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Citations sur Les grands cerfs (94)

Mais je n'imaginais absolument pas que le roman de nature qui commençait à m'habiter allait prendre le visage de la société elle-même, moi qui avais voulu lui fausser compagnie ; et que j'allais me retrouver dans un imbroglio consternant, avec partis opposés, propagande dans les journaux et jusque dans les écoles, et révélation finale sur le charnier du monde ; et que toute sa malfaisance, comme un catalyseur, allait mettre en question mon amitié avec Leo. Je ne savais pas que j allais me retrouver face à l'insoluble, moi qui m'étais retranchée dans ma parcelle de beauté et de refus, dans la radicalité de la solitude, sa simplicité, sa facilité ; moi qui avais relevé le défi de gagner ma vie à l'écart. Qui étais sortie du monde. Mais c'est quand on en est sorti qu'on s'aperçoit que le reste du monde a la peste. Ça crève les yeux. Le reste du monde et nous aussi, voilà ce que j'apprendrai. Nous aussi, nous avons la peste même si nous prétendons à l'innocence.

Non, je ne savais pas que j'allais me retrouver face à la mine, au gâchis, aux dégâts. Et que tout ce que j'avais fui allait me revenir en plein dans la poitrine, en plein cœur, je ne le savais pas, allait me revenir comme un nuage chargé de neige et de derniers temps, chargé des préludes de la fin, durant les mois qui allaient suivre.
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Je découvrais « l’effet affût » : le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n’étions pas là. Comme si nous n’étions pas, tout court. On constate que le monde se passe de nous. Et même davantage : il va mieux sans nous.
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Les cerfs font leur nouvelle ramure sur leurs os. Ils produisent de l'os de février à juillet, si bien que leur squelette devient vulnérable. Ils le savent. Ils ont une extraordinaire perception de leur ramure. Ils la connaissent par cœur. On peut alors les voir marcher avec précaution, entre les troncs des arbres, comme s'ils portaient un trésor sur la tête, et ça leur donne l'allure altière de princes à la Cour du roi.
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Elle lisait toutes sortes d'essais. Beaucoup d'essais, peu de romans. Les essais tentent de vous expliquer le monde; les romans, eux, cachent savamment son secret, ne semant que des indices pour vous laisser, comme dans une course au trésor, le plaisir ou l'effroi de le trouver vous-même, tout à la fin; et parfois, c'est une stratégie, les romans vous mènent à la fin qui n'est qu'un aveu. Celui de l'impossibilité de conclure. (p. 36)
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Alors, comment fait-on quand on veut écrire le
roman du réel , aujourd'hui ?
Quand on veut l'aborder frontalement ? Comment parler du monde et de ce que l'écrivain y a découvert et qui le ronge, puisque c'est le monde d'aujourd'hui qui le passionne, qu'il veut connaître et faire savoir ? Ce monde qu'on hallucine, les yeux grands ouverts.
Oui, comment fait-on ?
En passant outre.
Et en recomposant le réel pour qu'il ait la force de la fiction qu'il est. Même si la fiction reste indéchiffrable. Même si on n'a rien résolu. Même si quand on ouvre la main, on voit ses doigts touchés d'un sang qu'on n'arrive pas à essuyer en le frottant avec la manche de son pull. Même si on en éprouve un étrange effroi. (p. 186)
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L'écriture a fait de moi une nonne. Et pourtant, écrire est le seul lieu, même s'il est un terrier, le seul lieu qui échappe au monde autour de nous. Ce monde qui me dégoûte de plus en plus.
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Se poser, ne plus bouger. Attendre. On a si bien disparu qu'on permet à l'autre de s'approcher de vous. (...) Disparaître en restant là. Incognito. Se faire invisible pour voir l'invisible. (p. 43)
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Et je me souviens du vieux monsieur de Berne qui disait: Vous habitez un endroit perdu? Quelle bénédiction.
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On ne savait pas si on était heureux, mais on n'aurait voulu être nulle part ailleurs, ne voir personne en effet, et puis on attendait quand même on ne savait qui.
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Je retournai souvent marcher là-haut dans les forêts, cette fois sans filet de camouflage, sans but précis, juste pour user le chagrin. Quand un soir, j’ai entrevu au loin une ombre. Sa solitude était si grande qu’elle m’avait ramenée à une désolation très ancienne, enfantine, au soir où je m’étais retrouvée soudain dans le dortoir vide d’un internat. Était-ce le vieil Apollon de retour ? Il semblait se frayer un passage à travers les siècles, forçant l’épaisseur des siècles. S’éloignait-il ? Remontait-il le temps vers le début ? Ou bien, fidèle, s’avançait-il avec nous au-devant de l’inconnu – pour ne pas dire l’abîme qui allait interminablement se creuser, toujours un peu plus loin, la fin ?
J’aurais voulu lui crier : Sauve-toi, Apollon ! Sauve-toi !
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