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EAN : 9782738108395
545 pages
Odile Jacob (22/04/2000)
3.81/5   160 notes
Résumé :
Menacé par la puissance grandissante de l’islam et de la Chine, l’Occident parviendra-t-il à conjurer son déclin ? Saurons-nous apprendre rapidement à coexister ou bien nos différences nous pousseront-elles vers un nouveau type de conflits, plus violents que ceux que nous avons connus au xxe siècle ? Pour Samuel P. Huntington, les peuples se regroupent désormais en fonction de leurs affinités culturelles. Les frontières politiques comptent moins que les barrières re... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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À l'effondrement de l'Union Soviétique, le sort du monde semblait réglé : la démocratie et le libéralisme avaient triomphé, ce n'était qu'une question de temps avant que l'ensemble des pays ne se décident à les adopter. Force est de constater, quelques années plus tard, que cette prévision ne semble pas sur le point de s'accomplir.

Pour l'auteur, de nouveaux blocs se sont constitués, basés non plus sur une doctrine politique, mais sur les affinités culturelles : on n'aime finalement que ceux qui nous ressemblent. Les civilisations d'Huntington sont définies comme les plus larges rassemblements de « Nous », comme les premières subdivisions juste après « être humain ». Il en existe huit aujourd'hui : chinoise, japonaise, hindoue, islamique, occidentale, latino-américaine, africaine et orthodoxe. La civilisation occidentale amorcerait sa décadence, tandis que les autres prendraient lentement conscience de leurs forces et chercheraient à étendre leur influence.

Ce découpage du monde permet de prédire les risques de conflit et leur gravité. En résumé, les conflits intracivilisationnels resteront modérés puisqu'il ne manquera pas de voisins prêts à calmer le jeu, tandis que les conflits intercivilisationnels peuvent vite dégénérer en entraînant dans la course toute la population des deux blocs qui s'affrontent.

Huntington a fait quelques prédictions sur base de son modèle qui se sont réalisées, comme le déchirement de l'Ukraine, à cheval sur les civilisations occidentale et orthodoxe. Il paraît cependant fort imprécis pour d'autres conflits : bonne chance pour expliquer les récents conflits au Proche-Orient en considérant la civilisation islamique comme un bloc compact et bien soudé. On notera aussi que tous les conflits sont ramenés à des guerres de religion, les autres variables étant passées sous silence, et que les civilisations sont considérées comme homogènes et éternelles. Même si l'auteur admet que son modèle est limité dans le temps (fin du XXe siècle, début du XXIe), les nombreux débats sur l'identité nationale qui fleurissent un peu partout montre bien que cette identité est loin d'être évidente.

L'essai est intéressant et ne peut pas être balayé d'un revers de la main, mais il peine à me convaincre pleinement. Si le modèle décrit peut permettre de défricher le terrain, il me paraît être vite limité pour comprendre vraiment un conflit particulier. le ton me paraît également exagérément pessimiste, les civilisations paraissent à la fin du livre être composées de guerriers sanguinaires prêts à s'entretuer pour faire triompher la leur.
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Etrange ouvrage que tout le monde critique sans l'avoir jamais lu. Remettons donc quelques idées reçues en place :

1. Huntington est un thuriféraire des faucons du Pentagone (Bush, Rumsfeld ...).
NON. Jeune Huntington est un conseiller de l'administration démocrate (et non républicaine), en particulier de Jimmy Carter qui n'est pas resté dans les annales comme le président le plus agressif.

2. Huntington est un va-t-en-guerre responsable de l'invasion de l'Irak
NON. Il est au contraire isolationniste, considérant qu'une attaque contre le monde musulman est l'un des plus gros risque de nouvelle guerre mondiale.

4. Huntington oppose des civilisations méconnaissant la possibilité d'une "civilisation mondiale", renforcée tous les jours par la mondialisation.
NON. Exemple type de l'argument de celui qui n'a pas lu l'ouvrage. (re)-lire le chapitre III.

3. Huntington caricature, il simplifie à outrance. C'est bien un amerlock qui ne comprend rien à la complexité du monde.
OUI et NON. On tombe toujours sur le problème du modèle en sciences (humaines). Plus un modèle est simple, caricaturale d'une certaine façon, plus il est explicatif. Plus vous faites entrer de variables, moins il sera caricaturale mais moins aussi sera t-il cohérent. Huntington fait un choix : libre à chacun de le trouver trop simple ou trop complexe, à condition de garder à l'esprit la remarque précédente.

4. Huntington est comme tous les Américains fermé sur la seule culture anglo-saxonne.
OUI et NON. "Occidentale" probablement. Il avoue d'ailleurs lui même méconnaître la civilisation chinoise et plus encore indienne. "Américaine" non. À l'index, un des auteurs les plus cité est ... Fernand Braudel dont on retrouve presque mot pour mot des passages entiers. Mais aussi (rien que pour les Français) : Balladur, Chirac, Clemenceau, Régis Debray, Delors, Durkheim, VGE, Juppé, Gilles Kepel, P. Lelouche, BHL, Marcel Mauss, Mitterrand,
Pasqua, Jean Raspail, Maxime Rodinson, Olivier Roy, …

5. Huntington est essentiellement pessimiste.
OUI. C'est certain, aussi bien sur le déclin de l'occident qu'en ce qui concerne le risque de nouveau conflit mondial, qu'il croyait très probable.

Bref un livre qui mérite vraiment d'être lu ... ne serait-ce que pour en avoir une idée indépendante !
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Samuel Huntington, professeur à l'Université Harvard, dirigea le John M. Olin Institute for Strategic Studies. Il fut également expert auprès du Conseil national américain de sécurité sous le président Carter. Il a fondé la revue Foreign Policy, qu'il administra pendant de nombreuses années.



Selon l'auteur, tout commença à l'été 1993 par la publication d'un article qui s'intitulait : The Clash of Civilizations ? Il nous explique que d'après « les éditeurs de cette revue, cet article a suscité en trois ans plus de débats que tous ceux qui ont été publiés depuis les années quarante ; en tout cas, davantage que tout ce que j'avais écrit ». Il prend le soin d'ajouter que « les réactions et les commentaires qu'il a entraînés sont venus de tous les continents et d'une foule de pays. le public a été diversement impressionné, intrigué, choqué, effrayé et déconcerté par ma thèse ».



Depuis cette date, nous constatons que cet article provoque toujours de nombreuses controverses. Mais quelle position celui-ci défendait-il en définitive ? Laissons la parole à Huntington qui la présente en des termes très clairs : « Les conflits entre groupe issus de différentes civilisations sont en passe de devenir la donnée de base de la politique globale ». Il confesse volontiers que « cet article a touché le nerf sensible chez des personnes appartenant à toutes civilisations ». Devant les débats, les polémiques, les questions, les mauvaises interprétations, il a souhaité « vu l'intérêt soulevé, les comptes rendus erronés qu'on en a donnés et les controverses qu'il a fait naître » approfondir dans un ouvrage « les points abordés dans cet article ».



Beaucoup de personnes - américaines et étrangères - lui ont reproché d'alimenter le choc des civilisations, alors que lui exposait de son aveu « une hypothèse ». Il précisa : « C'était le sens de mon article, dont le titre comportait un point d'interrogation - ce qu'on n'a en général pas remarqué ». de fait, cet article interrogeait - entre autres - la vaste et intemporelle question de la civilisation. Il a voulu avec ce livre « redéfinir les thèmes qu'il avait abordés, de développer de nombreuses idées, d'affiner, d'expliciter les nombreux sujets laissés de côté ou bien seulement effleurés ».



Effectivement, les matières traitées se montrent conséquentes. Nous citons les principales : « le concept de civilisation, la question de savoir s'il existe une civilisation universelle, la relation entre pouvoir et culture, l'évolution des rapports de force entre civilisations, l'adaptation d'une culture autre dans les sociétés non-occidentales, la structure politique des civilisations, les conflits engendrés par l'universalisme occidental, le militarisme musulman et l'affirmation de la Chine, » etc.



Nous trouvons ces thèmes passionnants, et indépendamment des analyses exposées par l'auteur, très bien présentés. Ainsi, Huntington définit les civilisations contemporaines suivantes : chinoise, japonaise, hindoue, musulmane, occidentale, latine, et africaine « si possible ». Huntington ne voit pas l'Afrique comme une civilisation en soi, au contraire de Fernand Braudel. Certains analystes émettent des critiques contre cette classification : bien qu'offrant une lecture tentante car aisée, celle-ci s'avère aussi, à leurs yeux, réductrice et simplificatrice…



Huntington prévient d'emblée que « ce livre n'a pas été conçu comme un ouvrage de sciences sociales. C'est plutôt une interprétation de l'évolution de la politique globale après la Guerre froide. Il entend présenter une grille de lecture, un paradigme de la politique globale qui puisse être utile aux chercheurs et aux hommes politiques ». Par conséquent, au sujet de cette fameuse « interprétation », il ne faut jamais oublier plusieurs éléments factuels en lisant et en étudiant cette étude remarquable : l'auteur est américain, WASP et politiquement conservateur ou néo-conservateur. Ce qui explique que nous pouvons exprimer certaines réserves envers les idées proposées par Huntington, quant à la défense de l'Occident et de sa civilisation. La politique atlantiste ne peut correspondre à notre vision des choses concernant les relations internationales.



D'une manière générale, nous comprenons pour quelles raisons ces thèses continuent de faire couler beaucoup d'encre. Effectivement, l'auteur énonce plusieurs vérités, loin du politiquement correct et de la chape de plomb idéologique qui sévissent en France. Pourtant, Huntington ne me semble pas provoquant, outrancier et excessif. On peut, certes, ne pas le suivre sur tout sans forcément l'accuser de tout et n'importe quoi.



En fin de compte, loin de vouloir hâter le choc des civilisations, il définit des réalités observables par tous. Il estime que les oppositions entre les grands blocs civilisationnels reposent sur la religion, le territoire, le passé, le projet politique… Aussi curieux que cela puisse paraître, son ouvrage n'a pas tant vieilli que cela. Effectivement les lignes de fractures esquissées dans sa thèse restent pour la plupart valables, 24 ans après sa première publication.



En partant des constats que fait Huntington, il considère que « la survie de l'Occident dépend de la réaffirmation de son identité occidentale : les Occidentaux doivent admettre que leur civilisation est unique mais pas universelle, et s'unir pour lui redonner vigueur contre les défis posés par les sociétés non occidentales ». Il écrit sans détour que « nous éviterons une guerre généralisée entre civilisation, si, dans le monde entier, les chefs politiques admettent que la politique globale est devenue multi-civisationnelle et qu'ils coopèrent à préserver cet état de fait ».



Il nous paraît difficile d'accuser Huntington de malhonnêteté intellectuelle, surtout quand on lit sous sa plume l'analyse suivante : « La chrétienté occidentale a émergé comme civilisation distincte aux VIIIème et IXème siècles. Pendant plusieurs centaines d'années, cependant, son niveau a stagné loin derrière celui d'autres civilisations. La Chine des dynasties T'ang, Sung et Ming, l'islam, du VIIIème au XIIème siècle, et Byzance, du VIIIème au XIème siècle, surpassaient de loin l'Europe en richesse, en extension géographique, en puissance militaire, en production artistique, littéraire et scientifique ».



Huntington explique ensuite les raisons qui ont permis à l'Europe de dominer ses rivaux et de les influencer pour de nombreuses années : « Les structures sociales, les relations de classes en Occident, la montée des villes et du commerce, le partage relatif entre nobles et monarques, entre religieux et laïcs, le sentiment de conscience nationale croissant chez les Occidentaux et le développement de bureaucraties étatiques ». Toutefois, il confirme que « la source directe de l'expansion occidentale fut cependant la technologie : l'invention de la navigation transocéanique a permis de franchir de longues distances et le développement de la puissance militaire de faire des conquêtes ».



Dans le même ordre d'idée, chacun sera libre de constater que « l'expansion de l'Occident a aussi été facilitée par la supériorité de son organisation, de sa discipline, de l'entraînement de ses troupes, de ses armes, de ses moyens de transport, de sa logistique, de ses soins médicaux, tout cela étant la résultante de son leadership dans la révolution industrielle ». Aujourd'hui encore, même si les pays européens connaissent un réel déclin, ils restent à la pointe dans de nombreux domaines, notamment scientifiques et technologiques. Pour combien de temps encore ? Vaste question…



J'ai toujours exprimé les plus grandes réserves à l'endroit du projet colonial, notamment à cause des fondamentaux idéologiques dont ses promoteurs se glorifiaient. Il est donc intéressant de lire le propos suivant sous la plume de l'auteur : « Il faut admettre que toute intervention de l'Occident dans les affaires des autres civilisations est probablement la plus dangereuse cause d'instabilité et de conflit généralisé dans un monde aux civilisations multiples ».



Ce propos appelle principalement deux commentaires. Premièrement, il paraît difficile, à l'aune de cette remarque, de définir Huntington comme un chantre de la guerre à outrance ou un promoteur du conflit violent de civilisations, même si son livre forme la base idéologique de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis d'Amérique.



Secondement, il faut aussi reconnaître que les U.S.A incarnent parfaitement cette politique interventionniste et d'ingérence qui sème véritablement une pagaille noire aux quatre coins de la planète. Il convient de dénoncer l'état de guerre permanent auquel malheureusement les différents gouvernements américains - démocrates et républicains - contribuent et nous habituent depuis leurs origines…



Huntington pense « que dans les temps à venir, les chocs entre civilisations représentent la principale menace pour la paix dans le monde, mais ils sont aussi, au sein d'un ordre international, désormais fondé sur les civilisations, le garde-fou le plus sûr contre une guerre mondiale ».



En guise de conclusion, nous ne pouvons être plus qu'inquiets pour notre survie en France et en Europe, car les dirigeants de la France et de l'Union Européenne paraissent incapables de comprendre ce qu'est réellement notre civilisation européenne. de plus, ils semblent bien impuissants pour la défendre et la renforcer, face aux menées impérialistes des autres blocs civilisationnels comme le monde musulman, la Chine et… les USA !





Franck ABED
Lien : http://franckabed.unblog.fr/..
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Huntington a écrit... Huntington a dit...
Il était peut-être temps d'aller voir de plus près la démonstration géopolitique de ce Mr Huntington.
Je n'ai trouvé cet essai ni trop complexe ni trop facile. Ecrit à la fin du siècle dernier, l'auteur le définit non pas comme un ouvrage de sciences sociales, mais plutôt comme une interprétation de l'évolution de la politique globale après la guerre froide.
Comme aucun paradigme n'est valide éternellement, la grille de lecture peut évoluer dans le temps.
Huntington reprend les grandes civilisations qui ont formé un équilibre mondial, les dissèque: les civilisations japonaise, hindoue, musulmane, occidentale,latine, africaine, celle ci avec un bémol (autre vision de F.Braudel);un chapitre aussi sur "l'indigénisation", mot qui a retrouvé une nouvelle fraîcheur il y a peu.
Les migrations bien sur sont évoquées , l'Islam est défini comme une conscience commune sans cohésion.
C'est un livre passionnant, daté dans peu de temps, mais , et ce n'est pas péjoratif loin de là! écrit par un américain qui avoue ne rien connaître du peuple qui l'a précédé, et ça me chiffonne un peu. C'est quand même une source d'informations importante.
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Cet essai, publié aux USA en 1996 et traduit en français en 2000 suscita de nombreuses polémiques. Ecrit peu après la chute du communisme, son hypothèse est que la politique internationale n'est plus le fait d'oppositions idéologiques mais de conflits entre groupes issus de différentes civilisations.Confronté à la puissance grandissante de l'islam et à la montée en force de l'économie chinoise, l'Occident parviendra-t-il à conjurer son déclin? Pour Samuel Huntington, Professeur à l'Université de Harvard, membre de la direction de la revue Foreign Policy, les peuples se regroupent désormais en fonction de leurs affinités culturelles.
L'exemple de l'Ukraine est révélateur dans ce livre: l'auteur y voyait déjà les germes de la Révolution "orange" et ceci car "la frontière civilisationnelle entre l'occident et l'orthodoxie passe en plein coeur de l'ukraine..."
A méditer donc.
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Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
« L’idée selon laquelle la diffusion de la culture de masse et des biens de consommation dans le monde entier représente le triomphe de la civilisation occidentale repose sur une vision affadie de la culture occidentale. L’essence de la civilisation occidentale, c’est le droit, pas le MacDo. Le fait que les non-Occidentaux puissent opter pour le second n’implique pas qu’ils acceptent le premier.
C’est également sans conséquence directe sur leur attitude à l’égard de l’Occident. Quelque part au Moyen-Orient, une demi-douzaine de jeunes gens peuvent bien porter des jeans, boire du Coca-Cola, écouter du rap et cependant faire sauter un avion de ligne américain. Pendant les années soixante-dix et quatre-vingt, les Américains ont consommé des millions de voitures, de postes de télévision, d’appareils photo et de gadgets électroniques japonais sans se « japoniser » pour autant. Ils sont même devenus de plus en plus hostiles au Japon. Seule l’arrogance incite les Occidentaux à considérer que les non-Occidentaux « s’occidentaliseront » en consommant plus de produits occidentaux. Le fait que les Occidentaux identifient leur culture à des liquides vaisselle, des pantalons décolorés et des aliments trop riches, voilà qui est révélateur de ce qu’est l’Occident. »
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Normativement, l'Occident, dans sa prétention à l’universalité, tient pour évident que les peuples du monde entier devraient adhérer aux valeurs, aux institutions et à la culture occidentale parce qu’elles constituent le mode de pensée le plus élaboré, le plus lumineux, le plus libéral, le plus rationnel, le plus moderne. Dans un monde traversé par les conflits ethniques et les chocs entre civilisations, la croyance occidentale dans la vocation universelle de sa culture a trois défauts majeurs : elle est fausse, elle est immorale et elle est dangereuse. [...] L’impérialisme est la conséquence logique de la prétention à l’universalité.
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Les États-nations restent les principaux acteurs sur la scène internationale.
Comme par le passé, leur comportement est déterminé par
la quête de la puissance et de la richesse. Mais il dépend aussi de préférences, de liens communautaires et de différences culturelles. Les principaux groupes d'États ne sont plus les trois blocs de la guerre froide; ce sont plutôt les sept ou huit civilisations majeures dans le monde. La richesse économique, la puissance économique et l'influence politique des sociétés non occidentales s'accroissent, en particulier en Extrême-Orient. Plus leur pouvoir et leur confiance en elles augmentent, plus elles affirment leurs valeurs culturelles et rejettent
celles que l'Occident leur a « imposées ». « Le système international du XXe siècle, notait Henry Kissinger, comportera au moins six grandes puissances -les États-Unis, l'Europe, la Chine, le Japon, la Russie et probablement l'Inde -, plus un grand nombre de pays moyens et petits. » Les six grandes puissances selon Henry Kissinger appartiennent en fait à cinq civilisations très différentes. De plus, la situation stratégique, la démographie et/ou les ressources pétrolières de certains
États musulmans importants rendent ces derniers très influents. Dans le monde nouveau qui est désormais le nôtre, la politique locale est ethnique et la politique globale est civilisationnelle. La rivalité entre grandes puissances est remplacée par le choc des civilisations.

Dans ce monde nouveau, les conflits les plus étendus, les plus
importants et les plus dangereux n'auront pas lieu entre classes
sociales, entre riches et pauvres, entre groupes définis selon des critères économiques, mais entre peuples appartenant à différentes entités culturelles. Les guerres tribales et les conflits ethniques feront rage à l'intérieur même de ces civilisations. Cependant, la violence entre les États et les groupes appartenant à différentes civilisations comporte un risque d'escalade si d'autres États ou groupes appartenant
à ces civilisations se mettent à soutenir leurs « frères ».
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Pierre a créé un pays déchiré. Au XIXe siècle, les slavophiles aussi bien que les partisans de l'Occident n'ont cessé de déplorer cette situation infortunée sans parvenir à s'entendre sur la question de savoir s'il fallait s'européaniser ou bien au contraire éliminer les influences européennes et revenir au vrai esprit de la Russie. Un pro-occidental comme Chaadayev soutenait que « le soleil est le soleil de l'Occident» et que la Russie devait en user pour rendre ses institutions plus éclairées et les changer.

Un slavophile comme Danilevski, utilisant des termes qu'on a entendus aussi pendant les années quatre-vingt-dix, voyait dans les tentatives d'européanisation une façon de «subvertir la vie des gens et d'en remplacer les formes par des formes autres, étrangères», d' « emprunter des institutions étrangères pour les transplanter sur le sol russe» et de « considérer les relations intérieures et extérieures, et les questions liées à la
vie des Russes d'un point de vue étranger, européen, c'est-à-dire à travers un prisme conçu pour regarder le monde selon un angle européen.
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Selon Quigley, les civilisations passent par sept étapes: le mélange, la gestation, l'expansion, l'âge du conflit, la domination universelle, le déclin et l'invasion.

Pour Melko, le modèle du changement est le suivant : on passe
d'un système féodal cristallisé à un système féodal évoluant vers un
système étatique cristallisé pour en venir à un système étatique évoluant
vers un système impérial cristallisé.

Selon Toynbee, une civilisation s'épanouit en répondant à des défis et entre dans une période de croissance qui implique un contrôle accru sur son environnement de la part d'une minorité créative; vient ensuite une époque de troubles qui fait émerger un État universel, puis c'est la désintégration.

Malgré des différences importantes, toutes ces théories stipulent que les civilisations évoluent en passant d'une période de troubles ou de conflits
à l'installation d'un État universel, avant de connaître le déclin et la
désintégration.
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Vidéo de Samuel P. Huntington
Cette conférence s'inscrit dans le cycle Europe du Collège de France 2021-2022 consacré au thème Les deux Europes.
Cycle : Les deux Europes et leurs traditions constitutionnelles : une histoire de malentendus évitables ou de différences insurmontables ?
Titre : Dialogue inachevé entre les idées constitutionnelles en Europe de l'Est et en Europe de l'Ouest
Intervenante : Angelika Nussberger Juriste, professeure à l'université de Cologne (Allemagne), juge internationale auprès de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, ancienne juge auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, invitée par la professeure Samantha Besson.
Conférence du 03 février 2022.
Découvrez les autres conférences du cycle : https://www.college-de-france.fr/site/cycle-europe/Cycle-Europe.htm
Chaire de la professeure Samantha Besson : Droit international des institutions
Accédez aux vidéos de ses enseignements : https://www.college-de-france.fr/site/samantha-besson/index.htm
Il n'y a pas une, mais deux histoires à raconter sur le développement des idées constitutionnelles en Europe : une pour l'Europe de l'Est et une pour l'Europe de l'Ouest. Dès le siècle des Lumières, l'Ouest du continent, en particulier la France, se considéra comme moteur des idées progressistes sur l'État et le droit, tandis que l'Est semblait davantage en retrait. Bien que la Constitution polonaise ait été rédigée quelques mois avant la Constitution française de 1791, elle était perçue comme désuète, alors que la seconde a été reçue comme un modèle de réussite. L'État à laquelle elle donnait un cadre était de plus confronté à la politique expansionniste de ses voisins. Certains États à l'Est, comme l'Empire russe, n'étaient aucunement prêts à laisser prospérer les idées des droits de l'Homme et du constitutionnalisme, et avaient même tendance à les transformer immédiatement en leurs contraires. Ces faits historiques peuvent être interprétés de diverses manières : soit comme l'illustration d'une Europe à deux vitesses, soit, à la suite de Samuel Huntington ou Jenö Szücz, comme l'expression d'héritages juridiques différents qui ne peuvent être réunis en un patrimoine commun.
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