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sur 1846 notes
Hum ! Hum ! Je n'ai pas franchement aimé, Victor,
ce mets que vous nous avez servi à peine
échauffé, tiède, sans sel ni bel accord.
Quoi ! D'un plat si bas faire un repas de reine ?
Qu'était-ce, au juste ? Un ragout de castor ?
Du madrépore ? Un morceau de cul-de-porc ?
Que sais-je encore ? Non, vous plaisantez Victor !
Et vous voulez qu'un tel repas tienne au corps ?
Non, non, cher drôle, cessez ces sauces lourdes ;
nous allons produire des météores
et flatuler jusqu'à nous en rendre sourdes
si par malheur vous nous en servez encore !

Que diable ! Une fable ! du feu ! du fluor !
Voilà ce qu'il faut à nos dents d'alligator !
Affutez-moi vos histoires d'un gros piment
rouge et faites qu'au moins les verbes nous touchent.
Je ne veux pas vous faire la fine bouche
mais céans je ne saurais faire compliment
à ce vieux frère d'Hugo pour son Ruy Blas,
dont les actes et les tirades me lassent.
Il est si bon parfois, il est souvent si fort
qu'on peut bien pardonner à notre ami Victor.
Au vrai, cette pièce n'est pas un drame,
on peut trouver pire et beaucoup plus infâme
mais quand on connaît l'homme dans ses grands moments
on peine à lui voir fair de si faibles élans.
Qui suis-je, au demeurant, pour de la sorte
discuter de mon coeur et de son aorte ?

Ruy Blas est un laquais épris de la reine.
L'Espagne a connu des heures plus sereines.
Là les grands du royaume sont dans l'arène
et dans leur direction tirent tous les rênes.
La reine s'en est prise au fat don Salluste
qui n'aura donc de cesse que de se venger
d'une sentence que lui juge injuste.
Pour ce faire, c'est Ruy Blas qu'il va engager.
Tout ça sans oublier un certain don César
qui dans la pièce parfois choit par hasard...

Mais d'en dire bien davantage je n'ose,
car ce n'est que mon avis..., oui..., pas grand-chose...
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Décidément, le théâtre est un genre littéraire que j'affectionne ! Cette fois-ci, c'est Ruy Blas qui m'a conquise !

Victor Hugo, que j'avais déjà eu le plaisir de lire avec Claude Gueux, nous conte les aventures de Ruy Blas, un valet dont le destin va basculer lorsque son maître, Don Salluste, décide de se venger de la Reine d'Espagne, épouse délaissée de Charles II. Don Salluste demande à Ruy Blas, passionnément amoureux de la Reine, de séduire celle-ci afin de « préparer le terrain » pour la mise à exécution de son plan cruel…
C'est l'occasion pour Victor Hugo –caché derrière le personnage de Ruy Blas- de critiquer l'attitude égoïste et irréfléchie des dirigeants de son époque :

« Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
de servir, serviteurs qui pillez la maison !
Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
l'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
Donc vous n'avez pas ici d'autres intérêts
que remplir votre poche et vous enfuir après !
Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe ! »

Dès les premiers vers, majestueusement écrits en alexandrins, j'ai été emportée par l'histoire si touchante de Ruy Blas, ce « ver de terre amoureux d'une étoile », et je me suis très vite attachée à ce personnage sincère, mais hélas tragique. J'ai également apprécié la Reine, paradoxe de la condition humaine, qui désire ce qu'elle ne possède plus, et ne souhaite –dans son existence morne- que quelques preuves d'amour de la part de son mari absent.

Bref, je ne peux que souligner le talent de Victor Hugo, qui est, et on ne cessera jamais de le répéter, un Grand maître de la littérature française.

A lire !
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Tragédie en cinq actes de 1838.
L'Espagne, en 1695, va mal. Ce n'est plus l'époque des conquistadors, le roi Charles II est souffreteux, l'or ne coule plus à flots, et cependant les nobles se servent à qui mieux mieux dans les finances du royaume. Don Salluste est un Grand d'Espagne qui a été disgracié par la reine doña Maria de Neubourg. Personnage machiavélique, Salluste cherche à se venger en manipulant son valet Ruy Blas pour faire "tomber" la reine.
.
Je ne suis à l'aise ni en poésie, ni en théâtre ! Pourquoi ?
Car lire des vers ne coule pas de source comme pour la prose, et la versification, en plus alliée au mode "théâtre", nuit à mon avis à la contextualisation. Ainsi, il me manque plein de précisions (où, quand, comment ? ) pour comprendre le déroulement logique du drame. Quelques scènes paradoxales m'ont interrogé, comme par exemple, d'un côté l'interdiction stricte faite à la reine par la duchesse "surveillante" de sortir : il faut déverrouiller plein de portes, et les hauts personnages qui doivent le faire sont absents ; et de l'autre côté, la reine obtient librement un rendez-vous "galant" et se retrouve seule face à Don César / Ruy Blas !
.
Cependant, j'aime beaucoup Victor Hugo qui dénonce toujours de nobles causes, et avec force !
Ainsi en est-il de Ruy Blas ( symbolisant le peuple ) haranguant et faisant honte aux nobles qui pillent le royaume en se servant sur son dos, en l'absence du roi.
Une ou deux scènes de romantisme entre Don César / Ruy Blas et la reine sont très belles.
Les chantages faits par Don Salluste à Ruy Blas, puis à la reine sont saisissants, et me rappellent une partie de ma propre histoire.
Un autre point positif est que le livre m'a initié, par des recherches complémentaires, à un pan de l'Histoire de l'Espagne que je ne connaissais pas, et que je peux presque emboîter à la belle biographie du roi précédent par Philippe Hugon :
« Philippe IV, le siècle de Velasquez »
.
Le seul théâtre que j'aime jusqu'à présent est celui de Marcel Pagnol ! Bref un avis mitigé sur Ruy Blas, dû à mon manque de formation à cette écriture, sans doute.
.
Ah, j'oubliais : j'ai retrouvé un fragment de lettre de la reine Marie-Amélie de Bourbon, écrite justement en 1695 :
« … J'ai maintenant 70 ans, je suis au terme de mon règne. Si je parviens à achever mon autobiographie, vous verrez, chers amis, que la France est toujours un puissant pays, respecté de tous, en paix avec ses voisins depuis de nombreuses années. Cependant, j'ai dû, avec mes ministres, guerroyer diplomatiquement contre les puissants de mon pays, afin de réduire les abus incroyables, pour obtenir progressivement plus de justice humaine. Vous lirez également comment j'ai placé mon petit frère, Louis-Dieudonné, et cela n'a pas été aisé avec un diablotin de la sorte ! …. » etc…. : )
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"Ruy Blas" de Victor Hugo est une pièce de théâtre qui présente un certain nombre de qualités, mais qui comporte également quelques défauts. C'est une oeuvre qui mérite d'être appréciée pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, Victor Hugo excelle dans la création de personnages complexes et intrigants. le personnage de Ruy Blas lui-même, un valet qui se fait passer pour un noble dans le but de séduire la reine, est un exemple frappant de la maîtrise de Hugo dans la caractérisation. Les conflits intérieurs et les dilemmes moraux auxquels les personnages sont confrontés ajoutent une profondeur psychologique à l'histoire.

De plus, l'intrigue est riche en rebondissements et en drame, ce qui maintient l'intérêt du lecteur ou du spectateur tout au long de la pièce. Les thèmes de l'amour interdit, du pouvoir, de la trahison et de la manipulation politique sont explorés de manière captivante.

Cependant, malgré ces qualités, "Ruy Blas" peut aussi être critiqué pour sa complexité excessive. L'intrigue peut parfois sembler trop chargée, avec de multiples retournements de situation et des personnages secondaires nombreux, ce qui peut rendre la pièce difficile à suivre pour certains. de plus, les dialogues peuvent être verbeux, ce qui peut ralentir le rythme de la pièce.

En fin de compte, "Ruy Blas" est une pièce de théâtre qui vaut la peine d'être découverte pour ses personnages intrigants, son intrigue captivante et ses thèmes puissants. Cependant, son niveau de complexité et ses dialogues parfois longs peuvent rendre son appréciation un peu exigeante pour le lecteur ou le spectateur moyen.
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J'avais lu de Hugo certains romans (Les Misérables, Notre Dame de Paris), certains recueils de poésie (Les Feuilles d'Automne, Les Rayons et les Ombres) mais ne m'était jamais encore attaqué aux pièces de théâtre. Et comme un vieil exemplaire (1945 quand même) de Ruy Blas traînait dans ma bibliothèque, je me suis dit pourquoi pas ?

Le résultat est plutôt réussi, du Shakespeare à la française oserais-je dire. Hugo le cite comme référence d'ailleurs de ce qu'il a essayé de faire, en conciliant la comédie de Molière et le drame de Corneille pour tenter d'atteindre le drame à la Shakespeare. Il joue les modestes en disant que ce ne sont que ses intentions et pas forcément ce à quoi il est arrivé, mais toutes proportions gardées, je trouve l'essai assez transformé.

Hugo garde la base du vers français qu'il maîtrise parfaitement, et en joue avec les interruptions des dialogues, allant parfois chercher la rime sur un simple "Oh" prononcé par un personnage. Il sait vraiment introduire le comique par des personnages loufoques ou simplement légers mais qui prennent toute leur place dans une intrigue pourtant assez tragique. Le contexte historique n'est pas occulté, et plutôt bien documenté si on en croit la notice. Il ne peut évidemment s'empêcher de glisser quelques piques politiques sur le rôle des puissants, sur les classes populaires parfois plus sensées que les élites. Et tout ça au service d'une histoire d'amour basique mais efficace et riche en rebondissements.

Quels ingrédients demander de plus à une oeuvre théâtrale ? En effet, on ne peut que comparer à l'oeuvre shakespearienne qui est une des seules oeuvres dramatiques capables de réunir tous ces ingrédients, là où le théâtre classique français se range dans des catégories bien précises et ne dépasse que rarement les frontières pré-établies. La comparaison est un peu élogieuse peut-être car on sent chez Hugo l'âme du touche-à-tout capable de s'adapter à tous les genres mais de ce fait peut être moins perfectionniste. L'intrigue a par exemple quelques invraisemblances que l'on excuse volontiers car elles facilitent le travail de l'auteur.
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Lecture quelque peu ardue, pour deux raisons : le texte est en vers (il y a bien longtemps que je n'en avais pas lu) et il traite de politique... Alors, un p'tit ajustement a été nécessaire, mais une fois lancée, j'ai pu apprécie ma lecture... Et de toute façon, l'écriture de Hugo fini par rendre la chose aisée ! Un texte qui mérite qu'on prenne le temps, tout de même... Hugo nous transporte en Espagne, à la fin du règne de Charles II où un homme troque sa vie de valet pour se substituer à son maître et aspirer aux plus hautes sphères... Il chérit le rêve d'approcher la Reine d'Espagne, dont il est éperdument amoureux... Mais le tragique fait place et la vengeance sonne... Il deviendra l'objet d'un funeste tour du sort... J'ai apprécié ma lecture, d'autant plus que je n'avais jamais lu du théâtre d'Hugo... j'ai maintenant Hernani qui m'attends dans ma PAL et j'ai hâte de savourer encore sa plume.
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Hugo sait faire vibrer, et ne fait jamais le chichiteux quand il s‘agit d'émouvoir, de faire rêver, aimer, détester – de nous faire du bien quoi !
Alors oui, j'ai un peu le béguin pour Ruy Blas ( – je l'imagine avec le joli minois de Gérard Philippe) Amoureux romantique, « qui porte avec effroi Sous l'habit d'un valet les passions d'un roi », franchissant chaque jour les murs hérissés de pointes de fer d'un parc pour déposer des fleurs sur le banc de sa Belle, prêt à tout pour sauver l'honneur de sa bien-aimée – je suis sans doute fleur bleue, mais je marche à fond!
Et qu'il ferait un bon souverain notre laquais ! c'est bon de le voir remettre à leur place  les puissants corrompus qui, méprisant l'intérêt général, ne pensent qu'à s'enrichir.
Autre personnage séduisant et attachant, César est comme une bouffée d'oxygène, léger et libre de toute pesanteur bourgeoise, sans une once de mesquinerie, drôle et sympathique, joyeux, généreux. L'amitié-fraternité qui le lie à Ruy Blas, datant d'un « heureux temps de joie et de misère » où notre héros était poète et vagabond, plein de rêves et d'espoir, est belle et chaleureuse.
Et puis pour épicer la pièce et nous faire frémir il y a les affreuses manigances de l'infâme Salluste...
J'aime l'élan lumineux, généreux, entraînant, de l'écriture de cette pièce, même si je suis moins emballée par le dénouement, comme s'il y avait là quelque chose dans le mélange des genres qui pour moi ne fonctionne pas complètement.
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J'ai tout aimé de ce drame flamboyant.
Certes j'ai pris mon temps pour le lire. Ce n'est pas une pièce qui se lit d'une traite, mais en prenant son temps. En savourant les actes, les phrases, la beauté des alexandrins (même si parfois, il faut l'admettre, il y a des tournures un peu étranges. La versification n'est pas chose aisée...).
La profondeur du drame, l'humour hugolien, cynique mais humain.
J'ai tout aimé et j'avoue, j'ai même retrouvé quelque parenté dans cet humour subtil et ma grosse farce adoré qu'est "la folie des grandeurs" (et dont je ne savais pas du tout qu'elle était tirée de cette pièce). Car il y en a une, dans le "grotesque" hugolien, qui se prêtait bien à un scénario de comédie.
Hélas ici, s'il y a des scènes (et des répliques) drôles, c'est bien un drame romantique que nous avons, pleinement assumé. D'ailleurs j'aurais bien aimé un acte V un peu plus développé. Mais cela devait sans doute être déjà trop long...
J'avoue ne pas comprendre quelques critiques qui me paraissent ultra sévères... Enfin, j'ai un gros parti pris pour Hugo, de toute façon, donc je ne suis pas objective, moi non plus. :-)
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"Depuis toute la matinée,
Je patauge à travers vos toiles d'araignée.
Aucun de vos projets ne doit être debout.
Je m'y vautre au hasard. Je vous démolis tout.
C'est très réjouissant."
Don César à Don Salluste, Acte IV scène 7

On ne saurait mieux dire !
Victor Hugo, qui n'est jamais en reste pour ce qui est du romanesque, n'a pas ménagé son talent avec son Ruy Blas, qui voit le valet de Don Salluste propulsé par ce dernier au service de la reine d'Espagne afin de la perdre.

Pris pour un autre, dans les six mois le valet Ruy Blas devient duc, arbore la Toison d'Or, dirige le conseil du roi et tente de mettre quelque droiture dans les affaires du royaume.
Mais il reste à la merci de son infâme maître, qui connaît ses sentiments pour la reine.

Et voilà réunis tous les éléments d'un drame allant vers sa terrible conclusion, le "ver de terre amoureux d'une étoile" aura rêvé trop fort comme dirait Bashung…

On aime ou on n'aime pas le théâtre romantique, qui nous amène ce Ruy Blas.
Déchirant une nouvelle fois à pleines dents les "canons du classicisme", Hugo en fait des caisses, certains vers ne passent pas la rampe tant ils sont capillotractés, difficile de ne pas en convenir.

Mais il a donné vie à un personnage au coeur pur, dont la charge sabre au clair à l'Acte II scène 2 est restée dans les annales et peut trouver d'étranges résonnances aujourd'hui encore :
"Bon appétit, messieurs !
Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !"
Très inspiré par le sujet, le dramaturge le fait tonner comme un orage puissant sur une centaine de vers.
Et la silhouette du grand Hugo se dessine en ombre colossale derrière ce Ruy Blas.

D'ailleurs, les conservateurs de l'époque ne s'y étaient pas trompés, qui y voyaient une critique du gouvernement de Louis-Philippe.

Tout était déjà politique jusque dans les théâtres, peut-être surtout dans les théâtres faute de pouvoir battre le pavé et dresser des barricades sans se récupérer un Bourbon pour un autre !

Comme l'auteur ne recule devant rien, il y a aussi ce merveilleux Don César pour la distraction, bon vivant ayant dilapidé sa fortune et perdu sa réputation de grand d'Espagne, dormant dans la rue et fréquentant les mendiants, traîne-savates, voleurs et poètes indigents qui s'y retrouvent.
Un personnage d'honneur, qui refuse d'entrer dans la vengeance de Don Salluste parce qu'elle vise une femme ; Don César, superbe, incendie son cousin :
"Oh ! plutôt qu'arriver jusqu'à ce déshonneur,
Plutôt qu'être, à ce prix, un riche et haut seigneur,
- Et je le dis ici pour Dieu qui voit mon âme, -
J'aimerais mieux, plutôt qu'être à ce point infâme,
Vil, odieux, pervers, misérable et flétri,
Qu'un chien rongeât mon crâne au pied du pilori !"
Acte I, scène 2
Voilà qui est envoyé !

C'est avec Ruy Blas que j'ai découvert le théâtre d'Hugo. Je m'en suis régalée et m'en régale encore, comme de tout le théâtre romantique.
Les sentiments y consument leurs personnages comme du petit bois, les situations sont clairement incroyables, les mises en scène sont forcément tarabiscotées, c'est un vrai plaisir !
Il faut lire les indications d'une précision maniaque qu'Hugo met en préalable à la moindre de ses scènes, jusqu'au moindre détail des costumes (la robe de la reine "vêtue de blanc, robe de drap d'argent", Ruy Blas Acte II scène 1), jusqu'au plus petit pli d'un tapis couvrant une table, jusqu'à l'ordonnance des meubles…

Quant à Ruy Blas en particulier, je lui dois une fière chandelle.
J'avais été pincée à le lire en douce en classe, pendant un cours d'allemand.
Refusant de donner ce que je lisais au professeur, j'avais été envoyée chez la directrice, qui avait l'air bien près de me faire expulser quelques jours, pour me permettre de réfléchir sans doute, et de me coller jusqu'à mon trentième anniversaire.
Je n'en menais pas large.
Après un savon d'anthologie sur les têtes de linotte dans mon genre qui lisaient des magazines en classe et sur l'avenir qu'elles se préparaient, la directrice me demanda ce que je lisais précisémment.
"Ruy Blas, madame.
- Pardon ???
- Ruy Blas, de Victor Hugo, madame."
Grand moment de silence.
Grand moment de solitude pour moi.
Enfin, la directrice eut l'air de trouver ce qui l'intriguait vraiment.
"Vous le lisez pour l'école ?
- Non, madame.
- Pardon ??? Mais pourquoi alors ? Pour… pour votre culture personnelle ?
- Euh, pour moi, oui madame.
- Et pourquoi avez-vous refusé de le donner à votre professeur ?
- Parce que je ne l'avais pas terminé, madame."
Nouveau silence.
"Vous pouvez aller."
La directrice agitait la main vers la porte, je filais avec mon petit classique Larousse beige et mauve sous le bras sans demander mon reste (pour le prêter illico à ma soeur).

Ruy Blas m'avait sauvée de l'expulsion et de nombre d'années de colles…

Tous les talents, cet Hugo, vous dis-je !


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Quand un auteur est convaincu de l'enjeu politique et social de la littérature, il est inévitablement porté à s'intéresser au théâtre, art bien plus populaire que celui de la littérature, surtout au XIXe siècle, quand le théâtre était le seul moyen de transmettre une oeuvre écrite inaccessible à la majorité analphabète d'une population.
Victor Hugo étant un auteur ayant toujours cherché à créer pour ceux qui n'en n'ont pas les moyens et en ont le plus besoin, il était logique qu'il lance définitivement sa carrière littéraire par le théâtre, et pas n'importe quel théâtre, un théâtre débarrassé des restrictions classiques, un théâtre romantique, exalté, lyrique et emporté, cherchant à satisfaire autant l'intellectuel porté sur l'exactitude historique et le caractère des personnages que le sentimental adepte des intenses peintures des passions.
Lancé par "Cromwell" et surtout par "Hernani" , le drame romantique hugolien atteint son apogée avec "Ruy Blas". Bien que ce texte puisse heurter, et même faire sourire, les professionnels de notre théâtre contemporain, il n'en garde pas moins une grande fraîcheur par la beauté et la vigueur de ses vers, la force de ses images et son indéniable caractère populaire. Il est vrai qu'aujourd'hui, les auteurs cherchent avant tout à ne pas être populaire et à créer, non pas pour tous, mais pour certains. le théâtre perd ainsi (peut-être au profit de la télévision et du cinéma ?) ce qui fit sa grandeur et lui donnait tout son sens : être l'élément déclencheur d'un engouement populaire, être créateur de lien social. Ce que Victor Hugo réussit à faire par son théâtre, par ce fameux drame éminemment politique d'un valet épris de la reine d'Espagne, d'un homme du peuple ayant des velléités d'insoumission, d'égalité et de liberté, dans un temps où les incompétences de l'aristocratie commençait à faire de l'ombre aux nouvelles forces et aux volontés aiguisées d'une classe bourgeoise désirant tenir, elle aussi, les rênes de son destin.
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