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Critique de AMR_La_Pirate


Toujours très touchée par la confiance des auteurs qui me sollicitent pour donner un avis sur leurs livres, je remercie Laurent Hunziker de sa confiance et entreprend la lecture de son roman, En un rien de tant.
Drôle de titre en forme de jeu de mot… L'expression consacrée est « en un rien de temps » et signifie qu'un événement se passe rapidement, en un éclair. Ici, l'adverbe « tant » déroute car il n'est pas employé avec un verbe ou un nom complément : quelle sorte de notion d'intensité ou de quantité l'auteur souhaite-t-il mettre en lumière ? Je suis intriguée d'autant plus que le mot « tant » se détache en rouge sur la page de couverture…
le récit est présenté comme « un essai sur la fatalité, la fragilité de la vie dont il faut profiter intensément avant qu'elle ne s'arrête, n'importe où, n'importe quand… et se transforme en rien ». le « rien », c'est la mort, le « tant », c'était la vie…

En un rien de tant est l'histoire à rebours de Louis, un « retraité dilettante » qui vient de mourir, brusquement, d'une crise cardiaque, dans une rue de Paris. C'est sa vie retracée, imaginée qu'écrit Laurent Hunziker comme s'il voulait remédier à l'indifférence du monde, donner à lire un parcours et des impressions qui n'intéressent personne, surtout pas les passants qui marchent à deux pas de sa dépouille.
C'est l'occasion de revenir sur des évènements marquants, les attentats qui ont frappé Paris au Bataclan notamment, de méditer sur le sens de la vie et de la mort, sur le temps qui passe, sur les petites manies et les rituels… il y a de l'humour et de l'émotion dans le récit, des souvenirs d'enfance, des amitiés viriles, de bons morceaux de jazz, un peu de littérature, des réflexions sur l'écriture, une histoire d'amour, des récits de voyages, des rencontres improbables, une quête spirituelle…
Laurent Hunziker propose des parallèles originaux entre les vicissitudes de la vie comparées à des abandons, des renoncements, des redditions, des sortes de petites morts et la fin ultime, brutale de son personnage. L'histoire de Louis, vieux musicien célibataire, et de son chat peut paraître ennuyeuse, l'est à plusieurs égards ; l'auteur se lance dans le défi de donner à lire une vie banale et monotone en essayant de la rendre digne d'intérêt pour ses lecteurs. C'est un pari difficile qui ne sera pas totalement tenu…

La narration passe de la troisième à la première personne au gré de l'exhumation des carnets de voyage et des journaux intimes de Louis ; mais ce JE se mêle aussi sans doute à celui de l'auteur lui-même car, comme son personnage, il est également saxophoniste dans divers groupes, en France et en Angleterre, a prévenu dans la présentation de son roman que certaines anecdotes sont très personnelles... Comment démêler toutes ces clés de lecture, cette trame narrative à trois niveaux ? Un narrateur omniscient raconte la vie de Louis qui se remémore ses souvenirs en relisant son journal dans lequel l'auteur a glissé une part autobiographique… de plus, dans la hiérarchisation des points de vue, il ne faut pas minimiser celui du chat, source et prétexte également pour évoquer encore plus de nombreux détails sur la vie de Louis.
Il y a une forme de circularité dans la répétition de certaines péripéties, comme les morts subites dans la rue, les réflexions sur la fatalité, une mise en abyme de la « captation sensorielle », une remontée à la surface des souvenirs. Souvent, la narration tend vers la méditation, l'exploration intime, la spiritualité, diverses stipulations sur la vie vécue et restant (ou pas) à vivre, des considérations sur la fin de vie, la dépendance, à la limite du hors sujet puisque Louis y échappe…

L'écriture est fluide, belle, soutenue et accessible à la fois, poétique, mais pas assez maîtrisée et trop descriptive avec quelques longueurs manifestes et de nombreuses redites, sans plan évident, sans volonté de construction d'une véritable trame narrative… C'est dense, riche, mais parfois terriblement ennuyeux…
J'ai volontairement étalé ma lecture dans le temps pour ne pas être tentée de sauter quelques lignes, un paragraphe ou deux, ce qui n'aurait nullement nui à la compréhension de l'ensemble... C'est un peu dommage car l'idée de départ était très intéressante et le personnage de Louis prêt à nous surprendre par le « tant » qui constituait sa vie, notamment par les messages étranges qui tapissent les murs de son appartement, comme les petits mots accrochés par les anonymes sur les lieux des attentats, par sa mentalité d'artiste, ses voyages, ses rencontres, ses amours, son désir de laisser une trace écrite, musicale, numérique... le passage de l'état de vivant à celui de cadavre est pourtant habilement traité par Laurent Hunziker, le dédale des souvenirs se maintenant comme un fil ténu mais conducteur entre la vie et la mort, dans une forme de conscience privilégiée, de continuité…
Mais voilà, tel quel, c'est beaucoup trop long, trop répétitif ; le récit manque d'ossature et devient un véritable pensum, laborieux à lire et à digérer…

En conclusion, je dirai que j'avais adhéré au pacte de lecture, mais la narration a manqué de rythme et de rigueur et le récit a perdu de son efficacité en se délayant, se fondant dans son propre délitement. C'est dommage.
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