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EAN : 9782729713799
322 pages
Presses universitaires de Lyon (13/10/2022)
4/5   3 notes
Résumé :
L'autofiction est une projection de soi sur le papier. Mais de nombreux écrivains à la première personne ont accepté, choisi ou revendiqué de se projeter sur des écrans, qu'il s'agisse de cinéma, de vidéo ou de télévision. C'est à eux qu'est consacré cet ouvrage, qui invite à un voyage inédit au coeur de la littérature et de ses liens avec l'image en mouvement. Même si le terme « autofiction » n'a été créé qu'en 1977 par Serge Doubrovsky, Élise Hugueny-Léger débute ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre m'a été envoyé suite à ma candidature à plusieurs livres proposés par l'opération Masse Critique de Babelio sur le thème de la non-fiction.
Je remercie chaleureusement les Presses Universitaires de Lyon et Babelio de l'envoi de « Projections de soi, identités et images en mouvement dans l'autofiction » un livre publié dans la collection « Autofictions, etc… »

Avant de commenter cet ouvrage remarquable, une remarque préalable. Bien que d'une construction impeccable, et d'une grande richesse d'analyse, le livre peut être parfois difficile, en raison de son vocabulaire de spécialiste, pour qui, comme moi, n'est pas universitaire, ou n'a pas fait d'études universitaires, dans le domaine des « belles lettres ». Chaque domaine de spécialité a son « jargon », pas toujours facile à comprendre. Ceci-dit, quand le lecteur ignorant se fait aider d'un dictionnaire, ou même de Google, la compréhension du texte redevient plutôt facile.

L'autrice, Élise Huguenin-Lévy, qui est enseignante universitaire (au département d'études françaises de la prestigieuse université de Saint Andrew en Ecosse, fondée en 1413, la plus ancienne université britannique après Oxford et Cambridge, ce doit être bien agréable d'enseigner ou d'étudier là, je reprendrais bien mes études!!!), a choisi une approche originale pour parler de l'autofiction.
Il s'agit d'y analyser le travail de quelques écrivaines et écrivains, identifié.e.s, au moins en partie, dans le champ de l'autofiction et qui font se parler le monde de la littérature et celui de l'image, qu'il s'agisse du cinéma, de la télévision, ou même de leur image médiatique.

Le livre est particulièrement bien construit, on sent là l'universitaire à l'oeuvre, et c'est très agréable de lire l'exposé du sujet, l'annonce, puis le déroulé du plan, et une conclusion reprenant les points essentiels.

Dans un premier chapitre, intitulé « le moment de l'auto fiction » et qui est une sorte d'introduction à l'ouvrage, est évoqué le contexte socio-culturel dans lequel l'autofiction est apparue, avec notamment, le développement de l'individualité voire l'individualisme, de la place des femmes dans la société (développement tout relatif!), de la démocratisation de l'écriture de soi, de la sphère médiatique. Mais aussi la place de plus en plus importante que prennent les images dans la culture. Elle expose alors l'enjeu de cet ouvrage qui est
« de concevoir l'autofiction non seulement dans le cadre des renouveaux de l'écriture de soi et du rapport au réel, mais aussi sur un plan culturel, celui de la place jouée par le cinéma, la vidéo, et les possibilités de représentations de soi sur grand et petit écran. ».

Elle expose aussi qu'elle a fait plusieurs choix:
celui de présenter écrivaines et d'écrivains, tout en s'opposant à l'idée que l'autofiction, par son approche de l'intime, est une manière « féminine » d'écriture littéraire;
celui aussi de mêler autrices et auteurs dont l'oeuvre est achevée ou presque, comme les écrivain.e.s du Nouveau Roman, ou Georges Perec, ou Georges Doubrovsky, le créateur du terme d'autofiction, soit enfin la nobelisée Annie Ernaux, et d'autres dont l'oeuvre est encore en devenir, ou du moins n'est pas terminée, comme Camille Laurens, Emmanuel Carrère, Christine Angot, Jean-Philippe Toussaint, Chloé Delaume, Amélie Nothomb, Delphine de Vigan, et même l'artiste contemporaine Sophie Calle.

Les chapitres suivants vont développer différents rapports de l'écriture autofictionnelle et du monde des images, d'abord par une étude de deux auteur.e.s identifiés comme faisant partie du courant du Nouveau Roman: Robbe-Grillet et Duras,qui à la fois se sont posés dans leurs oeuvres la question: « comment représenter le réel ? », mais aussi ont utilisé les imaginaires visuels et les stratégies médiatiques ( c'est le cas de Duras) pour multiplier les possibilités de représentation de soi.

Puis, avec l'analyse du travail de Camille Laurens, Georges Perec, Sophie Calle, Emmanuel Carrère, l'autrice analyse l'apport du cinéma dans la démarche autofictionnelle.
C'est très intéressant d'y voir abordé, dans le cas de Georges Perec la question de la quête des origines, par un film tourné sur les lieux de sa fugue datant de 30 ans, événement sur lequel il avait écrit 10 ans auparavant; ou encore l'autofiction cinématographique faussement réaliste créée par Sophie Calle.
L'analyse détaillée du travail d'Emmanuel Carrère, qui est la fois scénariste et romancier, dans sa relation d'un même événement dans le film « Retour à Kotelnich » et dans le livre «Un roman russe » montre qu'il s'agit par ces deux approches d'essayer de comprendre le sens d'une disparition et de faire aussi une quête de ses origines russes.

Le chapitre intitulé « Adaptations et altérité » examine la problématique de la transformation, ou de l'impossibilité d'adapter, un livre en un film. L'analyse fouillée de l'adaptation cinématographique du livre d'Ernaux « L'occupation » qui devient le film «L'autre » est absolument passionnante. Élise Huguenin-Levy, qui est une spécialiste reconnue de l'oeuvre d'Annie Ernaux, y décrit comment le livre a un contenu extrêmement visuel, par l'emploi des mots et des situations décrites, pour faire ressentir le sentiment de jalousie à l'égard de celle qui vit désormais avec son ex-amant, et comment l'adaptation en film va nous en proposer une approche bien différente, en nous livrant par une sorte de saturation d'images d'écrans, de vidéos, le fantasme des possibilités de surveillance de l'Autre, que l'on ne verra jamais.
Dans l'examen du livre d'Angot « Pourquoi le Brésil? » et de son adaptation par Laëtitia Masson en « Pourquoi(pas) le Brésil? » la question de la transposition impossible d'un contenu d'un texte en film est abordée. J'avoue avoir parfois été un peu perdu dans les méandres de ce qui m'a semblé être plutôt un exercice de style.

Enfin, le chapitre « Sujets médiatiques, figures publiques » examine les différentes facettes des rapports de l'autofiction aux médias télévisuels. Avec Chloe Delaume et Jean-Philippe Toussaint, ce sont les injonctions de la télévision, sa transformation du réel de « l'actualité » en stories formatées, qui sont mises en scène sur le mode de l'autofiction. C'est le rapport à l'image médiatique de l'écrivain.e, qui est analysée de façon très éclairante, d'abord dans le cas de Serge Doubrovsky et de son entretien dans un contexte personnel dramatique à l'émission Apostrophes, de l'image médiatique que donne à voir Amélie Nothomb, et du questionnement de la réalité chez Delphine de Vigan.

Dans sa conclusion, après avoir résumé comment se décline le rapport de l'autofiction aux images, elle en analyse l'évolution depuis son apparition, les différentes possibilités qu'elle offre et son devenir.
Sa conclusion est plutôt optimiste quant aux champs qui s'ouvrent.

Mais, quant à moi, je regrette qu'elle n'ait pas mis plus l'accent sur l'intérêt de ce domaine de la culture pour décrypter les dangers et prendre du recul à l'égard de la reconstruction artificielle, perverse et nocive, de la réalité que nous proposent les médias, et ouvrir notre esprit sur la réalité de l'image de soi véhiculée par les réseaux sociaux. Mais ce n'était sans doute pas le but de ce passionnant, bien qu'un peu difficile, ouvrage.

Pour conclure, une remarque personnelle. Je vois souvent, sur Babelio, ou dans mes discussions avec d'autres, que le sujet de l'autofiction est clivant, que les auteurs qui parlent d'eux-mêmes sont disqualifiés, traités de nombrilistes, inintéressants, voire totalement irritants.
Or, je trouve que, dans un monde saturé d'images et de manipulations par l'image, les livres qui questionnent, par le biais de la fiction au sujet de soi, l'identité personnelle et collective (Ernaux en est un magnifique exemple), le rapport au réel, aux origines, la manipulation, etc.., sont une approche passionnante de la littérature, aussi digne d'intérêt que la fiction pure, voire la science-fiction et la littérature fantastique.
Après tout, on peut aimer Rembrandt et Pollock, Vermeer et Rothko, pourquoi pas Annie Ernaux et Philip K.Dick?
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Livre reçu dans le cadre de l'opération « Masse Critique » dont je remercie les organisateurs et les organisatrices ainsi que les éditions mentionnées.

Cet ouvrage érudit nécessite un temps d'adaptation pour entrer dans le sujet, mais à partir du moment où les exemples sont analysés, la compréhension s'affine.
Afin de donner une définition claire des termes concernant la projection de soi, l'autobiographie et l'autofiction (mot né en 1977, officialisé en 1982-84) et d'en préciser l'évolution, l'autrice étudie en parallèle écrivains et écrivaines qui ont, d'une manière ou d'une autre, utilisé les médias (écrans télé-visuels (photographie et télévision)), cinématographiques ou documentaires (films ou émissions) pour créer une image d'eux ou d'elles-mêmes en lien avec leurs oeuvres.

Depuis la seconde moitié du XXe siècle principalement jusqu'à nos jours, cette notion a progressé entre un effet (assumé ou non) de réel et un jeu identitaire complexe. Ce qui relevait auparavant du pacte d'un « moi unifié » (contraint par des règles de sincérité, au langage cohérent, qui fixe la mémoire) s'affiche aujourd'hui comme un exposé fragmentaire instable et parfois fantasmé, incarnant de multiples facettes : identité/(post-)mémoire, filiation/filature, quête/fuite, transformation/aliénation, collision/dissolution, dédoublement/masque, autopromotion/manipulation, etc.

À l'instar du livre, le cinéma est un support pour la connaissance (de soi, des autres), mais aussi pour l'imagination, le rêve et l'ailleurs. L'écran matériel ou métaphorique (obstacle ou support) active (idéalement) la participation des lecteurs/spectateurs et les métamorphose en coauteurs.

Les modalités ont changé et le phénomène également. Élise Hugueny-Léger circonscrit progressivement le mouvement interne et externe de la notion de projection et de sa polysémie, sur les plans technique, psychique et rhétorique. L'enseignante et chercheuse est convaincue des « possibilités narratives, identitaires et ludiques de l'autofiction et de sa contribution au renouveau des pratiques littéraires » (p 34) qui ne semblent plus être confinées à l'écriture dite féminine (et au « journal intime »), mais qui déplace les clichés vers un dépassement de soi innovant.

La métacritique ouvre un champ supplémentaire aux aspirations réflexives des artistes et l'intertextualité est un perpétuel enrichissement d'où l'individuel s'universalise. La rencontre dans l'altérité reste le moyen de transfigurer le "moi" du quotidien.
Le film comme l'écrit se propose donc comme un laboratoire de création dont le dialogue entre visuel et textuel s'avère fertile pour décliner la pluralité du sujet.
anne.vacquant.free.fr/av/
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Un essai intéressant et écrit avec clarté sur la notion d'autofiction. L'ouvrage revient d'abord sur cette notion, sur celle d'autobiographie, et l'idée de "projection de soi" puis sont analysées les écritures du nouveau roman avec Robe-grillet et Duras. Viennent ensuite des auteurs plus contemporains comme Ernaux ou Carrère. le rapport de ces auteurs a l'image, la réalisation et l'adaptation est analysée. N'ayant pas lu ou vu tous les livres ou films dont il est question, il est alors un peu difficile de s'accrocher à cette lecture technique.
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critiques presse (1)
NonFiction
09 mai 2023
En réfléchissant au rôle du cinéma et de l’audiovisuel dans l’autofiction contemporaine, Élise Hugueny-Léger dévoile le rôle de l’altérité dans la construction fictionnelle de soi.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Très souvent, littérature et images en mouvement sont opposées, comme si ces divers modes d’expression étaient rivaux et que l’un dominait l’autre.
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[Le cinéma] n’a jamais cessé de fasciner par ses possibilités de représentation et de manipulation du monde qui nous entoure, par sa capacité à montrer ce qui n’est plus ou à imaginer ce qui pourrait être.
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L’autobiographie ne nous montre pas les étapes objectives du parcours d’un individu, mais l’effort requis pour donner sens au mythe personnel que chacun se construit.
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La capacité de la photographie à transformer et déguiser, et pas seulement à dire ce qui a été, pour reprendre la fameuse formule de Barthes.
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Autofiction ne signifiera ni plus ni moins que roman autobiographique contemporain.
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