"Ces belles histoires, vous les aimerez, car elles portent en elles tous les parfums de notre vieille terre de France. Vous y retrouverez les vertus héroïques des paladins qui entouraient Charlemagne et celles des robustes barons qui bataillèrent sans fin pour arracher notre pays aux infidèles du Nord et du Sud."
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Mais ça date de quand, ce truc ? Ah ! 1949...* CQFD... Quand on connaît la date de première parution de ce recueil, on s'étonne moins de lire en avant-propos une phrase qui sonne si étrangement à nos modernes oreilles. En cette période d'après-guerre, la France, écrasée et humiliée, n'a dû son salut qu'au secours anglo-américain et garde encore dans la bouche le goût amer de l'Occupation allemande et de la Collaboration. Rien d'étonnant à ce qu'un homme politique comme George Huismann ait cru bon d'enseigner à des petits enfants qui n'avaient connu que cette France-là, un glorieux passé, une époque où Charlemagne dominaient une bonne partie de l'Europe, Allemagne comprise.
Ce recueil n'est pourtant pas trop bassement franchouillard. Il ne présente pas non plus que des histoires de chevaliers. Une bonne moitié centrale s'intéresse particulièrement aux histoires inspirées par Charlemagne, Roland et Guillaume d'Orange. Récits de batailles contre les Sarrasins, homériques et sanglants, un peu lassants à la longue. Cette partie est encadrée par 2-3 courts récits typiques de l'amour courtois, dont le fameux conte d'Aucassin et Nicolette, et par des fabliaux mettant en scène des clercs rusés, des bourgeois naïfs et le rusé goupil Renart.
J'ai bien aimé la variété des récits. C'est une vision finalement assez large du Moyen Age. Ces récits sont cependant plus le reflet de leur époque de rédaction que de l'époque qu'ils décrivent. À l'époque de Charlemagne, point encore de chevalerie au sens qu'elle prendra plus tard, ni même de notion de France et de Français. Ayant beaucoup lu ce genre d'histoires quand j'étais moi-même enfant, j'ai retrouvé quelques contes familiers, d'autres qui m'étaient inconnus. Mon préféré reste celui de "La housse partie" (et non la house party !), un conte qu'on devrait faire lire à tous ceux qui ont des parents vieillissants...
En résumé : un recueil qui n'a pas autant vieilli que pouvait le laisser craindre son avant-propos. La variété des récits permet de ne pas trop s'ennuyer. Il est écrit dans un langage qui rappelle celui des textes originaux mais tout en étant adapté au lecteur moderne.
Challenge À travers l'histoire 2024
* Erratum : ça date en fait de 1926, ce qui rend mon propos un peu à côté de la plaque ^^
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Était-ce l'époque qui me passionnait moins que l'Antiquité, était-ce l'écriture ou était-ce ces personnages toujours si vertueux et pourtant belliqueux, l'adulte d'aujourd'hui ne sait plus exactement ce qui lui faisait préférer d'autres ouvrages de la collection des Contes et légendes à celui-ci, toujours est-il que l'enfant que j'étais ne l'a pas relu cent fois. Reste la culture acquise même sans ces nombreuses relectures !
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Roland et la fière Durandal, son épée, Guillaume d'Orange, vaillant défenseur de Charlemagne, le bel Aucassin et la gente Nicolette sans oublier Renart aux mille tours : ils sont tous là, pour le plaisir du lecteur, dans ces contes et légendes qui retentissent encore du bruit des batailles et des chansons d'amour.
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Nicolette avait les cheveux blonds et finement bouclés, les yeux brillants et rieurs, le nez grand et bien fait. Ses lèvres étaient plus vermeilles que les cerises ou que les roses de l'été, ses dents étaient blanches et menues, sa taille était si mince que vous auriez pu l'entourer de vos deux mains. Et tout son corps était si clair que les marguerites sous ses pas semblaient des taches brunes auprès de ses pieds blancs.
Nicolette arriva à la porte du jardin, elle l'ouvrit et sortit dans les rues de Beaucaire, sous la brillante clarté de la lune.
(Extr. de Aucassin et Nicolette)
- Certes, il est trop tard, dit-il, nous mourrons en tout cas. Pourtant, je vous conseille de sonner maintenant. Si le roi vient, il nous vengera et la France douce ne perdra point l'honneur. Nos amis nous porteront en terre sacrée, Sire Roland, sonnez de l'olifant.
Donc, Roland porte son cor à la bouche. De tout son souffle il sonne, désespérément. L'écho des monts répète à l'infini son appel : il parvient jusqu'à Charles. C'est à grande douleur que Roland sonne. Le sang lui sort de la bouche, son cerveau bat contre sa tempe.
Les Français, dans les vallées lointaines, entendent le son du cor avec toute sa détresse. Charles s'arrête derechef.
- C'est le cor de Roland. Il ne sonna jamais, sinon dans les combats. Mon neveu est trahi, et les félons l'attaquent !
Ganelon chevauche auprès de lui :
- Sire, dit-il, Roland a trop d'orgueil. Vit-on jamais votre neveu appeler à l'aide ? Sans doute il chasse dans les monts d'Espagne.
Roland continue à sonner. Il lui semble que sa tête éclate, le sang jaillit de ses oreilles. Pourtant il sonne toujours.
(Ext. de La mort de Roland)
Il ne lui laissa guère le temps de s'expliquer. D'un maître coup de pied (appliqué au bon endroit, je vous assure) il envoya rouler le galant dans la poussière à vingt pas du logis.
Voulez-vous entendre l'histoire de deux beaux enfants, Nicolette et Aucassin ? Mon récit est si doux et si plaisant, qu'il saurait guérir les malades et donner des trésors de gaîté aux gens faibles ou attristés.
Le comte Bongart de Valence faisait au Comte Garin de Beaucaire une guerre mortelle et ravageait tout le pays avoisinant. Or, le comte Garin de Beaucaire était vieux et faible. Il n'avait qu'un seul héritier, un bel enfant du nom d'Aucassin, blond, élégant, les yeux vifs et rieurs.
(Ext. de Aucassin et Nicolette)
L'assemblée fut très indignée : un souverain pontife abandonnant ses ouailles, délaissant le trône de Saint-Pierre, et pourquoi ? Pour suivre un troupeau de femmes venues des quatre coins de l'univers et dont la plupart ignoraient jusqu'aux dogmes les plus sacrés de la religion : compagnie édifiante, en vérité, ces jeunes personnes baptisées de la veille ! Cardinaux et évêques se voilent la face devant une telle aberration. Assurément le Saint-Père était pris de démence !
(Ext. de La légende de Sainte Ursule)