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Barracoon est le récit biographique du dernier survivant esclave qui a connu le passage du milieu. Malgré l'abolition de la traite négrière promulguée en 1808 en Amérique, certains contrebandiers n'hésitent pas à violer ce traité et c'est Foster, un capitaine de navire commandité par la fratrie Meaher, qui va entreprendre la dernière expédition qui verra plus de cent Africains, enlevés et transportés à bord du Clotilda jusqu'à Mobile - Alabama.
C'est en 1927 que Zora Neale Hurston, alors encore étudiante en anthropologie, rencontre Kossola devenu Cudjo Lewis, à plusieurs reprises à la fin de sa vie. Il est le dernier survivant à avoir connu en 1859, le passage du milieu, un terme qui caractérise le deuxième parcours du commerce triangulaire (le premier étant le cabotage entre l'Europe et les comptoirs africains et le troisième étant le retour des navires chargés des richesses d'Amérique). Arraché à sa famille à l'âge de dix neuf ans, il reste quelques semaines enfermé dans un barracoon (baraquement de transit) à Ouidah sur la côte occidentale du Dahomey (actuel Bénin) et sera esclave pendant cinq ans et demi. Au fil des rencontres avec la jeune anthropologue, se dessine le destin d'un homme qui n'a jamais compris pourquoi il avait été amené en terre étrangère, qui a gardé l'espoir du retour, qui a dû accepter une liberté chèrement acquise.

Barracoon est un texte composite - deux préfaces, l'une permet de contextualiser et resituer la trajectoire historique de la traite atlantique négrière, la deuxième préface permet à Zora Neale Hurston d'expliquer sa démarche, celle de privilégier l'échange et la transcription des souvenirs favorisant l'aspect humain plutôt que le travail universitaire et distancié, puis le récit de Kossola, devenu Cudjo Lewis à son arrivé en Alabama, enfin une postface et un glossaire.
Le récit en lui-même reste celui d'un destin individuel et au fil des échanges, on apprend à connaître cet homme, sa vie de famille, ses malheurs mais il y a peu de contextualisation. En revanche, la première préface et la postface sont beaucoup plus intéressantes, en resituant la problématique de la traite atlantique, le texte devient plus universel et éclaire beaucoup mieux la situation des derniers esclaves, victimes de contrebandiers hors la loi.
Barracoon est un récit humain intéressant, recontextualisé grâce aux informations complémentaires qui l'enrichissent et lui donnent son intérêt.
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Vous avez peut-être entendu parler de Zora Neal Hurston, écrivaine et anthropologue afro-américaine, née en 1891. Un de ses romans, écrit en 1937, titré Mais leurs yeux dardaient sur Dieu, est paru récemment chez Zulma, dans une nouvelle traduction.
Dans le présent livre, elle recueille un témoignage, celui de Cudjo Lewis, qui fut capturé en 1859 au Dahomey et conduit en Amérique par ce qui s'avérera être le dernier bateau négrier. Lorsque Zora Neale Hurston l'interroge en 1927, il a 86 ans, et est le dernier à vivre encore parmi tous ceux qui ont effectué cette traversée. Ils deviennent amis, Zora lui rend de nombreuses visites, partage des pèches et des pastèques avec lui et note scrupuleusement ce qu'il raconte, les jours où il a envie de parler.
Kossoula, de son nom africain, a des souvenirs encore très vifs de sa capture, de son voyage dans les cales du Clotilda, de sa liberté retrouvée. La vie qu'il mène ensuite est tout aussi passionnante, tristement passionnante toutefois, et m'a rappelé Les moissons funèbres de Jesmyn Ward. À un siècle d'intervalle, les temps sont restés tout aussi meurtriers pour les jeunes noirs du Sud, parmi lesquels les enfants de Cudjo Lewis.
J'ai été touchée par la manière de raconter de cet homme qui a vécu des expériences terribles, et n'a jamais pu retourner en Afrique. Ses paroles, retranscrites sans déformation ou interprétation ne peuvent qu'émouvoir. Le travail de la jeune anthropologue consiste à noter, sans presque parler d'elle-même. La langue très chantante de Cudjo a été magnifiquement traduite. (Il est aussi intéressant de trouver des extraits en anglais pour pouvoir apprécier l'aspect linguistique.)
Il faut toutefois savoir que, entre l'avant-propos, les différentes introductions et notes, le récit lui-même va de la page 57 à la page 145. Ce sera mon seul bémol, car même si les annexes ne manquent pas d'intérêt, cela reste assez court.
À noter pour la sincérité et l'aspect unique du témoignage !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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C'est l'histoire d'une anthropologue, Zora Neale Hurston, qui veut rendre témoignage du parcours de Cudjo Lewis, connu sous le nom de Kossoula.
Cudjo a plus de 80 ans quand Zora recueille les propos de cet esclave américain. Ce témoignage a cela d'original que l'anthropologie a décidé de garder tels quels les propos de Cudjo rendant ainsi le témoignage plus authentique, plus poignant. C'est un sacré défi car les éditeurs ont longtemps boudé son travail.
Le fait qu'il ait été publié rend justice à cet énorme travail car il ne s'agit pas seulement de retranscrire patiemment le témoignage de Cudjo mais c'est aussi, avec la préface et la postface, des informations sur l'histoire de l'esclavage.
Cette approche originale est intéressante mais j'ai trouvé bien trop court l'histoire de Cudjo en tant qu'esclave. Il obtient, en effet, très rapidement la liberté même si ses souffrances ne se terminent pas pour autant.
Merci à Netgalley et aux éditions JCLattés pour cette découverte.
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En 1927, l'anthropologue Zora Neale Hurston a recueilli le témoignage de Kossoula, renommé Cudjo par son maître américain. Cet homme était le dernier survivant du dernier navire négrier. Il vivait en Afrique, dans un peuple d'agriculteurs pacifiques, mais le roi du Dahomey gagnait gros à vendre ses compatriotes aux trafiquants d'êtres humains. La traite était interdite depuis 1802, mais continuait grâce de nombreux contrebandiers. le roi du Dahomey était constamment en guerre avec ses voisins, à la fois pour fournir des esclaves aux négriers, mais aussi pour trouver des victimes pour les très nombreux sacrifices humains qu'il pratiquait lors des fêtes. Cudjo sera capturé en 1859 à l'âge de dix-neuf ans, emprisonné quelques semaines dans un barracoon (une prison où étaient enfermés les victimes en attendant l'arrivée des navires). Après septante jours de mer, il arrive en Alabama où il sera esclave durant cinq ans et demi, avant d'être libéré par les Yankees en août 1865. La vie d'après est loin d'être facile et les Africains comprennent qu'ils n'arriveront jamais à retourner chez eux. Cudjo raconte sa vie à Zora, il parle un peu de sa jeunesse en Afrique, pratiquement pas de sa période d'esclavage, la majeure partie de son témoignage concerne les années qui ont suivi sa libération où la vie ne l'a pas ménagé, sa famille a été durement frappée par le sort.

Il s'agit bien entendu d'un document de premier plan au niveau historique. L'auteur a choisi de retranscrire littéralement et sans intervention le témoignage de Cudjo. D'un point de vue ethnologique et scientifique, ce choix est vraiment justifié, mais pas d'un point de vue littéraire. Comme le livre comprend une grande quantité de notes et d'annexes, sans oublier une longue préface, je trouve qu'il aurait été préférable de mettre le texte dans une annexe supplémentaire et de le retranscrire en anglais. le témoignage de Cudjo est rédigé dans sa langue vernaculaire, ce qui donne un sabir vraiment très très indigeste qui m'a enlevé tout plaisir de lecture. J'ai eu l'impression de me retrouver devant un morceau d'archive qui n'aurait pas dû être publié tel quel. Peut-être qu'un récit « récrit » par Zora aurait pu paraître moins authentique, mais nettement plus lisible. J'ai lu un jour un polar marseillais où l'auteur voulait retranscrire le parler local avec le vocabulaire et surtout l'accent, j'ai complètement oublié l'histoire, mais je me souviens d'un texte particulièrement illisible et désagréable. Je sais bien qu'on ne peut pas comparer un document historique et un polar, mais je pense que les scientifiques ont à retransmettre leur connaissance dans une langue claire et agréable, du moins s'ils écrivent un livre grand public. Malgré le grand intérêt historique du texte, j'avoue que cette lecture s'est apparentée pour moi à une corvée, heureusement que le texte est court.

La préface est tout aussi intéressante que le texte lui-même, on y apprend l'histoire du manuscrit, proposé à de nombreux éditeurs et refusés durant presque un siècle, d'une part à cause de la langue utilisée (je ne pas la seule à ne pas l'apprécier apparemment !) mais surtout parce qu'il révèle que les Africains n'ont pas été seulement opprimés par les Blancs mais que leurs compatriotes avaient une part très actives dans la traite humaine, et cela la population afro-américaine ne pouvait pas l'entendre. Cudjo souligne d'ailleurs que les Noirs américains, à l'exception d'un seul de sa connaissance se montraient particulièrement racistes envers Les Noirs venus directement d'Afrique et les qualifiaient de sauvages.

Pour moi ce livre a une grande valeur historique mais il n'est pas agréable à lire. Un grand merci à Netgalley et aux Editions JC Lattes de m'avoir permis de le découvrir.
#BarracoonLhistoireDuDernierEsclaveAméricain #NetGalleyFrance
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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Un livre témoignage, celui du dernier survivant du dernier navire négrier qui traversa l'Atlantique pour rejoindre les États du Sud. Cudjo Lewis, esclave libéré par la guerre de Sécession cinq ans plus tard et qui vécu jusqu'à l'âge 86 ans aux États-Unis.

Un des rares témoignages de première main, sur sa capture par le peuple du Dahomey, son passage dans les Baraccoon, sa vente, le transport, son arrivée et sa vie en Amérique.

Un livre dont les atrocités sont atténuées par la douceur nostalgique de leur conteur.
Lien : https://www.noid.ch/barracoon/
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Barracoon , l'histoire du dernier esclave américain, raconte le parcours incroyable et terrible de Cudjo Lewis, connu aussi sous le nom de Kossoula, son nom d'Affriki, le dernier homme noir d'Afrique vivant a avoir été enlevé à son village pour être vendu sur une plage d'Ethiopie, au Dahomey.
Mais ce livre raconte aussi l'histoire en filigrane de Zora Neale Hurston, jeune anthropologue afro-américaine qui tente de se faire une place et un nom dans l'Amérique raciste de 1927.
Un témoignage intense et prenant, qui souffre un peu des trop nombreuses notes et références parfois obscures pour le lecteur profane.
Merci aux Masses critiques de Babelio qui nous permettent de découvrir de tels livres.
Merci aux éditions Jean-Claude Lattès pour leur envoi.
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Zora Neale-Hurston est une anthropologue et une « folkloriste » afro-américaine aujourd'hui reconnue mondialement. L'essai qu'elle écrit en 1925 (qui donnera lieu dans un premier temps à une publication sous forme d'article en 1927), son premier ouvrage, est resté inédit pendant 90 ans, du fait du langage utilisé, peu commode à la compréhension et aussi, par peur d'accusations racistes : le fait que les africains aient participé activement à la traite négrière est un fait que les esclaves et globalement la population noire née en exil n'ont jamais pu comprendre et qu'à l'intérieur même du continent africain, la ségrégation existait elle aussi bel et bien du fait des guerres de clan et des dissensions tribales.

Pour cet ouvrage, il s'agit de la transcription des conversations qu'elle a eu avec Cudjo Lewis (de son nom africain, Oluale Kossola, il choisira « Cudjo » pour sa signification en yoruba qui veut dire « lundi ») considéré alors comme le dernier survivant de la traite transatlantique aux Etats-Unis (Redoshi fut « découverte » bien plus tard, en 2019) qui fut convoyé illégalement sur le « Clotilda », dernier navire négrier à aborder en terre américaine en 1860.

Pour conserver la véracité de ce témoignage, l'auteure choisit d'employer le langage dit « vernaculaire » (définition Larousse : Langue locale parlée à l'intérieur d'une communauté, par opposition au langage « véhiculaire » qui sert à communiquer dans le monde – Vernaculus = indigène et Verna = esclave).

Elle transcrit fidèlement ces entretiens pour en garantir l'authenticité en se défendant de toutes interprétations personnelles qui pourraient interférer avec les déclarations de Cudjo. Elle le présente comme un texte « brut », factuel et impartial pour ce qui la concerne.

De la parole directe de Kassola, il en ressort un récit puissant et parlant qui retrace le cauchemar collectif vécu par des millions d'Africains déracinés et déportés vers l'Europe ou l'Amérique. Tout y est dit de façon subtile mais sans détour. La simplicité de Kossola est touchante ; il « raconte » naturellement, avec fatalisme, sans haine ni rancoeur : il constate.

Alors âgé de 86 ans, Cudjo livre une histoire somme toute très parcellaire qui engendre des « raccourcis » sur des choses, soit dont il ne se rappelle pas bien, soit qu'il ne comprend pas (comme la mort de sa femme par exemple où l'on déduis qu'il n'en a pas saisi la raison, qu'il n'appréhende pas vraiment ce qu'il lui est arrivée – il évoque vaguement une « maladie »…) ; une mémoire hésitante qui laisse apparaitre des « trous » et des approximations.

Plus tard, il raconte que les esclaves libérés fonderont Africatown USA et Plateau (endroit nommé Magazine Point autour de Mobile, Alabama) lorsqu'ils comprendront que malgré toutes les « économies » qu'ils pourront rassembler ne suffiront pas pour retourner en Afrique. Cette ville constituera un dernier « rempart » contre les américains : les blancs, mais aussi les noirs de deuxième ou troisième générations qui considèrent leurs frères africains comme des « sauvages ». La ségrégation raciale bat alors son plein même après l'abolition de l'esclavage en 1865.

Le livre est non seulement composé du (court) témoignage livré par Zora Neal-Hurston mais il est étoffé par une préface d'Alice Walker (précieuse pour ses précisions et explications nécessaires à la compréhension du texte qui suit) et des notes en fin de récit écrites par son biographe Robert E. Hemenway.

Emma Langdon Roche, Zora y fait brièvement allusion lorsqu'elle cite ses sources. Emma est une écrivaine et artiste américaine qui a été en fait la première à interviewer les habitants d'Africatown et à avoir rencontré Kazoola (Kossola, bref, Cudjo ). Elle fut la première à écrire sur l'Histoire de ces anciens esclaves. Son livre « Historic Sketches of the South » n'a à ce jour, pas été traduit en français. Zora rencontrera elle aussi Cudjo par la suite ainsi que différents habitants de la région de Mobile.



Pour ma part, j'ai beaucoup aimé le récit de Kossola en lui-même avec son langage particulier par contre les commentaires après beaucoup moins. Si comme le présente la couverture, il s'agit bien du témoignage de Cudjo Lewis, « Barracoon » écrit par Zora Neale-Hurston, les commentaires de fin de livre sont tout à fait superflus. Il aurait eu sa place dans un autre livre consacré exclusivement à la biographie de l'anthropologue [Il existe je crois]. La préface d'Alice Walker suffit largement.

Cependant comme le travail d'Emma Langdon Roche n'est pas encore parvenu en France, celui de Zora Neale-Hurston reste très précieux et n'enlève rien à l'authenticité du témoignage de Cudjo. C'est cela qui me semble important.

Je remercie infiniment les Editions J.C. Lattès pour avoir fait traduire et éditer l'ouvrage ainsi que la plateforme NetGalley pour m'avoir permis de découvrir l'histoire de Kossola et de m'avoir interpellée sur le parcours de Zora Neale-Hurston.
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Ce livre qui raconte l'histoire poignante du dernier esclave américain a été interdit de publication pendant plus de 70 ans, car le mythe des Africains pauvres et exploités, qui capturaient et vendaient leurs compatriotes aux esclavagistes, était pour beaucoup un sujet tabou.

L'auteure Zora Neale Hurston retrace avec beaucoup de soin l'histoire d'Olualé Kossola appelé peu de temps après son arrivée en Alabama, Cudjo Lewis. Il a vécu comme beaucoup de gens de son peuple, la traite négrière, les atrocités commises par ceux de son propre peuple et par les Américains. Trop d'entre eux ont été enlevés, traumatisés, enchaînés, affamés et entraînés dans d'autres terres que les leurs. Il raconte son existence précaire dans le navire qui l'a conduit jusqu'à ses nouveaux maîtres, puis les baraquements (maisons) dans lesquels lui et d'autres esclaves ont vécu par la suite. Il finira par parler de sa vie après cette période sombre, le jour où il fut émancipé, sa joie d'être enfin libre malgré la peine qu'il ressent de ne pouvoir retrouver son pays.

La chronique complète sur Songe !
Lien : https://songedunenuitdete.co..
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Une ethnologue recueille les mémoires d'un esclave africain vivant en Alabama depuis ses 18 ans... récit de sa rafle par des négriers noirs, traversée douloureuse...Sa mémoire est confuse,son vocabulaire limité,ses souvenirs pauvres faute d'avoir connu des situations variées
Seule persiste la mort sans jérémiade et une forme de noblesse . Bref et digne,ce livre ,sans racolage.
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" le livre est précieux aussi parce qu'il nous fait entrer dans cet abîme de désespoir que les Africains nomment Maafa, « terme swahili signifiant à la fois le désastre et la manière dont les hommes réagissent face à lui. » A l'instar du Samudaripen, de la Shoah, de la Naqba, mais avec une portée infiniment plus vaste, puisqu'elle désigne à la fois le déracinement, l'ethnocide, le génocide, l'esclavage, la traite, et ce pendant des siècles, cette expression porte l'horreur inédite du destin africain, mais aussi de cette résistance profonde, obscure, entêtée à ce qu'on pourrait appeler la nuit sans fin de la dépossession, de la déshumanisation. On ne peut qu'être épouvanté par la vie terrible que raconte Kossoula. La fin de l'esclavage ne verra évidemment pas la fin de ses tribulations. Comme le disait Wilde non sans perspicacité, « Les esclaves se retrouvèrent libres, absolument libres de mourir de faim ». Chassés des plantations sans le moindre dédommagement pour les années de travail gratuit, en butte à un racisme qui n'avait pas fléchi pour l'issue d'une guerre ou un texte de loi, ils devaient travailler dur pour peu. Dans sa naïveté, Kossoula demande à son ex-propriétaire un bout de terre pour s'y installer avec ses compagnes et compagnons, une fois qu'il a compris dans la douleur que jamais le fruit de son travail ne lui permettra de payer le voyage retour vers l'Afrique. le planteur, qui estime avoir toujours été bon avec ses esclaves (et en effet ce n'est pas une brute comme il en existe beaucoup) se met alors en colère, outré, et lui explique qu'il ne lui doit plus rien puisqu'il ne lui appartient plus. Au prix d'années de labeur, les Africains déportés du Clotilda acquièrent alors collectivement un lopin de terre où ils installent leur ville, Africatown (Plateau, en Alabama). Ce sera, pendant toute leur vie, un succédané d'Afrique où pourtant la vie n'est jamais facile. Entre Africains au début, ils sont rejoints par des afro-américains qui n'ont jamais connu l'Afrique, parlent anglais et les considèrent comme des sauvages. Douleur du massacre de sa famille et de l'arrachement, douleur de la déportation, douleur de la nostalgie et du mal du pays, douleur de l'esclavage et de l'humiliation, douleur lancinante et inguérissable du déracinement dans la violence, Kossoula décline toutes les facettes du Maafa. La trentaine d'Africains à rester ensemble, Principalement des Yoruba et des Fon, leur permet de continuer à parler leur langue, ne pas perdre leurs histoires, leurs contes, leurs proverbes, leur mémoire. Mais ils ont une vie d'assiégés, dure et violente, limitée en tout, sans espoir de retour. Malgré la férocité de son sort, Kossoula est un vieillard enjoué, changeant, parfois abattu et grincheux, mais la plupart du temps étonnament disert et avide de bonheur. le lien qui se tisse entre lui et Zora, alors âgée de 38 ans, est plein de fraîcheur et de spontanéité. Déporté à 19 ans, il a une mémoire très précise de tout ce qui s'est passé, et en lui l'Afrique est restée la part la plus intense et la plus lumineuse de sa vie, bien qu'il n'y ait passé que la fugacité de son extrême jeunesse. À l'époque où Zora le rencontre, il a perdu successivement quatre de ses enfants, sa femme, Abila, déportée en même temps que lui, et pour finir son dernier fils. Ne restent auprès de lui que sa belle-fille et ses petits-enfants. Sa famille a constitué pour lui un sanctuaire d'amour et de bonheur, le seul, dans une détresse constante. Mais d'elle aussi il a été dépouillé. Il cultive son jardin. À aucun moment de son récit il ne se présente comme le personnage central de sa propre vie. Il a tout subi, il a fait ce qu'il a pu, il a aimé pourtant, il s'est efforcé de résister à la cruauté du sort. Il est si pauvre que Zora et son éditrice lui porteront secours à plusieurs reprise, lui évitant de sombrer dans l'indigence. Il est devenu un bon chrétien, mais garde, à travers ses paraboles et ses contes, sa vision originelle de l'existence. ( ...) À partir du moment où on est né, on peut être dépossédé de l'avenir et de son destin, mais pas de ses origines. On est tout étonné de voir sortir des griffes d'une insatiable méchanceté ce vieillard qui parle d'amour, et qui sans cesse parle dans un présent aussi long que sa longue, très longue route. "
Lonnie, extrait de l'article paru dans DM
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