elle n'aura pas le droit, l'autorisation, l'autorité de rejeter les hommes réels pour épouser son art, pour la bonne raison qu'elle peut produire de la vraie vie. Que - contrairement à l'homme qui est "sans enfants" - elle connaît la lourde et plate, la banale et sanglante vérité de la création : elle accouche. Elle fait du vrai vivant. comment parvenir dès lors à se leurrer, au point de croire que le faux est vrai, que l'inanimé est animé, que l'esprit produit le corps ?
Inventer et ficeler des histoires, vivre et imaginer des aventures ; assumer et courir des risques ; bafouer et tourner en dérision les moralités orthodoxes : toutes ces spécialités traditionnellement masculines deviennent accessibles aux femmes, à mesure qu’elles insistent pour regarder en face la vie et la mort ; à mesure, aussi, que les pères apprennent à “materner” et que les mères n’ont plus à incarner, seules, l’éthique pour leurs enfants.
selon les vieilles règles du jeu de la séduction, l'ambition artistique est un atout pour un homme et un handicap pour une femme ; l'amour rend l'homme plus éloquent et fait perdre à la femme tous ses moyens ; la réussite intellectuelle rend un homme plus "viril" et une femme moins "féminine"...
Eh oui ! les femmes tremblent.
Peut-être parce qu'elles n'ont pas de muse ? ou parce que, ayant si longtemps occupé sa place, elles la savent illusoire et ne parviennent pas à avoir en elle une "foi inébranlable" ?
...j'étais contenue par la chambre comme l'embryon était contenu par moi, j'étais sa chambre à lui, je me suis demandé si, quand je prenais une douche, il entendait le jet d'eau sur mon ventre de la même manière que j'entendais la pluie sur le toit...
Toujours est-il que je me sens apaisée, guérie à force d'avoir pleinement éprouvé le caractère humain d'une grossesse humaine : elle m'a restitué mon corps, qui est un corps humain, c'est-à-dire pensant.
Selon la formule d'un ami québécois, quand deux êtres s'aiment, ils ne font bientôt plus qu'un : le tout est de savoir lequel des deux.
Elle est entrée dans le temp de la folie, le temps nervalien de "l'analogie universelle", le temps merveilleux et abominable où tout signifie.
Contre toute attente et surtout contre ma volonté, ce passé a grimpé sur le dos de mon présent et s'est mis à le grignoter, à la bouffer comme une bête obscène.
Le journal est un genre littéraire qui scande le temps.