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EAN : 9782330121242
160 pages
Actes Sud (21/08/2019)
3.49/5   114 notes
Résumé :
Une jeune femme photographe qui vit à l'instinct, dans l'urgence de ses projets, de ses désirs, retourne dans son Laos natal pour l'enterrement de sa grand-mère. En compagnie de sa mère et de son frère aîné brisé par l'exil, en retrouvant son grand-père, elle réapprend ce qu'elle est, comprend d'où elle vient et les différentes ardeurs qui la travaillent, qui l'animent. Un premier roman audacieux, sensuel et délicat qui révèle le corps comme seul territoire de liber... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
3,49

sur 114 notes
Contrairement à son frère d'une dizaine d'années son aîné, la narratrice n'a gardé aucun souvenir du Laos, qu'avec leurs parents ils ont fui lorsqu'elle était encore en bas âge, dans les années 1980. A désormais vingt-trois ans, elle est l'assistante d'un photographe à Paris, où elle mène une existence très libre et collectionne les aventures d'un soir. Son frère, lui, ne s'est jamais remis de son exil et sombre dans la déprime. Au décès de leur grand-mère restée au Laos, les deux jeunes gens et leur mère retournent pour quelques semaines dans leur pays d'origine.


Mise à part l'aïeule Wàipó dont l'ombre omniprésente cimente tout le récit, personne n'a de prénom dans cette histoire construite en ricochet entre le « je » de la narratrice, le « tu » du frère et le « il » du grand-père, comme si, pour ces trois là, départis de leur identité par l'exil et la séparation, un seul repère pouvait subsister : le souvenir aimant de celle qui fut le pilier de la famille.


Le leitmotiv du texte est le déracinement et la perte d'identité des exilés. Tandis que ses parents vivent retranchés dans une bulle protectrice reproduisant en France leur cadre laotien, pendant que son frère refuse obstinément sa vie de transplanté qui ne remplacera jamais celle qu'on lui a volé, la narratrice constate que sa double appartenance ne fait que la rendre étrangère partout. Les premiers s'isolent dans le contrôle obsessionnel d'un quotidien rigide et replié sur lui-même, le second cherche l'oubli dans une dérive dépressive ouverte à toutes les addictions, la dernière s'enivre d'une liberté sexuelle qui serait restée inconcevable au Laos, trouvant refuge dans le seul territoire qui lui appartienne en propre : son corps.


Parfois dérangeant par sa sensualité crue, d'une lecture fluide et agréable, ce roman du déracinement et de la quête d'identité impressionne par la profondeur des souffrances évoquées et par l'intelligence de l'écriture. L'on ne peut qu'être touché par ce texte, dont on imagine aisément quelques possibles proximités avec le parcours personnel de l'auteur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Elle, la narratrice, a 23 ans, est d'origine vietnamienne et vit à Paris, assistante d'un photographe. Très libre, elle vit en suivant son instinct, ses pulsions, ses désirs, en même temps que les hommes dans la rue.
Elle s'adresse à "toi", son frère dix ans plus âgé, qu'elle voudrait tirer de sa déprime, un mal-être qui ne l'a jamais vraiment quitté depuis qu'avec leurs parents ils ont fui le Laos, 20 ans plus tôt.
Elle ne se souvient pas de son pays natal, "toi" ne s'en souvient que trop bien et n'a jamais réussi (voulu?) s'adapter à la France, terre étrangère où il n'arrive pas à être lui-même.
Elle parle aussi d'eux, leurs parents, pas davantage intégrés, recroquevillés sur leurs traditions et leurs habitudes rigides, repliés dans une zone de confort forgée pour supporter l'exil et survivre dans ce pays d'accueil où ils ne resteront jamais que des étrangers.
Elle, fille de la deuxième génération, est vue en France comme une étrangère, quoi qu'elle fasse, rien à faire, sa peau la trahit. Elle l'est au Laos également, où elle retourne avec sa mère et son frère pour les funérailles de sa grand-mère. Là-bas non plus on ne lui donne pas sa place, avec sa dégaine de touriste, la langue qu'elle ne maîtrise pas, le modèle traditionnel de la jeune fille attendant sagement un mari, qu'elle refuse (le mari et le modèle).
En manque de racines, en panne d'identité, les retrouvailles avec son grand-père vont lui apprendre à s'ancrer, littéralement à être bien dans sa peau : "le seul endroit sur terre dont je peux revendiquer l'appartenance est le périmètre de ma peau. C'est là le seul, le vrai lieu qui est le mien".

Avec son écriture poétique et sensuelle, parfois très crue, ses phrases courtes et hachées, "L'imprudence" parle d'identité, d'exil, de la façon dont on vit un déracinement selon les souvenirs que l'on a de son pays d'origine, de la façon dont les autres vous perçoivent, ici ou là-bas, de cet entre-deux souvent inconfortable entre ici et là-bas quand on ne s'identifie pas/plus à l'un ou à l'autre. Et quand bien même la narratrice se sent française et tourne le dos aux traditions familiales, elle se voit étrangère dans le regard des Français, et incomprise des siens. C'est là son "imprudence" : échapper aux normes, chercher qui elle est, la voie vers la liberté.
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ATTENTION : MON COUP DE COEUR DE LA RENTREE LITTERAIRE 2019 (et au-delà), LE 21 AOÛT EN LIBRAIRIE !!!

J'ai eu la chance de lire L'imprudence avant sa sortie et j'ai été bouleversée par ce roman qui correspond en tout point à ce qui me chavire en littérature : quête d'identité, écriture sans aucun tabou ni censure tout en filtrant la crudité des propos par un style raffiné, recherche du sens d'une expérience individuelle dans celle de la famille, des ancêtres, et de la grande histoire. C'est un roman très court, que j'ai déjà lu deux fois, et qui est d'ores et déjà pour moi la révélation de cette rentrée littéraire (dont j'ai pourtant déjà lu plusieurs autres titres).

L'histoire s'articule autour de trois grands jalons. 1975 : une famille fuit le régime autoritaire qui vient de s'installer au Laos. Les parents, leur fils de onze ans, leur bébé d'un an. 1997 : le bébé a 23 ans au moment où le décès de leur grand-mère les fait revenir dans la ville qu'ils avaient quittée. 2019 : le bébé a 45 ans et raconte ce séjour et son histoire en s'adressant directement à son frère, à la deuxième personne. Elle lui envoie une magnifique déclaration d'amour, à lui qui ne s'est jamais remis de la rupture brutale qu'on lui a infligée au beau milieu de l'enfance, qui « se sent un imposteur en vivant une vie de Français ». En 1997, au moment où se situe l'intrigue, elle, sa soeur, ne lui avait rien dit de ses choix de vie occidentaux, parce qu'elle pensait que sa famille n'y aurait pas survécu. Si elle lui écrit enfin en 2019, c'est peut-être parce que le temps a renversé les priorités : aujourd'hui, c'est ne pas raconter qui serait destructeur.

Le livre décline la grande histoire comme clé de la petite. Fuir un régime autoritaire en 1975, avec de jeunes enfants qu'on veut préserver, qu'est-ce que ça fait aux personnes concernées ? La narratrice, trop jeune pour se souvenir de son année de naissance passée au Laos, vit une vie occidentale. Très occidentale même, tout en conservant son origine étrangère inscrite sur son visage : est-ce pour cela qu'elle est devenue photographe, avide de capter la surface des choses pour montrer comment on peut lui faire révéler le sens caché ? Un des fils conducteurs du livre est une expérience qui fait penser à celle de La nausée de Sartre : à cinq ans, fixant le plafond, elle l'a vu « dans son étrange nudité », ce qui l'a menée à la conscience d'exister, puis, à l'âge adulte, à organiser sa vie autour de son regard.

Au final, le livre mêle deux aspects fondamentaux de l'identité : la vie sexuelle et la quête des origines (d'ailleurs, je le mets de ce pas dans ma liste dédiée), en faisant sentir les correspondances et même les filiations entre les deux. Le sens du parcours de la narratrice se construit au contact de son grand-père, dont la vie a été prise au piège de son propre amour de l'amour. « La seule chose qui me console », lui dit-il, « c'est de penser que, là-bas, tu es quelqu'un. Là-bas, tu as le choix. Tu me ressembles tellement. » Elle : « Je pourrais mourir d'entendre cela. Tant de mouvement. Cet afflux. La grâce que je n'attendais plus. »

Un roman vraiment très fort qui emportera celles et ceux qui, comme moi, sont sensibles avant tout aux émotions et à la recherche du sens qui se cache derrière toutes nos expériences humaines.

[Ci-dessous, le lien vers la chronique que j'ai écrite pour 20 minutes.]
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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Coup de coeur pour ce roman au ton juste et poignant !

C'est un chant d'amour vibrant d'émotions pour un frère et un pays, le Laos. L'un et l'autre se confondant avec la perte de l'enfance et l'exil pour des raisons politiques en France.

La mort de sa grand-mère fait revenir au Laos avec sa mère et son frère, la jeune femme aujourd'hui photographe. Un retour non seulement physique mais aussi sensoriel. Des impressions, des touches éphémères qu'elle veut voir renaître dans ses yeux quitte à se rendre vulnérable.
Au Laos, elle renoue avec son grand-père qu'elle découvre sous un nouveau jour et espère abolir la distance affective faite d'incompréhensions et de non-dits entre elle et son frère a profondément blessé par le déracinement avec le Laos.

J'ai été éblouie par l'écriture ciselée de Loo Hui Phang. Les phrases courtes drainées par les souvenirs filiaux sur les rives du Mékong contiennent en peu de mots l'essence de l'intime.
La figure tutélaire et tendre du grand-père m'a particulièrement touchée.
J'ai été charmée par le climat poétique et sensuel du roman où les ombres flottantes sont traversées par les éclairs du désir.
Le désir du corps de l'homme quand la peau devient l'unique territoire d'appartenance.
L'imprudence est un très beau roman aux accents durassiens qui m'a totalement subjuguée.

Un grand coup de coeur !
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La narratrice avait un an lorsque ses parents, immigrés vietnamiens, ont quitté le Laos, contraints et forcés. Pour son frère de onze ans l'arrivée en France est un drame. Il ne s'en remettra jamais, vivant toujours chez ses parents à trente-trois ans, nourri de shit et de jeux vidéo.
Elle porte un regard lucide sur cette famille qui veut la maintenir à tout prix dans l'univers qu'elle a fui : « Entre les murs de l'appartement situé en terre étrangère – la France -, s'est instauré un condensé de lois confucéennes, bouddhiques, conservatrices, traditionnalistes, soit une petite dictature. »
Sa mère n'est pas le modèle dont elle rêve : « C'est ainsi que débute chaque journée de sa vie. Par une grande casserole d'eau bouillante. »
A la « lisière de ses dix-huit ans », elle a « renvoyé (le) mari vietnamien (…) à la figure » de sa famille et « a fui Paris ». Elle a commis « le geste total » (…) « l'imprudence. »
Le retour à Savannaketh pour l'enterrement de la grand-mère maternelle, va lui ouvrir les yeux. Ces quelques jours passées au Laos, les discussions avec son grand-père, en fumant des 555, les fausses retrouvailles avec Thu, la serveuse du restaurant qui l'a remplacée auprès de sa grand-mère, les déambulations avec son frère dans les lieux de son enfance, lui permettent de mesurer la distance qui la sépare à la fois du Viêt-Nam et de la France.
Comment ses grands-parents ont-ils vécu leurs relations avec les colonisateurs ? Ne vit-elle pas la même chose avec son envie de France ?
« L'exotisme de la vietnamienne (…) est une usine à stéréotypes, dépréciatifs ou gratifiants. Ils disent la même chose, dans le fonds. Une xénophobie plus ou moins assumée. »
L'imprudence traite avec à la fois beaucoup d'émotions et de recul, de la difficulté du déraciné à trouver une identité en France, notamment lorsqu'il est originaire d'une ancienne colonie. Ici le Viêt-Nam. Acquérir son autonomie via la maitrise de la langue ou le statut professionnel suppose de s'éloigner de sa culture d'origine sans être certain de n'être plus regardé comme un étranger. Dilemme connu.
Même le retour au pays ne comble pas cet abîme. Au pays, on revient toujours comme celui qui est parti, quel que soit la raison, une sorte d'étranger ; les amis d'autrefois que l'on voudrait maintenir là où on les a laissés en partant, ont évolué. Rien ne coïncide plus malgré ses efforts. « Je pourrais ressembler à une Française. Mais ce n'est pas le cas. »
La narratrice comprend que « L'expatriation condense les archétypes. » mais en même temps, elle est consciente de la superficialité des archétypes ; au Viêt-Nam comme en France, ou ailleurs, les mêmes combats se déroulent, entre hommes et femmes, maris et amants, femmes et maîtresses, riches et pauvres, exploiteurs et exploités. Combats qu'elle mène au sein de sa famille, contre son frère, son aîné, sa mère et les membres de sa famille, de guerre lasse : « Et malgré tout la révolte qui me hante, je tiens à vous. »
Etrangère partout, elle a compris cela : « le seul endroit sur terre dont je peux revendiquer l'appartenance est le périmètre de ma peau. C'est là le seul vrai lieu qui est le mien. ». Elle en use et en abuse, collectionnant les aventures, trouve sa liberté dans « un égoïsme salvateur », retient les conseils d'Edmond le photographe misanthrope : « Sois poreuse et n'attends rien. ».
Dans le cours du récit, l'auteur fait un clin d'oeil à ses lecteurs en faisant dire à la narratrice qu'elle sent « L'odeur, la merveilleuse odeur des garçons affamés. », le titre de la BD qu'elle a scénarisé pour le dessinateur Peeeters.
https://www.babelio.com/livres/Peeters-Lodeur-des-garcons-affames/833098
Un livre reçu lors du pique-nique Babelio, que j'ai lu avec plaisir, le sujet est d'actualité, la façon de le traiter audacieuse et juste, la personnalité de la narratrice est attachante.
Loo Hui Phang, une auteure que je vais m'empresser de découvrir. Merci à Babelio pour ce cadeau.

Lien : https://camalonga.wordpress...
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critiques presse (2)
Actualitte
17 octobre 2019
L’écrivaine Loo Hui Phang, servie par son écriture soignée et délicate, livre un premier roman subtil et captivant sur le déracinement tout en offrant la sublime adresse, sincère, d’une sœur à son frère.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Culturebox
23 août 2019
On retrouve dans ce court et dense roman la patte de l'auteure, la sensualité, mots soigneusement choisis, associée à une forme de brutalité dans l'écriture, phrases courtes, percutantes, qui battent la mesure d'une histoire hachée par la mémoire.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Au bout de la course, longue de dix-huit heures, s’étire le fleuve. À coups redoublés, il lèche les rives charnues, offertes à ses assauts. Il me semble que c’est moi que je regarde. Moi retournée comme un gant, le paysage à l’intérieur de moi, déployé à perte de vue. Voici l’influx qui traverse ma chair et m’entraîne là où peut s’accomplir ma jouissance. Je le contemple. Il court sous ma peau.
Sur la rive thaïlandaise, la foule afflue vers l’embarcadère. Quelle indécence, tous ces gens piétinant mon intimité. Une petite centaine de personnes s’agitent dans mon panorama secret. La cohue draine caisses, bagages, victuailles vers le prochain bateau. Cette effervescence foule en toute ignorance ma nudité. Une nudité plus grande que le dévoilement du corps. Je frémis d’une telle impudeur.
J’avance pourtant. Je quitte la gare portuaire de Mukdahan et emprunte à mon tour le sentier menant vers l’embarcadère. La clarté est sidérante, partout renvoyée vers ma peau accablée, ma peau d’hiver. Elle est comme un œil grand ouvert, braqué sur moi. Voilà mon visage d’aujourd’hui.
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Quittant l’hostilité de notre pays, nous avons intégré un autre État, dans lequel notre famille a établi un camp de retranchement renfermant lui-même nos espaces défensifs, au fond desquels nous sombrons sans fin, réduisant à l’impossible nos cercles d’action, de vie, de désir. Soit un ensemble d’exils séquentiels – politique, culturel, générationnel, relationnel, professionnel, existentiel – menant inexorablement à l’effacement de ce que nous sommes. Un exil de nous-mêmes. Une déterritorialisation intime.
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Il se tait un moment. Son regard se perd dans les fioritures cimentées du cinéma, reflets matériels de ses souvenirs enchevêtrés.
"Que dois-je penser de la France, chère petite ? Elle m'a instruit et donné un uniforme. Mais, à ses yeux, je demeure un indigène. Elle m'a pris ceux que j'aimais. Madeleine, mon unique fille, toi, ton frère."
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Je pourrais ressembler à une Française. Mais ce n’est pas le cas. Tout se joue sur le visage. La vie se décide à partir de là. J’aimerais penser qu’il n’en est rien, qu’il n’y a pas de déterminisme, que les individus éclairés peuvent échapper à ce genre de paramètre. Mais c’est faux. J’ai grandi dans la banlieue de Cherbourg. Et là, le comportement de tous ceux qui me regardent, quelle que soit leur perméabilité aux préjugés, est contaminé par cela. Phénomène à peine moins perceptible à Paris. C’est ainsi. Au premier regard, cela est prononcé. Je ne suis pas d’ici. Tout le monde le voit. Tout le monde le sait. Je sais que l’on sait. Et cette chose est posée là, entre les autres et moi.
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C’était il y a deux ans. J’avais demandé à nos parents leur livret de famille, exigé par l’administration. La vue du petit carnet recouvert de suédine bleue et marqué d’un blason pompeux a provoqué en toi un soulèvement immédiat. Tu m’as sommé d’expliquer en quoi renouveler ma carte d’identité était nécessaire. J’ai naïvement répondu que j’en avais besoin, pour prouver que j’étais bien française. À tes oreilles, je n’aurais pu prononcer de plus grand affront. J’ai cru que tu allais me gifler. “Tu ne peux pas dire ça, affirmais-tu. Nous sommes vietnamiens. Nos grands-parents ont quitté le Viêtnam pour s’installer au Laos pendant la colonisation française. Ils ont appris des langues étrangères mais ils ont adopté une autre terre et recréé leur communauté, avec d’autres Vietnamiens exilés. Où qu’ils soient, les Vietnamiens restent des Vietnamiens. C’est ça, ton identité. Tu as beau avoir grandi ici, sans aucun souvenir de notre pays, tu n’es pas française. Tu es et tu seras toujours une Vietnamienne.” Dans ta voix résonnait l’orgueil immense, cette sale manie familiale. Tu parlais au nom de tous, ta voix portée par celles de tous les autres. Car pour une raison obscure, toi, nos parents, le clan entier, avez le sentiment d’appartenir à une race à part. Nouveaux colons en terre barbare, vous vous gardez bien de soumettre votre pureté à la souillure environnante. Vous imitez, geste pour geste, l’arrogance des étrangers qui avaient colonisé nos terres, repliés sur leurs statuts, leurs préjugés. S’extraire du clan pour embrasser des mœurs étrangères, c’est entrer en décadence. Être français est un déclassement. Tout comme, autrefois, se fondre dans la masse indigène était une déchéance.
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Videos de Loo Hui Phang (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Loo Hui Phang
Loo Hui Phang, Vincent Eches et Singeon échangent dans une conversation menée par Christian Rosset à propos de la porosité des frontières qui séparent somme toute assez peu la bande dessinée des autres disciplines artistiques. La scénariste, invitée d'honneur du SoBD 2022, évoque ses différentes pratiques artistiques, sa rencontre avec Vincent Eches et les expériences qu'elle a mené à la Ferme du Buisson, à l'occasion desquelles elle a couplé la bande dessinée au spectacle vivant. Singeon revient lui pour sa part sur ses collaborations théâtrales. Pierre Fresnault-Deruelle est malheureusement silencieux, mais il aura l'occasion de se rattraper lors de la rencontre suivante…
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