In Deo

Ce court texte a été publié une première fois en 1994 accompagnant une série de photographies de Jacqueline Salman réalisée dans les montagnes Rocheuses.
Pour cette nouvelle édition, plusieurs dessins griffés de Guy Oberson font un écho minéral et puissant à ce texte chamanique qui mérite d'être dit et de raisonner dans un espace donné.
Imaginez l'européen, colon blanc, face à l'amérindien, autochtone d'une terre en cours de conquête. Chacun s'affronte dans un débat énergique, clamant sa vérité et sa perception du monde. Une fenêtre philosophique et morale sur ce que l'on se représente, sur nos certitudes en mouvement, et la violence qui en découle quand on l'impose à l'autre.

Un petit texte poétique qui est pour moi une première approche de Nancy Huston, une autrice que je n'ai toujours pas découvert malgré mon goût prononcé pour la littérature américaine contemporaine écrite par des femmes🙄.

Ici, elle fait dialoguer un indien ("in deo", le titre vient de là et explique son choix de titre comme raconte son inspiration dans une préface indispensable) et un colon. Elle confronte 2 mondes, deux points de vue et fait filer le temps, les époques le temps de cette rencontre.

Par des phrases courtes, des fois nominales, le colon liste ce qu'il "apporte" à l'indien tandis que l'indien explique ses croyances, traditions et son mode de vie. Science contre nature, social contre communauté, culture contre traditions. La lutte de l'acquis social contre la paix de l'inné...

Le texte a été écrit pour accompagner des photographies de Jacqueline Salman (qui ne sont pas représentées dans l'ouvrage) mais le texte est tout de même accompagné d'illustrations de Guy Oberson. La démarche artistique de Nancy Huston diffère complètement avec ce qu'on pourrait attendre. C'est un texte illustratif, brutal, qui interroge plus qu'il ne conte. Elle nous interroge, nous, lecteur héritier de cette culture colonisatrice. L'homme savant au-dessus des croyances, des dieux et de la nature... et pour quoi faire ?

Ce texte pourrait être scandé tellement il est fort, pourrait être joué tellement il est visuel. Nancy Huston s'affranchit des règles classiques du récit pour illustrer, provoquer cette gêne ultime de celui qui impose, et refuse la différence. C'est beau et le format court se lit d'une traite et ne laisse pas de marbre.
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