La fiction ne dépasse pas la réalité. La réalité est une fiction.
Alors que notre quotidien nous donne l'impression d'être en ce moment les figurants impuissants d'un film catastrophe, la lecture du dernier roman de
Fabrice Humbert nous plonge dans un polar métaphysique qui interroge la frontière virtuelle qui sépare sans droits de douane la vérité et la fiction.
Ce n'est pas par hasard que l'auteur transporte son récit aux Etats Unis dont notre représentation est formatée par les films, séries et reportages que nous engloutissons comme les menus King Size d'un Fast Food.
Adam
Vollmann, journaliste de bureau plus que de terrain, découvre sur les écrans géants de Time Square le visage d'Ethan Shaw, l'ancienne star de son lycée, avec lequel il avait noué, puis emmêlé, une amitié particulière vingt ans auparavant. L'homme est devenu un fugitif, recherché par tout un pays, accusé d'avoir violé et tué une jeune Mexicaine de 15 ans.
Vollmann décide d'enquêter et de revenir à Drysden dans le Colorado, morne bourgade peu accueillante où il a passé une adolescence difficile, recroquevillée et solitaire. Sur place, les versions contradictoires se multiplient, la ville semble gouverner par la rumeur et le mensonge. Nulle trace du fantôme d'Ethan Shaw.
Côté ambiance, c'est comme si
Philip K Dick et
David Lynch avaient partagé un joint. le journaliste ne parvient plus à démêler le vrai du faux et chaque rencontre lui donne un peu plus l'impression de se heurter à un scénario cadenassé.
Le récit intègre les souvenirs de cette enfance douloureuse, cloîtrés dans la mémoire du journaliste et qui descendent du grenier, lors de retrouvailles avec certains lieux ou d'anciennes connaissances.
L'auteur multiplie également les digressions passionnantes sans nuire au rythme du roman. Il évoque par exemple la question du son au cinéma. Il suffit d'avoir déjà pris un vrai coup de poing pour savoir que le son entendu dans un film ne correspond à aucune réalité. Mon nez pourrait en témoigner. de même, le bruit véritable d'une explosion d'obus n'a encore jamais été diffusée car il ne correspond pas aux attentes des spectateurs. « Il s'agit d'imitations d'illusions ».
Depuis «
l'Origine de la Violence », tous les romans de cet écrivain évoquent également la question de l'identité. La victime ne semble être qu'un nom. Ethan Shaw ne projette que la caricature fuyante du sportif populaire dans son lycée. Un personnage volontairement inabouti. le journaliste a changé d'identité quand il avait quitté Drysden.
Fabrice Humbert écrit-il sous un nom de plume ?
J'avoue avoir été impressionné par la richesse de ce roman qui mêle sociologie et psychologie, suspense et manipulation. Griotte sur le pudding, c'est très bien écrit. Seule la fin m'a laissé un peu sur ma faim. On devient gourmand devant de telles friandises.
Imaginez les personnages de Twin Peaks dans les décors du Truman show…