J’obéis toujours pour être parfaite et ne pas l’ennuyer. Je suis touchée par sa gentillesse. La vraie raison de notre voyage en est sa culpabilité. Il m’emmène avec lui car il culpabilise. Me savoir livrée à un adolescent brutal de quatorze ans doit l’empêcher de bien dormir. Il se sent tout simplement impuissant. Alors, pour lui faire plaisir, je lui épargne ma tristesse : celle de quitter maman, bien sûr.
Je suis l’avare de Molière qui, avec ses doigts crochus, ramasse ses deniers échappés de sa bourse. Je prends tout ce qui vient à moi, j’absorbe plus que les gros rouleaux essuie-tout.
À l’école, on ne choisit jamais sa place. Classée par ordre alphabétique, je suis toujours au fond de la classe. C’est agaçant, quand toutes les mains se lèvent en même temps, on ne voit plus la mienne. Je dois agiter ma règle pour signifier que j’existe.
Dans ma tête, les mots : « peur », « avenir », « tuer » s’entre-déchiraient. Ils dégageaient des relents mortifères. La pointe acérée de la dernière lettre du mot « mort » s’enfonçait dans chaque pore de ma peau. J’étais attaquée par un essaim d’abeilles. Était-ce une hallucination ? Encore léthargique, j’avais dû mal lire la phrase.
Le mensonge par omission est-il un péché ? Non, puisque après une intervention réalisée par mes soins, « mensonge » ne signifie plus rien de mauvais, il n’évoque plus que le rêve et la fantaisie, le monde dans lequel je vis depuis mon adoption. Le mensonge gris cendré qui se confesse se mue en songe.