sous les dévouements, sous les rages, la morne cohue des anonymes"(II, iii, 1)
"dans toute cette partie de la Vendée, la république avait le dessus, ceci était hors de doute ; mais quelle république ? Dans le triomphe qui s'ébauchait, deux formes de la république étaient en présence, la république de la terreur et la république de la clémence, l'une voulant vaincre par la rigueur et l'autre par la douceur."(III, ii, 7)
On pourrait évidemment trouver le procédé un tantinet facile. Mais Hugo, fils d'une royaliste et d'un général d'Empire fait de "Quatrevingt-treize" l'évangile révolutionnaire et à l'antithèse binaire adjoint la Sainte-Trinité. Trois lieux (la mer, la ville, la forêt); trois bâtiments ("La Claymore", la salle de la Convention, la Tourgue), trois hommes à la tête d'un triumvirat (Danton, Robespierre, Marat), trois monstres (le canon, Marat, l'Imânus), trois problèmes (la guerre de Vendée, la guerre aux frontières, les tentatives pour brider la Révolution à Paris), trois générations (Lantenac, Cimourdain, Gauvain), trois enfants (René-Jean, Gros-Alain, Georgette). Rien n'est simple donc, si tout est symbolique.Les trois petits enfants enfermés dans la bibliothèque du château vont réduire en miettes un livre rare sur la Saint-Barthélémy et faire un carnage d'un massacre. Il faut bien parfois renverser les idoles, même lorsque l'idole est un livre trônant sur un lutrin, pour mettre fin à l'intolérance et aux injustices.
" Ce fut une extermination. Tailler en pièces l'histoire, la légende, la science, les miracles vrais ou faux, le latin d'église, les superstitions, les fanatismes, les mystères, déchirer toute une religion du haut en bas, c'est un travail pour trois géants, et même pour trois enfants ; les heures s'écoulèrent dans ce labeur, mais ils en vinrent à bout ; rien ne resta de Saint Barthélémy."
(Roman lu dans la fort ancienne et très éclairante édition qu'annota Yves Gohin).
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Que le grand Victor soit remercié et mes années de vol récompensées, j'ai une nouvelle fois fait avec « Quatre-vingt treize » ma révolution hugolienne en redécouvrant avec bonheur cette oeuvre qui m'avait laissé un cuisant souvenir de collège : elle est merveilleuse, puissante, passionnante, édifiante, indispensable !

Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement quand le plus grand des auteurs s'attaque au plus vaste des mouvements humains, la Révolution française dans sa période la plus fatale, la Terreur, en mettant en scène, en miroir du face à face entre Robespierre, Danton et Marat la plus violente des confrontations entre l'Avenir – République et le Passé – royauté, l'Humanité et les contingences historiques, la force de l'épée et celle de la vision politique, le sentiment paternel et le devoir patriotique ?

Lantenac l'implacable vendéen, Cimourdain le Républicain dogmatique et Gauvain, son fils spirtuel qui voit plus loin : figures totémiques de ce roman immense où se font toutes les révolutions, et au milieu trois enfants innocents magnifiant leurs combats !

Moment extraordinaire une fois de plus que celui passé dans les mots de Hugo, au coeur de l'esprit des grands révolutionnaires.
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Une guerre de famille

Victor Hugo "s'attaque" à la Révolution française ! Mais pas par le côté le plus juridique dès 1789, mais par l'année 1793 où la Convention vote la mort du dernier roi, où la France est attaquée de toutes parts par les armées étrangères et subit la guerre civile en Vendée.

Quel livre ! Quel souffle ! Quel auteur !
Un grand homme ce Victor Hugo !
Je viens de relire ce livre pour la 3e fois, et ce n'est pas la dernière.

J'ai particulièrement aimé :
- la rencontre (même si elle est fictive !) des trois tribuns (Robespierre-Danton-Marat) page 100 : les descriptions, les discours.
- La Convention page 122
- la description de la guillotine : page 237
- la fierté, l'honneur des hommes de la Révolution qu'ils soient militaires, politiques ou vendéens !

Malgré certaines longueurs et redites…

L'auteur a imaginé des personnages bien trempés et représentants les différents "partis" dans cette période historique :
- Lantenac : le marquis, l'homme de l'ancienne France, royaliste, débarqué en Bretagne pour diriger l'armée de Vendée.
- Gauvain : son neveu, lui-même ci-devant, un jeune soldat passé dans le camp de la République.
- Cimourdain : le représentant du Comité de Salut public, implacable, ancien prêtre et pédagogue de Gauvain.
- Michelle Fléchard, la mère, plus que femme, pauvre, veuve et préoccupée par la disparition de ses enfants.

Même si l'auteur glorifie les Vendéens (qu'il situe en Bretagne ?!) et la Convention, il n'échappe pas à certaines légendes noires thermidoriennes...
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Un roman de Victor Hugo moins connu, mais qui m'intriguait à plus d'un titre : Étonnamment court par rapport à ses propres standards, salué à la quasi-unanimité ici, même chaudement recommandé par quelqu'un qui n'était pas du tout un grand lecteur dans sa vie mais qui en était ressorti transporté. La période si complexe et surtout si absurde me rebutait, et il faut dire que l'érudition d'Hugo n'est guère rassurante au départ, avec ses catalogues de noms et d'anecdotes qu'il affectionne. Mais en réalité, il n'y a pas grand chose à savoir au-delà de la lutte des blancs contre les bleus : c'est surtout l'histoire de trois personnages (et de trois enfants) au milieu de tout cela, une tragédie magistrale comme dans ses autres romans.

Lantenac, Gauvain, Cimourdain : le vieux royaliste, son neveu idéaliste, utopiste, visionnaire, bercé par la révolution mais bien plus humain qu'elle, et le révolutionnaire implacable qui répond au trône par la guillotine, mais qui a élevé Gauvain comme son fils. Vous voyez déjà ce qu'il va se passer? Tant mieux, parce que ce triangle est aussi simple qu'efficace, et même si la trajectoire des destinées est tracée, Hugo arrive tout de même à nous surprendre par un coup de théâtre que je ne peux que taire, et rend tout cela absolument épique et grandiose, comme à son habitude.

La scène d'ouverture en dit long sur le discours du grand Victor : Malgré son enthousiasme républicain, chaque camp en prendra pour son grade. Quatrevingt-treize s'ouvre en effet sur la paysanne Michelle Fléchard, égarée avec ses trois enfants, au milieu des combats assourdissants, réduits à des "on". La première partie "En Mer" m'a pris au dépourvu : Nous savons Victor totalement obsédé par l'Océan (Les Travailleurs de la mer, L'Homme qui rit, le livre V des Contemplations, le recueil "Océan"...) mais je ne m'attendais pas à trouver même dans ce roman-ci un nouvel épisode maritime! Au début, je trouvais que cet épisode souffrait justement de la comparaison avec ses précédents, mais il arrive finalement à le singulariser avec simplement un canon incontrôlable, un affrontement, et l'introduction du très charismatique Lantenac! La deuxième partie "À Paris" est la moins réussie à mes yeux, et le mur à escalader pour arriver à la troisième "En Vendée" qui est absolument extraordinaire! Dans la deuxième, Hugo présente le très austère Cimourdain, chargé par Danton, Marat et Robespierre de surveiller les agissements de Gauvain et de le faire guillotiner au moindre faux pas, et nous livre un topo indigeste sur la Convention, fait de ses fameux catalogues, mais nécessaire à son propos puisque tous ces futurs guillotinés complètement hystériques y sont dépeints aussi absurdes, sanguinaires et illuminés que nous les connaissons. La fameuse conversation entre Danton, Marat et Robespierre n'est aussi pas très vraisemblable dans la mesure où ils parlent comme Hugo, à coups d'antithèses théâtrales... Mais bon, arrive ensuite la Vendée! Là, le roman devient génial et digne du Seigneur des anneaux (je le conseille à tous les fans de fantasy et de littérature jeunesse épique actuelle) Les troupes de Cimourdain et Gauvain aculent Lantenac et les siens à la Forêt de Fougères et à la Tourgue, bâtisse familiale bien connue des trois personnages, entre la Tour de Saroumane et le château de Chenonceau, qui devient le symbole et le théâtre de cette ultime partie! Entretemps, topo magistral d'Hugo sur les forêts bretonnes et le mode de vie, au propre comme au figuré, souterrain des paysans, qui surgissent des profondeurs quand les révolutionnaires marchent dans ces forêts inextricables! Après une bataille épique à Dol, les trois enfants Fléchard sont donc pris en otage par les hommes de Lantenac à la Tourgue... Suspense de tous les diables. Gauvain saura t-il tenir ses engagements révolutionnaires face à son oncle, alors qu'il épargne et relâche chaque adversaire? Cimourdain le ferait-il vraiment exécuter vu leur relation précepteur/élève? Cette dernière partie est vraiment extrêmement réussie et on la dévore en se mangeant les doigts... le dernier chapitre "Cependant le soleil se lève" constitue l'apothéose du roman, tant dans l'écriture d'Hugo que pour ce qu'il y raconte. Coup de maître du Maître.

Le roman est donc passionnant dans la réussite de sa dernière partie, le propos d'Hugo qui renvoie chaque camp dos à dos mais salue le progrès qui en a découlé et en découlera, et dans plein de petits aspects de son contenu. le personnage de Tellmarch, paysan qui refuse de prendre part au combat, perdu dans la lecture des astres et de la nature, m'a instantanément rappelé la figure du poète de "Magnitudo Parvi", un des plus grands poèmes d'Hugo dans Les Contemplations, et son plus long. On trouve d'ailleurs une intertextualité forte avec les autres oeuvres d'Hugo. Tellmarch n'est pas le seul à rappeler Les Contemplations : le Hugo qui célèbre la nature, la campagne et l'enfance fait son retour inattendu pour mon plus grand plaisir lors du passage consacré aux trois enfants prisonniers dans la Tourgue, et lors du merveilleux dernier chapitre. Dernier chapitre qui rappelle aussi Notre-Dame de Paris (pour la dernière phrase) et le Dernier Jour d'un condamné. J'ai insisté sur le caractère épique du roman, et l'on pense donc évidemment à La Légende des siècles, surtout qu'Hugo mentionne son père comme autorité qui lui permet de raconter la Vendée! L'épisode maritime, comme je l'ai dit, évoque tous les autres qu'il a écrits. La pauvre Michelle Fléchard rappelle Fantine ou la Paquette... Lantenac, Cimourdain et Gauvain peuvent constituer trois avatars déformants d'Hugo dans certaines de leurs caractéristiques, et d'autres mélanges de personnages pré-existants.

Sur le plan de l'écriture, Hugo use jusqu'à la moelle de ses fameuses antithèses, jusqu'au systématisme. Elles sont devenues la poétique qui bâtit le roman, comme dirait Patsales ici. Au début, malgré mon admiration, je saturais, surtout quand ses personnages parlent constamment comme lui... Mais de la même façon que son roman s'envole avec la Vendée, l'écriture y prend toute son ampleur, et l'on n'y déplore plus rien, on se RÉGALE du génie et de la flamme du grand Victor dans ce dernier roman, onze ans avant sa disparition.

Notre-Dame de Paris et L'Homme qui rit (ainsi que Les Contemplations et Ruy Blas) demeurent au sommet, mais j'ai pris un sacré pied comme ça avait plus été le cas depuis longtemps, au cas où on l'aurait pas compris. Mon admiration pour le grand Homme est sans cesse renouvelée, et même si je vais lire autre chose là, j'ai hâte de le retrouver dans le futur...

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En ce charmant mois de septembre, je suis d'humeur à relire des classiques aimés plutôt qu'à découvrir de nouveaux auteurs, et laissez moi vous dire que Quatrevingt-treize est la même claque à la seconde lecture qu'à la première. Difficile de dire ce qui est le plus marquant dans ces deux mondes qui s'affrontent, les Blancs contre les Bleus, les Républicains contre les Monarchistes, et surtout le grand-oncle face au neveu. Les guerres civiles sont les plus terribles, sang contre sang, Marquis de Lantenac contre Gauvain.
Ce roman est définitivement mon oeuvre préférée de Victor Hugo, depuis l'arrivée d'Angleterre de Lantenac, jusqu'au terrible dénouement final. Je trouve que tout est posé déjà en germe quand l'inflexibilité du vieux général est démontrée dès la première scène, comme si nulle autre issue n'était possible. Lantenac est ici pour mettre la Vendée à feu et à sang, Gauvain est là pour mater l'insurrection, et le terrible Cimourdain, ancien précepteur de Gauvain, est là pour empêcher le neveu de faire preuve de pitié.
Ce sont deux visions de la Révolution qui s'opposent à Lantenac, celle de Gauvain et celle de Cimourdain, le coeur contre l'esprit, et le plus terrible, c'est que ces deux là s'aiment tendrement, plus père et fils que Lantenac et Gauvain, malgré le sang qui lie ces deux derniers.
Tellement grand, tellement fantastique, tellement tragique, qu'on en sort assommé.

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